TOUT EST DIT

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mardi 22 février 2011

Sur un Quai en ruine, l'Europe

Au moins, sinon plus que la fin des dictatures tunisienne et égyptienne, la chute désormais envisagée du régime libyen sonne comme une nouvelle révision déchirante pour la diplomatie française. Car si notre relation particulière avec la Tunisie, si l'amitié avec l'Egypte plongeaient leurs racines dans une plus longue histoire, le rapprochement opéré avec Mouammar Kadhafi était une initiative de l'actuelle présidence française. Elle a été assumée au point que, dès la fin de 2007, le dictateur libyen fut reçu à Paris avec plus d'honneurs que ceux réservés à bien des démocrates. Motivée autant par les espoirs de débouchés économiques que par les nécessités de la lutte contre le terrorisme, cette main tendue à la Libye illustre les avancées et les limites de la conduite sarkozyenne des affaires étrangères, alliage d'intuitions lumineuses et de nombreuses occasions manquées.

Impulsive en Afrique noire mais pas réactive en Afrique du Nord, capable d'engager une gouvernance à 20 du monde économique mais incapable de penser les relations politiques à l'heure du multilatéralisme, engoncée dans un respect sourcilleux des Etats et oublieux des peuples, la diplomatie française donne la cruelle impression d'être trop souvent en retard sur l'Histoire. Comment lui pardonner d'avoir préféré la paix à la démocratie, sans voir que celle-ci est toujours gage de stabilité ? Qu'une Egypte démocratique est plus enviable aux frontières d'Israël qu'une Egypte dictatoriale ? De cette faillite, Nicolas Sarkozy n'est pas, loin de là, seul responsable. Replié sur une cellule élyséenne qui a fait d'un domaine réservé un domaine privé, il a certes accentué la crise de confiance d'un Quai d'Orsay dont les moyens d'action s'épuisaient déjà. Mais participer à la naissance d'un monde multipolaire, n'est-ce pas trop demander à la diplomatie d'un Etat dont la puissance économique décline lentement mais sûrement ?

La vraie source d'étonnement n'est pas que la voix de la France, sixième économie mondiale, soit moins écoutée. C'est qu'elle le soit toujours autant. Elle le doit à son passé, à sa culture, à ce « soft power » qui lui offre encore un rayonnement au-delà de ses forces. Pour combien de temps ? Mieux organisées, plus fortes, aptes à défendre sans craindre l'humiliation les droits de l'homme et ceux du commerçant, l'Allemagne et la Grande-Bretagne commencent à concurrencer à la France ce privilège de l'histoire. Sur les ruines du Quai, il existe une chance de rebâtir un succès diplomatique : il est d'imaginer une véritable diplomatie pour l'Europe, à la mesure de son poids économique. Lui donner une vision claire plutôt qu'un visage muet.

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