Non, je les trouve plutôt rassurants. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’euro reste populaire et cela dément l’emprise des discours anti-européens. Mais les deux questions posées sont d’une nature différente : on peut, sans compétence particulière, être politiquement pour ou contre l’euro, mais il faut disposer d’informations complexes pour avoir un avis sur les conséquences d’une sortie de la Grèce. Et à mon sens, on aurait tort d’en prendre les risques à la légère.
Si la Grèce sort de l’euro, l’euro disparaîtra vraisemblablement dans la foulée. Car la crise que nous affrontons venue d’Amérique ne peut plus être résolue en Europe sans un immense effort collectif des Européens. J’avais déjà expliqué en 2007 qu’elle serait comparable à la crise de 1929. Autrement dit, si nous, Européens, ne sommes pas capables d’aller vers davantage d’intégration politique, nous nous séparerons et nous coulerons. Déjà, si la Grèce sort de la zone euro, les marchés se diront que nous, Européens, n’avons pas été capables de résoudre une crise qui concerne un pays dont le PIB est à peine de 2% de celui de l’UE. Et que nous ne serons pas capables de régler les problèmes de l’Espagne et des autres pays concernés.
Nostradamus-Attali |
Il faut choisir : soit les dettes doivent être remboursées par ceux qui ont emprunté, soit par ceux qui ont prêté. À moins de pouvoir, par la croissance, donner à chacun les moyens de s’en sortir. Ou encore, dans l’attente au moins d’une solution politique, obtenir que la Banque centrale européenne joue un rôle majeur en mettant sur la table entre 1.000 et 3.000 milliards d’euros.
Si la Grèce sortait de l’euro, la première victime du chaos qui s’ensuivrait serait l’Allemagne. Les banques allemandes sont engagées pour des centaines de milliards d’euros dans le reste de l’Europe. Les entreprises allemandes vivent très largement de leurs exportations en zone euro. L’Allemagne ne doit donc pas avoir peur de laisser la BCE jouer un rôle central. Il ne faut pas que l’Allemagne craigne un retour de l’inflation, qui est possible si d’énormes sommes sont injectées dans les circuits financiers. Les Allemands pensent toujours que Hitler est né de la crise inflationniste. C’est faux : l’hyperinflation date de 1922. Et Hitler est arrivé au pouvoir en 1933 du fait de la dépression. Ce n’est pas la même chose.
La Grèce va de toute façon demander à renégocier son plan de rigueur beaucoup trop dur. Il faut un plan de croissance, mais il suppose des choix très importants. Par exemple, la Banque européenne d’investissement, qui est le plus grand établissement public du monde et qui doit être un acteur majeur de la relance, prête de moins en moins pour ne pas perdre son triple A. En fait, elle prête même de moins en moins parce qu’elle prête à des pays qui, eux, voyaient leur note dégradée. Pour que le plan de croissance décidé à Rome fonctionne, il faut que la BEI prête plus et accepte de perdre son triple A.
Mettre en place une surveillance et un contrôle communs des budgets, ce n’est pas un abandon de souveraineté. Cela ne signifie pas que les autres Européens auront un droit de regard sur la façon dont la France dépense son budget. Il s’agit juste de veiller à ce qu’aucun membre de l’euro zone ne dépasse la limite des déficits décidés en commun. Chacun conservera la liberté de dépenser à sa façon mais sans aller au-delà du déficit convenu. Si on n’accepte pas cela, ce seront les marchés qui nous l’imposeront de façon particulièrement humiliante. Si l’intégration politique et économique n’avance pas, l’Allemagne et la France souffriront de dépressions majeures. La France doit accepter cette amorce de fédéralisme politique européen. Elle a tout à y gagner.
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