TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

jeudi 22 septembre 2011

"En Afrique, on n'emmerde pas le chef avec des histoires de fesses"

La "faute morale" confessée par DSK prouve qu'en Occident les responsables ont des comptes à rendre. Sur le continent noir, la situation est différente, regrette le journal burkinabé sur un mode sentencieux. 

Sur TF1, le dimanche 18 septembre, Dominique Strauss-Kahn (DSK) a avoué avoir commis une "faute morale". Ce n'est pas anodin car, en Occident, un écart de conduite, s'il est révélé au grand jour, peut coûter cher à son auteur ou, à tout le moins, provoquer des remous politiques. Sans qu'il soit besoin ici d'innocenter ou d'accabler DSK pour ce qui se serait passé dans cette chambre du Sofitel, qui au fond est la seule, avec les deux protagonistes, à copnnaître exactement les détails de l'affaire, il convient de dire qu'en se confessant – et de surcroît publiquement – DSK a au moins le mérite d'assumer la responsabilité et les conséquences de ses actes.

Pareille attitude n'est pas inédite en Occident. C'est dans l'ordre normal des choses que ceux qui cristallisent les espoirs et les rêves de leurs concitoyens aient des comptes à leur rendre quand ces rêves se volatilisent et qu'ils ont, d'une manière ou d'une autre et à quelque degré que ce soit, une part de responsabilité dans cette hécatombe. C'est la culture de la reddition des comptes. Dans ce genre de cas, la personnalité concernée doit parler à ceux qui ont ou ont eu foi en elle. DSK s'est donc exprimé. Ceux qui l'ont écouté sont satisfaits ou non du contenu de ses propos. Et il appartient à ses partisans de lui pardonner ou non.

En tout cas, en se confessant publiquement, DSK perpétue ce devoir de rendre compte qui a droit de cité pour les dirigeants en Occident, quel que soit leur niveau de responsabilité. Certes, ce devoir de rendre compte n'est pas toujours le réflexe en Occident non plus. Il est dans la nature humaine de vouloir cacher ce qui peut nuire à son image, de ne pas vouloir étaler au grand jour des faits peu recommandables. Mais, dans les grandes démocraties, ce devoir pour les dirigeants de s'expliquer sur leurs choix et sur leur conduite est assez ancré dans la conscience collective, et il n'est pas si aisé que cela de s'y dérober.

C'est dire qu'au-delà de la demande d'excuses, qui a tout son mérite, ces excuses publiques de DSK s'inscrivent dans la logique d'un modèle de société qui s'assume. En effet, dans ce feuilleton, le procureur de New York a joué son rôle lorsqu'il a été saisi par la plaignante, Nafissatou Diallo. Ensuite, les premières autorités politiques, américaines surtout, ne se sont pas, en tout cas pour ce que l'on sait, mêlées de la procédure pour l'influencer dans un sens ou dans l'autre. Même dans la famille politique de DSK, mis à part la désapprobation exprimée par certaines personnes du traitement qui lui a été réservé par la procédure judiciaire américaine en termes de médiatisation, les gens sont d'accord, dans le principe, que chaque citoyen, quel que soit son rang social, doit répondre de ses actes devant la justice le cas échéant. La presse a joué sa partition en donnant sa part d'informations au fil de la procédure. DSK, de son côté, a soldé ses comptes avec la justice pénale américaine à la faveur du non-lieu dont il a bénéficié. Il vient également de solder ses comptes avec ses partisans et sa conscience – ou, tout au moins, il aura fait un pas dans ce sens.

Vu d'Afrique, c'est vraiment un autre monde. L'état de santé comme la sexualité des dirigeants du continent noir sont, pour l'essentiel, des sujets tabous, et qui s'y frotte s'y pique. Sous nos tropiques, on n'emmerde pas le chef avec des "histoires de fesses". Il est vrai que les causes sociologiques de cette façon de voir sont à rechercher dans la conception africaine du "pouvoir", où le chef a droit de vie ou de mort sur ses sujets et, a fortiori, le droit de "s'octroyer" les femmes qu'il veut. Mais il faut reconnaître aussi que, même dans la société traditionnelle africaine, le chef ne jouit pas de privilèges illimités : il ne peut pas tout se permettre. Figure emblématique et garant des valeurs de la société, certes, mais il y a des bornes que le chef, dans la plupart des sociétés traditionnelles africaines qui se respectent, ne doit pas franchir sous peine de signer son arrêt de mort au sens propre comme au sens figuré. Pour quiconque aspire à avoir entre les mains le destin de tout un peuple, il doit nécessairement y avoir des canons, des valeurs intangibles. Il est plus que fréquent, dans les Républiques africaines actuelles, qu'au lieu de servir aux populations cette humilité, ce devoir de rendre compte, de s'excuser, les dirigeants, accusés à tort ou à raison, ne se sentent pas obligés de s'expliquer.

Cette confession publique de DSK doit, en principe, être l'attitude de tout dirigeant républicain. Les hautes fonctions, autant qu'elles ont leurs avantages exorbitants, doivent avoir leurs sujétions particulières. Autant les actes de civisme doivent être magnifiés et leurs auteurs couronnés de gloire, autant les crimes doivent être condamnés et leurs auteurs châtiés à la hauteur de leurs forfaits. Ce sont des valeurs qui s'imposent à une république, à une démocratie. Il faut donc que le devoir de rendre compte s'incruste durablement dans nos mœurs. Ce n'est pas trop demander aux dirigeants africains. C'est juste une question de civisme, de bon sens. Une question de responsabilité. 

0 commentaires: