TOUT EST DIT

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mardi 22 février 2011

La folie meurtrière de Kadhafi

On croyait la forteresse libyenne inébranlable. Le régime de Kadhafi vissé plus que jamais, inaccessible au vent de libération qui souffle dans tout le monde arabe. Il n'en est rien. Depuis dimanche, Tripoli vacille à son tour. Et même si, avec un cynisme absolu, le pouvoir fait tirer sur la foule et sur les enterrements, même s'il brandit la menace du chaos, après Ben Ali et Moubarak, l'ère de Kadhafi semble toucher à sa fin.

Une ère qui dure depuis quarante-deux ans. À l'époque, un jeune bédouin se fait remarquer dans les rangs de l'armée, au point d'incarner le mouvement qui renverse le roi Idriss, balayé par un autre vent qui souffle alors dans toute l'Afrique du Nord : le nationalisme arabe. Capitaine puis colonel, Kadhafi prend le pouvoir dès 1969. Son modèle, c'est Nasser. Son régime, le socialisme arabe. Sa carte maîtresse, la nationalisation du pétrole. Sa boussole, son propre charisme, auquel il va consacrer un véritable culte.

L'image récente est d'ailleurs restée accrochée au caractère mégalomane du personnage. Citer Kadhafi, c'est immédiatement évoquer ce colonel imprévisible, y compris pour ses alliés arabes. Un prince du désert entouré d'amazones, rongé par mille lubies (peur de l'avion, peur des étages) qui justifient toutes les entorses protocolaires, avec l'installation de sa fameuse tente en plein Paris ou au coeur de Rome. Le pittoresque ferait presque oublier le caractère impitoyable de son exercice du pouvoir.

Car, pour les puissances occidentales, Kadhafi était surtout, pendant longtemps, synonyme de terrorisme. L'attentat de Lockerbie, en 1988, celui du DC-10 français, en 1989. La fin de la guerre froide fait basculer tous les anciens alliés de Moscou dans un nouveau rôle. Le colonel active d'abord la carte terroriste. Puis, isolé durant les années 1990, il se tourne vers le Sud et plaide pour l'unité africaine. Les décennies passent, le guide demeure.

Le 11-Septembre et la poussée migratoire vont lui donner une nouvelle chance sur la scène internationale. Lentement, depuis huit ans, l'isolement de Tripoli cède la place à un rapprochement avec les pays européens. Dégel motivé par trois raisons estimées, alors, supérieures : l'approvisionnement énergétique en provenance de la Libye, le rempart contre l'islamisme, le verrouillage des flux migratoires.

Ce dernier point, Kadhafi l'honore avec une férocité dénoncée, en vain, par de nombreuses ONG. Depuis des années, des milliers de migrants sans papiers sont amassés dans les prisons libyennes. D'autres, refoulés à la frontière méridionale, autrement dit en plein désert. L'isolement de Tripoli prend fin, Kadhafi redevient fréquentable. Pour ces trois raisons qui sont, en fait, autant de chantages.

Depuis un mois, cet équilibre est désormais rompu. Le printemps arabe n'épargne aucune forteresse, pas même Tripoli, et l'Europe voit ses craintes mises à nu. Spectatrice, sur l'autre rive, de la fin annoncée d'un dictateur plus sanguinaire que pittoresque, prêt à livrer son pays au chaos. Le masque de Mouammar Kadhafi est en train de tomber de la pire manière. Au son des bombes qu'il demande à son aviation de lâcher sur son propre peuple.

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