mercredi 28 septembre 2011
Le triomphe de la gauche aux sénatoriales cache son divorce avec le peuple
Christophe Guilluy : De fait c'est ce qui se passe. Mais avec la manière dont vous posez la question, on a l'impression qu'il s'agit d'une répartition consciente, voulue. Évidemment, ce sont les événements qui font que cela se passe ainsi. Dans les faits, c'est toutefois exact : le PS gère le local et l'UMP gère le national. Avec cette idée de fond que ce sont les grands partis qui gèrent et le local, et le national.
Mais le plus intéressant, selon moi, c'est la façon dont la gauche gagne les élections depuis 10 ans. Si l'on étudie plus en détails à ce qu'il s'est passé aux régionales ou aux européennes, on constate qu'il s'agit des élections où le taux d'abstention des catégories populaires est le plus élevé. La gauche gagne donc systématiquement quand les employés et les ouvriers ne vont pas voter. Pour résumer : les élections gagnantes de la gauche sont les élections sans le peuple.
Or, dimanche la gauche a remporté le Sénat, c'est-à-dire l'Assemblée, de fait, la plus éloignée du peuple. Cette victoire s'inscrit donc finalement dans la même logique que ces dix dernières années. C'est l'aboutissement d'un long divorce entre la gauche et le peuple.
Ainsi, quand j'entends les dirigeants crier victoire, à mon avis, ils vont un peu vite en besogne. Le divorce entre la gauche est le peuple reste présent. La victoire aux sénatoriales pourraient même constituer une très mauvaise nouvelle ! En effet, symboliquement, gagner le Sénat, comme gagner Paris d’aillleurs, n’est pas vraiment le signe du retour d’une « gauche populaire ». Paris c'est la ville bourgeoise ancrée dans la mondialisation la plus éloignée des catégories populaires. Et le Sénat c'est évidemment l'élection indirecte la plus éloignée du suffrage universel et des catégories populaires.
Effectivement, je pense aux classes populaires, et plus précisément aux nouvelles classes populaires : les ouvriers, les employés, les chômeurs, les retraités issus de ces catégories et plus généralement les catégories sociales qui subissent les effets négatifs de la mondialisation. Cette France précaire, celles des bas ou des petits revenus, c’est la « France périphérique et populaire », celle qui est la plus éloignée des grandes métropoles. Or c’est précisément cette France qu’une partie de la gauche, la gauche « terra nova » (NDLR : think tank dont l'une des dernières notes avaient créé une polémique) souhaite abandonner pour un nouvel électorat, celui des bobos et des minorités.
C’est d’ailleurs cette « gauche terra nova », que l’on a entendu dimanche à travers la voix de Martine Aubry quand elle explique que la victoire au Sénat allait enfin permettre de proposer le droit de vote aux étrangers dans les élections locales ! Comment mieux signifier le divorce avec des ouvriers et des employés aujourd’hui tentés par le vote FN ?
Bien-sûr. Ils sont une partie du peuple. Mais le sens de la note de Terra Nova n’est pas de parler à l’ensemble des classes populaires ni de les réconcilier mais de s’adresser à un nouvel électorat contre l’ancien. Un choix suicidaire puisque l’électorat ciblé est minoritaire et loin d’être acquis à cette gauche là.
Dans un contexte où la bipolarisation est de moins en moins pertinente, les classes populaires se tournent avant tout vers l'abstention. Puis, effectivement, vers le Front national. Elles sont dans une logique d'appréhension de la mondialisation au sens large (mondialisation économique, mais aussi de l'immigration, une autre facette de la mondialisation). Face à cette insécurité sociale et culturelle, les classes populaires demandent à l’Etat de jouer un rôle de protection. Mais en écho, c’est toujours le refrain de la mondialisation heureuse qu’ils entendent de la part des responsables politiques et singulièrement ceux de la « gauche terra nova ».
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