C’est affligeant. Une guerre sanglante se déroule de l’autre côté de la Méditerranée et les alliés font assaut de chicaneries dans les instances dirigeantes de l’Otan. Parce que le « grand frère » américain a annoncé bientôt abandonner la partie, les petits et les moins petits se chamaillent pour la structure du commandement. Non pas pour se l’attribuer, personne ne disposant d’instances adaptées, mais chacun pour empêcher son voisin de faire valoir ses conceptions. Une belle cacophonie qui montre surtout que sans les États-Unis rien ne fonctionne dans l’Alliance : une leçon à l’adresse de tous ceux qui rêvent de défense européenne !
Le compromis souscrit in extremis à Bruxelles reflète une bien curieuse situation. L’Otan coordonnera l’exclusion aérienne au-dessus de la Libye, c’est-à-dire une opération qui bientôt n’aura plus de raison d’être, faute d’avions libyens en état de voler et de bases encore intactes. Le blocus maritime commandé par l’Alliance, et destiné à empêcher la contrebande d’armes, est tout aussi symbolique. Mais Français et Britanniques se réservent le droit de frapper au sol, de détruire les chars et l’artillerie de Kadhafi, sans doute avec la participation d’appareils du Qatar et des Émirats. Paris, qui souligne avec raison qu’un engagement arabe sous les couleurs de l’Otan serait psychologiquement désastreux, dénie aussi tout rôle politique à l’Alliance. La France, à l’origine de la résolution 1973 et des premières interventions, veut garder la maîtrise de l’opération pour, en étroite coopération avec le Royaume-Uni, présenter le jour venu une solution diplomatique.
Faut-il le reprocher à Paris en mettant ce qu’il faut bien appeler un affaiblissement de l’Otan sur le compte de la France ? Certainement pas, vu la mollesse ambiante. Mais ce volontarisme affiché étale aussi ses travers. Il n’a pas tenu compte de la Turquie.
Ankara a des jours durant semé la zizanie à Bruxelles. D’abord pour s’opposer par principe à la France qui refuse son entrée dans l’UE. Ensuite, en tant qu’Etat musulman à la charnière de l’Europe et de l’Orient, pour bien prouver qu’avec son statut de puissance régionale, militaire et économique, la Turquie sait jouer sa carte. L’avertissement s’adresse en fait à tous les Européens sur le thème du « vous ne voulez pas de nous, nous mènerons notre propre politique… »
A ces considérations s’en ajoutent d’autres, plus matérielles : l’Otan voulait fermer des bases en Turquie et, semble-t-il, Ankara a obtenu un répit pour prix de son « oui » final prononcé du bout des lèvres.
Reste le nœud du problème. Même si elles ont affaibli les milices de Kadhafi, les frappes aériennes n’ont pas entamé leur combativité face à des « rebelles » inorganisés et quasi désarmés. La sortie de crise demeure hors de portée des « Rafale », « Mirage » et autres « Tornado ». Et plus il va durer, plus cet engagement deviendra impopulaire, y compris en France.
Le risque d’enlisement n’est pas à exclure. Et que fera-t-on si cela devait arriver ? A coup sûr se mettre à l’abri sous le parapluie de l’Otan appelée tôt ou tard à diriger toute l’opération…
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