vendredi 8 juin 2012
10 % de chômage dûs à Sarkozy ? Jean-Marc Ayrault est-il aveugle ou de mauvaise foi ?
Jean-Marc Ayrault a déclaré ce jeudi
que l'accroissement du chômage au 1er trimestre 2012 à 10%, son plus
haut niveau depuis 13 ans, faisait partie de "l'héritage" de Nicolas
Sarkozy. Le Premier ministre a-t-il perdu une occasion de se taire ?
Olivier Babeau :
Il est toujours tentant et facile, quand on arrive aux affaires,
d’attribuer à l’équipe précédente la responsabilité de tout ce qui ne va
pas. C'est cependant souvent un argument d'autant moins pertinent qu'il
est séduisant. Dans quelques mois ou quelques années, l’opposition aura
beau jeu à son tour de reprocher à l’actuel gouvernement les mauvais
chiffres du chômage d’alors (il est vraisemblable qu’ils resteront
mauvais hélas). Cela fait partie du petit jeu politique de
feindre de confondre corrélation et causalité en cette matière : celui
qui est au pouvoir en période de croissance en ramasse les lauriers.
En réalité, on constate que tous les gouvernements depuis 40 ans sont
en échec face à ce problème sans cesse réaffirmé comme « priorité
nationale », ce qui est du reste une incantation d’autant plus vide
qu’elle est répétée quasiment dans les mêmes termes à chaque nouveau
gouvernement.
Le niveau du chômage en
France reste clairement au-dessus de la moyenne des grands pays
européens comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, sans même parler
évidemment des Etats-Unis. Sa structure est de plus en plus
inquiétante, puisque s’y aggravent le chômage des jeunes (25 à 30%), le
chômage de longue durée et celui des moins qualifiés. En tant que
professeur, je vois chaque année combien mes étudiants, pourtant formés
et diplômés, ont du mal à s’insérer sur le marché du travail, car son
dualisme y est sans cesse plus net : d’un côté des insiders (en CDI) surprotégés qui parviennent à s’en sortir, de l’autre des outsiders (CDD, contrats précaires, intérimaires…) qui frappent sans succès à la porte de l’emploi.
Il
est difficile de répondre sans étude détaillée et spécifique, mais la
grande inertie du taux de chômage en France est en tout état de cause la
marque d’une structure du marché qui amortit les chocs conjoncturels,
qu’ils soient positifs ou négatifs. En d’autres termes, en
période de croissance, quand les Etats-Unis voient leur chômage baisser
très rapidement, la France se maintient. A l’inverse, notre chômage a
souvent une progression moins forte en période de récession.
Le politique, par
profession, est tenté de toujours prétendre contrôler les événements, et
d’être capable de changer les choses à court terme. Cette vision des
choses a l'avantage d'être très rassurante, et de leur permettre de
satisfaire aux demandes collectives de réassurance. Mais la réalité est
plus cruelle : d'abord une grande partie de la situation de
notre économie et l'emploi en France est dépendante des exportations
(les exportations représentent 27% du PIB), c’est-à-dire d’une demande
extérieure sur laquelle nous avons peu de prise. Ensuite, les
seuls domaines où l’action du gouvernement peut prétendre être vraiment
efficace ne produisent des effets que dans le long terme : le chômage
étant souvent dû à un problème de correspondance entre les compétences
disponibles et celles que demande l’économie, une bonne politique
d’adaptation des formations ne portera ses fruits qu’après cinq à dix
ans au minimum.
Oui
évidemment, notamment en ce qui concerne la modulation des indemnités
chômages pour encourager à la reprise d’activité, mais la situation de
la France est néanmoins spécifique. Aucun de nos partis de gouvernement
n’a jamais voulu reconnaître ce que soulignent depuis longtemps un grand
nombre d’économistes : notre fort taux de chômage est tout simplement
dû en grande partie à un double problème. D’une part la rigidité
de notre marché du travail (il suffit d’avoir croisé un jour le patron
d’une petite entreprise pour le savoir : l’embauche est une perspective
absolument terrorisante pour eux, tant la complexité de gestion d’un
salarié et l’absence totale de flexibilité sont grandes). D’autre part
le niveau très élevé de notre salaire minimum (inexistant en Allemagne)
qui exclut de l’emploi les moins qualifiés.
Les solutions sont claires, à défaut d’être faciles à faire accepter : simplification de notre droit du travail ; baisse du salaire minimum ; assouplissement du marché du travail,
par exemple en créant un nouveau contrat de travail cassant son
dualisme et apportant à la fois une plus grande flexibilité aux
employeurs et une protection accrue au salarié tout au long de sa
carrière (il faut cesser de croire qu’un salarié a vocation à n’occuper
qu’un seul emploi dans une même entreprise tout au long se sa vie). Ce
n’est pas, de toute évidence, le chemin que se propose d’emprunter le
gouvernement Ayrault qui s’apprête apparemment à multiplier les emplois
subventionnés et les hausses de coûts pour les employeurs. Le chômage
n’a certes pas fini d’être proclamé « priorité nationale » par nos
gouvernants successifs.
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