L’interjection peut surprendre au lendemain d’une grève qui raconte à elle seule un malaise général français. Mais oui, vive l’école ! Quelle autre cause serait capable de faire descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes ?
Peu importent les comptages dérisoires qui, comme d’habitude, montrent un décalage entre les services du ministère et les syndicats : la mobilisation a été suffisamment large pour avoir un sens. Que M. Chatel se rassure : la journée d’hier est représentative d’une incompréhension et d’une exaspération bien plus denses, encore, que les cortèges. Mais combien de temps encore faudra-t-il couvrir de protestations le dialogue de sourds entre le pouvoir politique et la communauté éducative ?
C’est toujours le même symptôme. La panique devant le défi comptable récurrent posé par la massification de l’école frappe le ministre de cécité. Incapable, tout à coup, de discerner l’essentiel. En toute bonne conscience, la France néglige son école élémentaire à laquelle elle a si longtemps accordé une confiance illimitée : n’était-elle pas « la meilleure du monde » ? Mais elle ne l’est plus. Pire : elle reproduit les inégalités qu’elle est censée aplanir. Elle les aggrave, même, trahissant chaque jour la promesse de la République.
Même s’il est au-dessus de la moyenne des investissements pour les collégiens et les lycéens, notre pays est l’un de ceux qui consacrent le moins d’efforts au primaire. Là où tout se joue ou presque. Sans oser l’avouer, les gouvernements successifs se contentent du fait que 70 % à 75 % des écoliers s’en sortent à peu près correctement à la fin du CM2. Ce n’est jamais dit non plus, mais ce pourcentage est jugé, au fond, satisfaisant. Il n’a jamais justifié un élan de révolte pour le faire évoluer. On se rassure même avec des études qui montreraient l’absence de lien entre les effectifs des classes et la réussite…
Les 25 % à 30 % d’élèves qui traînent leurs lacunes de classe en classe n’empêchent pas les politiques de dormir. Ils sont passés en pertes et profits. Toute la différence avec les pays scandinaves, où l’on ne lâche pas la main d’un élève en difficulté avant qu’il ne soit tiré d’affaire, est là.
M. Chatel peut bien s’émerveiller du modèle finlandais — ça ne coûte pas cher — il faudra bien qu’un jour il accepte de tirer les conséquences de ses voyages d’études. Et qu’il ait, enfin, le courage de mettre les Français devant leurs responsabilités. Si nous voulons une école égalitaire pour tous — gage de dynamisme national et de cohésion sociale — alors il faudra s’en donner les moyens. Comment pourrions-nous sérieusement nous exonérer d’un effort monumental pour l’encadrement des jeunes élèves ? Quant à l’école, acceptera-t-elle, de son côté, de se remettre en question pour améliorer son efficacité au quotidien ?
Les enfants méritent cette double révolution des mentalités. Les politiques sauront-ils en faire une ambition ?
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