TOUT EST DIT

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samedi 19 mars 2011

La guerre du bluff

Kadhafi, insaisissable derviche tourneur, n’a pas fini de donner le tournis aux Occidentaux. Après l’adoption de la résolution 1973 par le Conseil de sécurité de l’ONU, Paris et Londres pensaient avoir les moyens de dompter le guide libyen. C’était une illusion : incroyablement résistant, le bédouin n’a cessé, depuis, de les égarer sur les pistes de sa stratégie de survie, ce désert mental apparemment indéchiffrable dont il connaît tous les détours.

Les membres de la coalition pourraient payer très cher leur retard à l’allumage. Jouant avec le cessez-le-feu comme un jongleur, le dirigeant libyen a profité du temps de préparation de ses adversaires pour gagner du terrain jusqu’au dernier moment. Tout était prêt pour une action militaire contre lui, avait déclaré Alain Juppé, hier soir. Oui, mais rien n’était encore déclenché et les alliés pourraient regretter longtemps l’erreur d’avoir attendu le week-end, et le sommet de Paris pour entrer en action.

Ce vendredi crucial a été celui d’un double bluff. D’un côté, la menace pour faire plier le dictateur. De l’autre, la grande manipulation de Kadhafi, qui mystifie tout le monde avec un incroyable culot, osant le mensonge le plus éhonté pour continuer de pousser ses pions. Annoncer son intention de respecter la résolution 1973 pour mieux la violer en douce, continuer de bombarder tout en affirmant vouloir faire taire les armes ? Aucun scrupule ne l’arrête. Aucun tabou. Cet homme qui promet froidement toutes les folies et jure qu’il mettra la Méditerranée à feu et à sang, parvient à compenser un rapport de forces militaire défavorable.

L’horloge des événements joue fatalement contre les démocraties, qui, elles, respectent le droit… Les Occidentaux doivent échapper au piège tendu par leur insaisissable adversaire, mais aussi aux filets de leurs propres ambiguïtés. Défensif, aérien et destiné exclusivement à protéger les populations civiles, le recours à la force voté à New York n’a pas vocation, en effet, à faire chuter Kadhafi… Sur le papier en tout cas. Les cinq grands qui se sont abstenus, dont l’Allemagne, pourraient contester la lecture extensive de cette autorisation que font désormais valoir les Américains.

La confusion qui a dominé toute la nuit a mis en évidence les limites des visées de l’Occident et les doutes sur sa capacité réelle à peser sur le destin immédiat de la Libye. Le pire serait un statu quo, objectivement favorable à Tripoli, qui respecterait les termes de la résolution onusienne. Au mieux, si on peut dire, il ouvrirait la porte à une guerre civile qui, fidèle aux antiques rivalités tribales, opposerait pour longtemps la Tripolitaine, à l’ouest, fidèle au «guide», et la Cyrénaïque, à l’est, partiellement tenue par ses opposants. Un conflit interminable en perspective.


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