Pour justifier son refus d'intervenir militairement, l'Allemagne a notamment avancé le risque de bavures que font courir aux Libyens les frappes aériennes.
En s'abstenant vendredi, lors du vote du Conseil de sécurité de l'ONU, sur l'intervention en Libye, le gouvernement allemand a donné l'impression à ses plus proches alliés de se dérober face à ses responsabilités. Et il s'est attiré les foudres des médias allemands.
Un sondage publié dimanche reflète l'ambiguïté allemande. Quelque 62% des personnes interrogées estiment justifiée l'intervention déclenchée samedi par la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis pour empêcher Kadhafi d'attaquer les insurgés. Mais 65% des Allemands approuvent la décision du gouvernement de ne pas participer à l'opération militaire, alors que 29% estiment que les forces allemandes devraient se battre aux côtés de leurs alliés. Samedi, à Paris, lors du sommet international sur la Libye, Angela Merkel a réitéré son opposition à toute participation militaire directe de son pays. Elle a néanmoins indiqué que les forces américaines pouvaient utiliser leurs bases en Allemagne pour leurs opérations. La chancelière a aussi fait savoir que son gouvernement était prêt à demander au Parlement l'autorisation de participer aux opérations des avions radars Awacs en Afghanistan afin de permettre à d'autres membres de l'Otan de redéployer leurs moyens en Libye.
Risques de bavures
Cela ne suffira pas à sortir Berlin de son isolement. «L'Allemagne a voté contre les Américains, les Britanniques et les Français, mais avec la Chine, la Russie, le Brésil et l'Inde -contre ses alliés les plus importants en Occident, au côté des dictateurs, des autocrates et de deux démocraties lointaines», s'afflige le quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung. Jusqu'au bout, le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, a parié sur le rejet de la résolution, faisant preuve d'un certain autisme à l'égard de ses partenaires. Puis il a tenté de justifier la décision allemande en soulignant les risques de bavures que font courir aux Libyens les frappes aériennes et le danger des opérations militaires pour les soldats allemands déjà engagés en Afghanistan.Le président du Bundestag, Norbert Lammert (CDU), a souligné que Berlin aurait pu «voter oui» à la résolution «par solidarité» sans être ensuite entraîné automatiquement dans une participation militaire. L'élue SPD Heidemarie Wieczorek-Zeul dit avoir «honte» de l'abstention allemande. À l'approche d'élections cruciales dans le Bade-Wurtemberg et face à une opinion dominée par le courant pacifiste, déjà éprouvée par le très impopulaire déploiement de la Bundeswehr en Afghanistan, cette décision «opportune» provoque une fracture qui transcende les partis… Seule l'ultragauche, Die Linke, approuve unanimement le gouvernement. La décision allemande est difficile à expliquer dans un pays où la morale joue un rôle important en politique. Elle fragilise la diplomatie allemande, compromettant ses chances d'obtenir le siège de membre permanent au Conseil de sécurité, tant convoité par Berlin.
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