TOUT EST DIT

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samedi 5 mars 2011

Révolte,
liberté,
démocratie

Le surgissement de la liberté en Tunisie et en Égypte a surpris tout le monde et réjoui la plupart. Cette irruption des foules montre combien l'âme humaine dispose de ressources souvent cachées. C'est le courage, c'est l'aspiration aux droits de l'homme, à la dignité. Avec cette rupture, apparaît aussi en pleine lumière l'odieux des systèmes qui ont été renversés. Que de souffrances, que d'attentes n'avons-nous pas su ou voulu connaître !

Quoi qu'il en soit, « la révolte (donc aussi les révoltes actuelles) invite à la communication, au dialogue », écrit Albert Camus. « Elle installe une complicité entre les hommes. Elle crée de l'être... La révolte n'est pas la liberté totale... Quand elle entre dans l'Histoire, elle rencontre des contradictions et doit choisir entre violence et non-violence, entre justice (l'égalité) et liberté... Le révolté devra, à chaque occasion, fixer la limite qui marque la mesure à ne pas dépasser » (1). Les révolutionnaires du monde arabe en sont rendus à ce point crucial. Désormais, la difficulté majeure est devant eux.

N'oublions pas que, si la liberté est la condition absolument nécessaire à l'établissement de la démocratie, elle n'est pas suffisante ; d'autant plus que, comme l'écrit Pierre Rosanvallon, « le peuple, dans la démocratie, est un être à la fois impérieux et insaisissable... Comment donner forme et figure à ce souverain, lorsqu'il faut notamment le représenter dans une assemblée ? » (2).

La démocratie est à faire

« La démocratie est à construire jour après jour », écrivait Camus. Or, son « amorçage » prend du temps. Il nécessite un apprentissage, une assimilation de l'idée démocratique par la culture du pays concerné. « Il n'est pas de démocratie sans dialogue. » En effet, celle-ci nécessite pluralisme, concertation, négociation, limitation du pouvoir étatique, une presse libre et vivante. Il lui faut des corps intermédiaires comme les partis, les syndicats. « La démocratie n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité »... Le suffrage universel est un préalable mais pas une garantie. La démocratie est la patiente construction d'un consensus. Il lui revient d'assurer le bien-être, la protection des plus fragiles, la bonne marche de l'économie, la recherche du plein-emploi, etc.

Ces grandes orientations sont valables pour tous et donc pour nous-mêmes. En ce sens, nous n'avons pas de leçon à donner à ceux qui se lèvent et se mettent en marche, aujourd'hui, de l'autre côté de la Méditerranée. Mais nous voyons l'ampleur de la tâche qu'ils entreprennent et les risques de déceptions et même d'échecs qu'ils encourent.

Redisons-le : la liberté est une condition nécessaire mais pas suffisante de la démocratie. Parfois, le dictateur tombe mais la dictature demeure dans les faits. Si les situations économiques et sociales se détériorent durablement, la lassitude et le découragement risquent de submerger la liberté et les espérances qu'elle avait engendrées. Alors, les forces obscures risquent de ressurgir. C'est pourquoi, dans le respect de leur démarche et pour sauvegarder cette espérance, nous devons soutenir et aider, autant que nous le pouvons, ces révoltés d'aujourd'hui.

(1) Dictionnaire Albert Camus (L'homme révolté. M. Weyenbergh), Jean-Yves Guérin, Éditions Robert Laffont.

(2) La contre démocratie, Pierre Rosanvallon, Éditions du Seuil.

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