Angela Merkel a brisé un tabou, hier, en relevant que certains pays
pourraient avancer plus vite que d’autres afin de renforcer l’Europe
politique, ce qu’elle juge indispensable pour sortir de la crise.
Le
pas en avant est double : la chancelière admet d’abord explicitement
que le Pacte de stabilité budgétaire, qui est pourtant son « bébé », ne
suffira pas à endiguer la tempête qui met à mal l’euro, et qu’il faudra
une intégration politique plus poussée. Elle jette ensuite à la poubelle
une chimère qui paralyse le continent, en admettant (sans le dire de
cette façon) que le Nord et le Sud ne peuvent pas marcher au même
rythme. Depuis le début de la crise tout le monde le constate, mais
personne n’ose en tirer la conclusion qui s’impose : l’Europe qui
s’agrandit sans cesse dans le but premier – voire unique – d’élargir
encore et encore un grand marché sans barrières douanières ne peut être
viable. En remettant l’union politique au cœur de ses ambitions pour le
continent, Merkel commence à tourner timidement le dos, sous la pression
de la crise, à la vision purement marchande de l’Union. Il est piquant
de voir qu’elle le fait au moment où elle reçoit son homologue anglais
Cameron, qui n’a même pas signé le Pacte de stabilité.
Certes, les
profondes réformes que réclame la chancelière ne permettent ni
d’éteindre le feu grec ni d’empêcher l’incendie de s’étendre à
l’Espagne. Elle refuse toujours de mettre la main au portefeuille et
certains – notamment en France – ne manquent pas de l’accuser de vouloir
gagner du temps. Erreur : ce sont les coûteux sparadraps appliqués
depuis le début de la crise sur les jambes de bois grecque, portugaise
et irlandaise qui ont permis de grappiller quelques années de répit.
Sans succès, puisque le mal n’a pas été endigué et qu’il est même en
passe de s’étendre à l’Espagne. Pourtant, il y en a eu, des milliards
versés !
Sans doute en faudra-t-il encore, mais l’Europe ne peut
pas alimenter indéfiniment un tonneau sans fond. Angela Merkel dit, en
somme, à ses partenaires : avant de payer, je veux savoir où vous voulez
aller… et qui est prêt à marcher avec moi. Dix ans après l’introduction
de l’euro dans les porte-monnaie, il serait temps, en effet, de se
poser ce genre de question.
vendredi 8 juin 2012
Merkel brise un tabou
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