Quelques exemples : le chef de l'Etat n'a pas réagi au rapport de la Cour des comptes, rendu public jeudi 7 juillet, mettant vivement en cause la politique de sécurité du gouvernement depuis 2002. Il a laissé le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, riposter, alors que c'est une grande part de sa propre politique qui est directement mise en cause dans ce document. En effet, Nicolas Sarkozy a occupé le ministère de l'intérieur de mai 2002 à mars 2004 puis de mai 2005 à juin 2007, avant de faire de cette thématique l'un des marqueurs de sa présidence.
Le chef de l'Etat semble aussi laisser plus d'espace à son premier ministre. C'est François Fillon qui a assuré le service après-vente du dernier remaniement, mercredi 29 juin, alors que Nicolas Sarkozy avait choisi de s'en charger lui-même en février, lors d'une allocution télévisée. "On revient ainsi à une répartition des rôles plus habituelle sous la Ve République", constate Frédéric Dabi, directeur du département opinion à l'IFOP, interrogé par Le Monde.fr.
"UNE CERTAINE SATURATION DE LA PAROLE PRÉSIDENTIELLE"
Le même jour, Nicolas Sarkozy s'est également fait relativement discret lors de la libération des deux journalistes de France 3 retenus en otages en Afghanistan depuis dix-huit mois. Venu accueillir Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier à l'aéroport de Villacoublay avec son épouse, le président de la République ne s'est pas affiché devant les caméras, contrairement à ce qu'il avait fait lors de l'annonce de la libération d'Ingrid Betancourt, le 2 juillet 2008. Il n'a pas non plus réagi directement lors de la polémique interne dans la majorité sur les radars, fin mai, ni mis en scène la grossesse de son épouse, probablement soucieux de ne pas se voir reprocher une dérive "people" comme au début de son mandat. Et depuis le 14 mai, il prend soin de ne pas en rajouter sur l'affaire DSK.
On est loin du discours d'Epinal du 12 juillet 2007, quand Nicolas Sarkozy justifiait lui-même l'exercice d'une "hyperprésidentialisation", déclarant notamment à l'époque : "Je souhaite que le président gouverne. (...) Il ne peut y avoir de pouvoir fort sans responsabilité forte".
L'Elysée espère que cette stratégie de communication, fondée sur la rareté et théorisée par Jacques Pilhan – l'ex-conseiller en communication de François Mitterrand et Jacques Chirac – permettra à Nicolas Sarkozy de prendre de la hauteur. Son récent déplacement dans le village de Pompidou s'inscrit dans cette perspective.
Le président aurait pris conscience qu'il devait changer son image pour tenter de remonter dans les sondages, à dix mois du premier tour de l'élection présidentielle, selon Frédéric Dabi : "Il a constaté une certaine saturation de la parole présidentielle. Il est indéniable que son incarnation de la fonction, mal perçue par les personnes âgées et diplômées, a alimenté son impopularité structurelle."
Récemment, les rares prises de parole publiques de Nicolas Sarkozy ont souvent visé à défendre son bilan économique en temps de crise, notamment le 27 juin pour vanter les mérites du grand emprunt. Le message semble être : le président ne s'occupe que du fond.
La dernière prise de position polémique du président de la République remonte à février 2011, quand ses propos dans l'affaire du meurtre de Laëtitia Perrais avaient suscité une levée de boucliers des magistrats. Depuis, le locataire de l'Elysée n'a pas commenté de faits divers. Il n'a pas porté plainte après l'agression dont il a été victime, jeudi 30 juin, lors d'une visite à Brax, dans le Lot-et-Garonne, alors qu'il l'avait fait en octobre 2008 dans l'affaire des poupées vaudoues à son effigie ou, en février de la même année, contre le site du Nouvel Observateur dans l'affaire du SMS prétendument envoyé à Cécilia Sarkozy.
"SON IMAGE EST RELATIVEMENT FIGÉE"
Pour ne pas être présent de façon involontaire dans les débats de la majorité, Nicolas Sarkozy aurait de plus demandé jeudi 7 juillet à ses ministres de ne pas l'exposer directement. "Quand vous faites des propositions, ne parlez pas en mon nom ! Ne dites pas : 'En 2012, Nicolas Sarkozy fera ceci ou fera cela !'", a averti le chef de l'Etat jeudi, selon des propos rapportés par Le Figaro. Cette mise au point présidentielle visait directement Hervé Novelli, numéro 2 de l'UMP et secrétaire d'Etat aux entreprises et au commerce extérieur, qui avait assuré au Monde qu'il faudrait remettre en cause la loi sur les 35 heures, en cas de réélection.
De même, si Nicolas Sarkozy ne semble pas vouloir pas abandonner l'immigration et la sécurité, on constate que ces thèmes clivants sont évoqués par d'autres, notamment le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, et le numéro 1 de l'UMP, Jean-François Copé. Ce qui permettrait au président d'être présent sur ce terrain, sans s'exposer. "Copé prend le vent pour moi", se serait ainsi réjoui Nicolas Sarkozy, cité par Le Parisien, après la convention sur l'immigration de l'UMP, jeudi 7 juillet.
Si la nouvelle stratégie de communication de Nicolas Sarkozy pourrait le servir à l'avenir, elle n'a pas jusqu'ici eu d'effet radical dans les sondages. "Son image est déjà construite dans la perception des Français, et relativement figée", observe Jean-Daniel Lévy, directeur de l'institut Harris Interactive.
Par ailleurs, selon Frédéric Dabi, le style présidentiel ne sera évidemment pas la seule clé de 2012 : "L'emploi et le pouvoir d'achat restent les sujets de préoccupation les plus forts dans l'opinion", souligne-t-il.
Nicolas Sarkozy continuera à réformer et à se montrer "président jusqu'au bout" de son mandat, en se concentrant essentiellement sur la scène internationale et sur les sujets économiques et sociaux, affirme le conseiller de l'Elysée joint par Le Monde.fr. Cette semaine, le chef de l'Etat va d'ailleurs endosser ses habits de chef de guerre. Selon ce conseiller, pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy est déterminé à mettre en avant sa stature, son expérience et "le fait d'avoir tenu la barre pendant la crise économique".
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