TOUT EST DIT

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vendredi 14 octobre 2011

L’urgence

Il faut toujours se méfier de l’émotion quand elle interfère dans l’analyse de l’information. Et quoi de plus spectaculaire dans le quotidien d’un établissement scolaire qu’une professeur qui s’immole dans la cour d’un lycée ? Le raccourci entre la tragédie d’une enseignante et le malaise de l’école française est alors si rapide à emprunter... Et l’évidence si claire à reconnaître.

On préférera évidemment se garder de tout amalgame hâtif tant que l’enquête n’aura pas déterminé les causes exactes du geste de l’enseignante de Béziers. Dépression personnelle ou désespérance professionnelle : comment faire la part des motivations intimes quand, tout à coup, on décide d’en finir ? A quoi bon d’ailleurs ? «Un suicide, de toute façon, est toujours un accident» faisait justement remarquer Françoise Giroud qui, elle-même, avait tenté de mettre fin à ses jours...

Mais quelle que soit son histoire, le drame d’hier dépasse déjà ses acteurs parce qu’il remue beaucoup d’interrogations sur la pratique d’un métier exposé en permanence aux frustrations, au stress, à l’image de vous-même que vous renvoient vos élèves, aux sentiments mêlés de découragement et d’idéal. La pression est parfois si forte qu’elle peut emmener un(e) prof jusqu’aux frontières de l’irréparable.

Ce scénario du pire hante le ministre de l’Éducation nationale, confronté au ressentiment grandissant d’un corps enseignant qui s’estime abandonné aux doutes d’un système éducatif dégradé. La réalité du métier est désormais habitée, en effet, par une double crainte, intellectuelle - être à la hauteur de sa mission - mais aussi physique : la confrontation avec des classes difficiles à mener, voire à «tenir», est trop souvent une épreuve psychologique de longue haleine. Elle va, comme récemment à Schiltigheim, jusqu’à la peur de violences physiques.

La question, c’est désormais celle du degré d’exaspération, et de ses conséquences. La problématique, jamais tranchée, des classes surchargées et les interrogations permanentes sur l’efficacité du lycée entretiennent un climat délétère que les réformes successives ne parviennent pas à améliorer durablement. Une situation qui autorise toutes les confusions et toutes les approximations

Entre le discours systématiquement autosatisfait du pouvoir politique et l’instabilité chronique de l’école, le gouffre ne cesse de s’approfondir. L’application de Luc Chatel à apaiser le traumatisme d’hier montre l’inquiétude profonde du gouvernement à l’égard d’un phénomène dont il ne parvient plus à contrôler les limites. Si l’émotion est stérile, au moins parviendra-t-elle à souligner ce qui devrait être l’urgence de la prochaine présidentielle : l’école.


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