TOUT EST DIT

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jeudi 13 octobre 2011

Recapitaliser les banques pour sauver l'euro


Le pari européen de gérer la crise des risques souverains en gagnant du temps pour permettre à la Grèce de retrouver l'accès au marché tout en préservant les banques et les institutions de la zone euro est perdu. Le second plan d'aides arrêté par le Conseil européen du 21 juillet dernier est caduc avant même d'entrer en application. La Grèce (dette de 160 % du PIB, déficits public et courant de l'ordre de 9 % du PIB, récession de 5 % et taux de chômage de 16 %) est définitivement insolvable. Les pertes prévisibles pour les banques et pour les Etats (8 milliards à ce jour pour la France) alimentent le blocage de la liquidité du système financier et la crise des risques souverains. Des pays périphériques, la contagion a gagné l'Espagne et l'Italie (qui représentent 12 et 17 % du PIB de la zone euro et affichent 2 800 milliards d'euros de dettes pour un besoin annuel de financement de 320 milliards, à comparer aux 440 milliards du fonds de stabilité), puis le coeur de la zone euro. La France est ainsi menacée d'une dégradation prochaine de sa notation financière en raison de son incapacité à baisser ses dépenses publiques et relancer les privatisations, mais aussi du fait de ses engagements européens. A l'image du Japon, la zone euro se dirige donc vers une croissance nulle et un chômage structurel. Au lieu de créer de la confiance, l'Europe a renforcé l'incertitude et l'instabilité.

Les responsabilités de ce désastre sont avant tout politiques. La croissance mondiale est certes en phase de ralentissement. Mais c'est l'Europe qui a fabriqué son krach par son aveuglement face à ses problèmes structurels, son retard dans les décisions, son inconséquence dans leur exécution. Responsabilité de la Grèce, qui ne peut rembourser ses dettes et continue à tergiverser en matière de fiscalité et de privatisations - ce qui va entraîner la suspension de l'aide du FMI. Responsabilité des Etats qui ont différé les indispensables plans d'austérité jusqu'à les rendre incompatibles avec la croissance tout en retournant à des stratégies non coopératives dès la fin de la récession de 2009. Responsabilité de l'Allemagne, qui, forte de ses réformes et protégée des marchés par la puissance de son industrie, bloque, pour des raisons de politique intérieure, toute stratégie active de gestion de la crise. Responsabilité des instances communautaires - y compris la BCE, du fait de ses relèvements de taux et de la surévaluation de l'euro -, qui ont totalement failli tant dans la réponse à la montée des risques souverains que dans la coordination des politiques économiques requise par la survie de l'euro ou dans la régulation du secteur financier. A refuser tant le défaut grec que la mutualisation des dettes, l'Europe a fabriqué une crise systémique née de l'interaction entre le surendettement des Etats et la désintégration des bilans bancaires, qui menace les acquis de 60 ans d'intégration.

Il faut casser d'urgence la spirale du surendettement des Etats et de la faillite des banques en faisant la vérité sur les pertes. Les dettes de la Grèce, du Portugal et de l'Irlande doivent être restructurées en leur appliquant la décote du marché, soit 50 %, en contrepartie de la stricte application des programmes d'ajustement. La non-réalisation des conditions, notamment la dérive persistante des comptes publics, sera sanctionnée par la sortie de la zone euro des Etats défaillants. Cette restructuration obligera les Etats qui ont souscrit aux programmes d'aides, mais surtout les banques, à constater leurs pertes. D'où un besoin de recapitalisation des institutions financières d'environ 200 milliards d'euros qui devra être couvert soit par des augmentations de capital, soit par une nouvelle intervention des Etats. Celle-ci devrait être réalisée sous la forme d'actions de préférence liées à des warrants afin de garantir la valeur de l'investissement public. Elle sera conditionnée à la séparation des activités de banque de détail et de banque de marché, à l'encadrement strict des rémunérations, à la régulation effective des marchés (credit default swaps, exchange traded funds) et des opérateurs (shadow banking). La recapitalisation des banques pourrait être coordonnée par un fonds d'investissement européen ouvert aux fonds souverains d'Asie et du Moyen-Orient. Elle devra être accompagnée d'une mise à zéro des taux d'intérêt, de l'accélération des achats de titres de dette publique par la BCE et d'une baisse agressive de l'euro dans le droit-fil de la politique conduite par la Banque nationale suisse.

Faire la vérité sur les pertes impose de faire aussi la vérité sur la fin des modèles de croissance à crédit et sur la réforme des institutions de la zone euro. Dans l'économie ouverte, nul - pas même les Etats-Unis - ne peut s'installer durablement dans la sous-production et la surconsommation. Les erreurs de l'Allemagne dans la gestion de la crise n'invalident nullement la justesse de sa stratégie de reconstruction d'une offre compétitive dans la mondialisation. Il n'y a pas d'alternative à l'austérité et aux réformes structurelles pour les Etats déficitaires, mais elles doivent avoir pour contrepartie des politiques de soutien de la consommation dans les Etats excédentaires. Il faut par ailleurs refonder la gouvernance de la zone euro. Tous les principes fixés pour la monnaie unique par les traités de Maastricht en 1992 et Amsterdam en 1997 ont été invalidés : critères et pacte de stabilité, impossibilité d'un défaut, absence de solidarité budgétaire, interdiction du financement monétaire des déficits publics. L'Europe paie très cher pour constater qu'il ne peut y avoir de monnaie unique avec des budgets, des fiscalités et des Etats providence qui demeurent nationaux. La survie de l'euro est donc indissociable de la solidarité financière et de la responsabilité budgétaire, qui impliquent un gouvernement économique et une refonte des statuts de la BCE. A cette condition pourraient naître des eurobonds qui ont vocation à être adossés à des institutions fortes, à moins d'aller vers de nouvelles crises avec des instruments fédéraux sans réassurance politique. La modernisation des modèles économiques et de la gouvernance de l'euro suppose ainsi une capacité de leadership et une conscience de l'intérêt supérieur de l'Europe qui font tragiquement défaut à ses dirigeants actuels. A moins d'un ressaisissement rapide, l'euro risque de rejoindre l'Union latine et le bloc-or dans le cimetière des unions monétaires mort-nées

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