TOUT EST DIT

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samedi 26 mars 2011

Pour une société heureuse


Nous étions bien prévenus, depuis longtemps, des risques épouvantables que nous fait courir le nucléaire : Three Mile Island (1979), Tchernobyl (1986) et quelques autres accidents comme, par exemple, les fuites de la centrale de Saint-Pétersbourg, en 1992. Pourtant, imperturbables, nous avons persisté dans cette voie qui nous conduit, aujourd'hui, à une catastrophe peut-être pire que celle de Tchernobyl, en tout cas par le nombre des personnes déplacées.

Nous avions écrit, en mai 1986, que l'explosion du réacteur numéro 4 de Tchernobyl devait résonner comme un avertissement et comme un appel. Un avertissement : le danger est incommensurable et, lorsqu'il prend forme, il est incontournable dans sa nature, c'est-à-dire dans ses effets et dans son ampleur, puisqu'il peut concerner toute la planète. Il est incontournable dans la durée car sa nocivité se mesure en siècles. Il n'est donc pas comparable à d'autres risques tels que, par exemple, une catastrophe industrielle de grande ampleur.

C'était aussi un appel à agir autrement, d'abord en empêchant la technocratie de gouverner en lieu et place de la démocratie. Un appel à se transformer en modérant nos besoins, en gaspillant moins, en cessant de privilégier le court terme, l'immédiat, et en pensant davantage à l'avenir : le nôtre et celui de nos successeurs sur cette Terre.

Bien sûr, tout cela exige un peu plus de raison, une pratique plus assidue de ces valeurs anciennes que sont la prudence et l'humilité face à la nature. On ne peut entièrement domestiquer celle-ci, comme on vient de le voir encore avec le tremblement de terre au Japon et ce terrible tsunami. Or, on a tendance à s'endormir après chaque drame jusqu'à l'accident suivant. On améliore quelques sécurités, mais on accepte toujours de courir ce risque technologique majeur (RTM) et très spécifique, sous prétexte qu'on ne peut changer de cap. Cela signifierait donc que nous n'aurions plus de choix autre que de poursuivre notre chemin sur ces voies dangereuses.

Une nouvelle révolution industrielle

Aujourd'hui, nous devons regarder les choses en face. Premièrement, il n'est pas possible de se passer brutalement d'énergie nucléaire. Cependant, il est possible d'exiger l'arrêt immédiat de tous les sites dangereux. Par exemple, qu'en est-il des centrales de l'Europe de l'Est, qui sont connues pour leur risque d'accident ? Certes, un tel arrêt pourrait amener des restrictions, mais celles-ci ne valent-elles pas mieux qu'une contamination importante d'une population quelle qu'elle soit ? Et l'on voit quels mouvements de population elle peut entraîner, puisqu'au Japon, c'est actuellement par dizaines ou même centaines de milliers qu'on s'efforce d'évacuer les gens sans même savoir comment les accueillir ailleurs.

Deuxièmement, nous devons sans délai commencer par réinventer tout notre système énergétique. Cela signifie consacrer des sommes, si considérables soient-elles, à la recherche à grande échelle sur les énergies nouvelles : géothermie, éolien, solaire. « N'oublions pas que le soleil envoie dix mille fois plus d'énergie que ce que nous utilisons, dit Hubert Reeves mais, poursuit-il, l'efficacité de notre technique de récupération est beaucoup trop faible » (1).

Il faut aussi améliorer le mode d'utilisation des autres ressources minérales pour qu'elles soient moins polluantes. C'est à une sorte de révolution énergétique de l'ampleur de la révolution industrielle des XIXe et XXe siècles que nous sommes conviés. C'est considérable, mais c'est nécessaire. Rappelons ce qu'avait déclaré Barack Obama en 2009 : « Le pays qui prendra les devants dans la création d'une économie des énergies propres dirigera l'économie du XXIe siècle. »

Aujourd'hui, nous devons saluer le courage des Japonais qui, stoïques, font face à la catastrophe. Nous devons en être solidaires. D'abord parce que nous leur portons toute notre estime, ensuite parce que nous sommes concernés comme toutes les populations du globe. C'est, en effet, l'humanité tout entière qui peut être atteinte, aujourd'hui ou demain, par le fléau que nos techniques peuvent déclencher. C'est l'humanité tout entière qui, donc, doit se solidariser pour dominer le danger et créer de nouvelles conditions à une société heureuse.



(1) VSD, numéro de cette semaine.

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