TOUT EST DIT

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mardi 22 février 2011

Cette fois-ci, l'Allemagne paiera...

Il est trop tôt pour proclamer le printemps de l'Europe. Mais il y a des jeunes pousses qui ne trompent pas, à condition de ne pas leur marcher dessus, comme le pacte de compétitivité conçu par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Aussi contestable (et contesté) soit-il, ce pacte est une avancée dans des champs restés jusqu'à présent hors de portée de la construction communautaire, comme le fiscal et le social. C'est en réalité le premier grand chantier soumis aux Européens depuis plus de deux décennies, depuis la monnaie unique. Et ce n'est par hasard s'il vient maintenant. Les crises grecque et irlandaise de l'an dernier ont montré de manière éclatante que l'Europe ne peut pas s'arrêter là. Une Union seulement monétaire est condamnée à l'explosion.

La monnaie a bien sûr toujours joué un rôle important dans l'économie, quoi qu'en disent nombre d'économistes qui ont longtemps voulu n'y voir qu'un voile. Ce rôle est devenu encore plus important ces dernières années avec le formidable essor de la finance. Comme la politique monétaire détermine via les taux d'intérêt le prix de l'argent, ressource de base de cette finance omniprésente, elle a acquis une puissance encore plus grande. L'histoire économique récente peut s'écrire à partir des décisions de la banque centrale. Aux Etats-Unis, la baisse des taux d'intérêt au début des années 2000 a permis une forte reprise de la croissance américaine, puis le maintien de ces taux à trop bas niveau a enclenché le gonflement de la plus grosse bulle spéculative de toute l'histoire.

En Europe, c'est plus compliqué. Car s'il y a une seule politique monétaire pour dix-sept pays, il y a dix-sept conjonctures nationales. Plutôt adaptée à la globalité de la zone euro au cours de la dernière décennie, et à la situation de la France, qui est souvent un pays « dans la moyenne », la politique de la Banque centrale européenne (BCE) a exercé des effets redoutables dans certains pays. Pendant l'essentiel des années 2000, elle a été trop sévère pour l'Allemagne, qui s'était imposée un rugueux plan d'ajustement. Elle a donc plombé la croissance du pays. A l'inverse, elle a été trop accommodante pour l'Irlande, l'Espagne ou la Grèce. De 2000 à 2008, les prix à la consommation y ont augmenté de 1 % par an plus vite que la moyenne de la zone euro (et 1,5 % de plus que l'Allemagne). De formidables bulles de dette publique ou privée y ont gonflé.

Aujourd'hui, c'est le contraire : la politique monétaire de la BCE est trop sévère pour les pays les plus durement frappés par la crise financière, et trop douce pour une Allemagne requinquée. Les PIGS (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne) vont donc avoir un mal fou à sortir de la crise, tandis que l'Allemagne va galoper. Ses caisses publiques vont se remplir plus vite que prévu. Le pays va fatalement gonfler à son tour une bulle. Les prix à la production y accélèrent, l'immobilier aussi. Normalement, la Bundesbank devrait relever ses taux d'intérêt ! Berlin va demander à la BCE de serrer la vis et donner des leçons de rigueur au reste du Continent. Après avoir fait exploser le Pacte de stabilité en 2003, quand le pays était dans la position symétrique...

Normalement, il y a un contrepoids pour rééquilibrer l'économie quand la politique monétaire n'est pas adaptée : le budget. Un pays qui va trop vite doit réduire sa dépense publique ou augmenter ses impôts. Mais c'est politiquement infaisable quand les comptes publics sont excédentaires, ce qui était le cas de l'Espagne (+ 2 % du PIB en 2006) ou de l'Irlande (+ 3 % la même année). La seule solution logique, c'est une forme de fédéralisme, où une partie de l'argent d'un pays en pleine forme glisse vers le pays qui est à la peine via une caisse centrale. Tout comme le Texas subventionne l'Ohio quand le premier va bien et le second mal, l'Espagne et l'Irlande auraient dû soutenir l'Allemagne dans les années 2000. Maintenant, c'est à l'Allemagne de transférer de l'argent aux pays en difficulté. Pour sauver les autres, et aussi pour se sauver elle-même.

Nous ne sommes plus ici dans la logique destructrice des années 1920, quand la France affirmait vainement que « l'Allemagne paiera ». Cette fois-ci, il y a une contrepartie. Il y a aussi une logique d'avenir, et non du passé. C'est tout le projet européen qui va se jouer dans les prochains mois. Si Paris valait bien une messe, l'Europe vaut bien un pacte.

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