TOUT EST DIT

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lundi 21 mars 2011

L’ombre d’un doute

A première vue, tout va plutôt bien, non? Les trente premières heures de l’offensive dans le ciel de la Libye ont été sans nuage, ou presque. La zone d’exclusion aérienne prévue comme préalable à toute maîtrise de la situation est en place. L’étau qui refermait ses mâchoires sur les assiégés de Benghazi s’est déjà desserré. 20 des 22 cibles assignées aux premières salves ont été atteintes... Après le succès diplomatique de New York, le «succès» militaire semble déjà en bonne voie. On pourrait presque croire que l’histoire de cette intervention sera aussi simple que le récit d’une supériorité aérienne écrasante. Aussi caricaturale que la tragédie pathétique d’un colonel grotesque réduit à proposer un nouveau cessez-le-feu peu crédible au terme d’une journée où il avait clamé son intention de se battre jusqu’au bout. Pourquoi, alors, ce léger malaise qui jette un voile d’inquiétude sur ce premier bilan si encourageant?

Aïe! Voilà qu’on découvre que les membres de la coalition mandatée par les Nations unies ne poursuivent pas forcément les mêmes buts. La Ligue Arabe, dont Paris et Londres n’ont cessé de souligner l’importance symbolique de l’engagement, ne se reconnaît plus dans les actions qui dépassent de loin, à ses yeux, la simple protection des populations civiles. Et si Alain Juppé a affirmé sans détour que l’opération visait à faire tomber Kadhafi, les Américains, eux, n’ont cessé de répéter que tel n’était pas la finalité affichée de l’accord acté solennellement samedi à l’Élysée. Cette guerre, décisive pour l’équilibre de la Méditerranée, et qui suppose un parfait consensus entre ses partenaires se serait-elle engagée sur des bases bancales, des non-dits volontairement mal interprétés, et une vision à trop court terme des lendemains du pays?

Il est à craindre que seul le plus facile ait été accompli. Les périls d’une intervention décidée tardivement et laborieusement vont maintenant se concrétiser. A l’ouest du pays, autour de Tripoli, Kadhafi dispose d’un soutien populaire beaucoup plus consistant qu’on ne l’avait imaginé. La distribution de milliers de kalachnikovs à des partisans fanatisés est lourde de menaces. Elle est annonciatrice d’un rapport de forces avec les insurgés beaucoup moins déséquilibré que prévu. Cette surenchère porte en germe les risques d’une guerre civile aux conséquences d’autant plus incalculables que «le guide» conservera, quel que soit son sort, un pouvoir de nuisance considérable.

Dans le meilleur des cas -celui d’une victoire rapide- comment les «rebelles» pourront-ils exercer une fragile autorité sur un pays grand comme trois fois la France, un vaste territoire où Aqmi n’attend que de profiter du chaos pour étendre ici son rayon d’action? Le ballet des avions qui excite tant l’Occident ne serait-il qu’une ultime récréation avant les vraies épreuves?

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