mercredi 28 septembre 2011
Le réveil des enseignants
Luc Chatel, le ministre, s'était félicité en septembre d'une rentrée scolaire techniquement réussie. La réplique des syndicats d'enseignants n'a pas tardé. Ils peuvent se targuer d'une grève réussie hier. Au-delà de l'habituelle querelle sur le taux de participation, ce qui frappe c'est l'union syndicale au sommet entre l'enseignement public et l'enseignement privé. Notamment dans les trois académies de l'Ouest.
Au ministère, tout comme à l'Élysée, on a trouvé qu'après tout ces manifestations étaient « légitimes », « normales dans une démocratie » selon Nicolas Sarkozy. Vue de la rue de Grenelle, la grève de rentrée est un phénomène saisonnier, une sorte de prologue obligé avant de s'engager plus avant dans l'année scolaire. Pourtant, cette fois, un changement de climat est perceptible.
Trois constats. Dans l'enseignement catholique sous contrat, la grève n'est pas inscrite dans les traditions. Loin de là. Elle a pourtant été suivie. Les suppressions de postes ne l'épargnent plus. La rentrée de leurs deux millions d'élèves a parfois été acrobatique. Et alors que 30 000 inscriptions ont été repoussées, il a fallu se résoudre à fermer des classes au lieu d'en ouvrir.
Dans l'enseignement public, les syndicats, jadis puissants, retrouvent une certaine vigueur. Que n'a-t-on glosé sur la déprime des maîtres, le creusement des inégalités scolaires et le déclassement social des professeurs. Ils seraient les derniers de la classe européenne en matière de rémunérations. Aujourd'hui, ils redressent la tête et semblent prêts à des réformes profondes au sein des établissements.
C'est le troisième phénomène constaté. Le plus nouveau. Certes, hier les enseignants se sont mobilisés contre les pertes de postes - 65 000 depuis 2007, 14 000 encore à venir. C'est une cure d'amaigrissement décrétée selon eux à l'aveugle, au nom d'un diktat budgétaire, un départ à la retraite sur deux non remplacé. Ils déplorent le « saccage » de la formation des maîtres, qui a heurté y compris certains ministres. Mais ce n'est plus le discours syndical unique du « toujours plus » de moyens.
Le coeur du métier, ce qui se passe dans la classe, redevient essentiel. La rénovation pédagogique retrouve voix au chapitre. Les enseignants ont pris conscience qu'en s'arc-boutant sur une organisation des établissements scolaires héritée du lycée napoléonien, leur cause était perdue. Des idées refleurissent. Sur la réorganisation du temps scolaire. La réduction du nombre d'heures de cours. Le travail en équipe. Le soutien aux élèves en graves difficultés. Et le sujet interdit, celui du statut même des enseignants, vieux de soixante ans, n'est plus intouchable.
La question de l'école s'installe petit à petit au coeur du débat politique. L'opinion a parfaitement saisi que pour espérer sortir des affres de la crise économique qui mine l'Europe, l'école, de la maternelle à l'université, est un enjeu majeur. Un investissement sur l'avenir. Mais le débat ne peut se réduire à une empoignade budgétaire, à quelques slogans séducteurs d'électeurs. Il serait paradoxal, par exemple, que l'opposition, qui dénonce des suppressions de postes à l'aveugle, réplique par des recréations à l'emporte-pièce. L'école de la République mérite mieux.
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