samedi 22 janvier 2011
Où sont donc passés les amis de Ben Ali ?
Aujourd'hui que le régime est tombé, difficile de trouver un décideur français qui reconnaisse son indulgence envers Ben Ali.
Vae Victis, malheur aux vaincus : le vieil adage romain est plus que jamais d'actualité du côté de l'antique Carthage, même si c'est un chef gaulois (Brennus) qui l'a popularisé vers 390 avant Jésus-Christ. Trouver aujourd'hui un Français admettant avoir, peu ou prou, soutenu le régime de Ben Ali ou avoir fait preuve d'une quelconque indulgence envers lui relève de l'exploit. Le journaliste qui s'aventure sur ce terrain est à peu près dans la même situation que l'infortuné prince de Soubise cherchant son armée à la lueur d'une lanterne après la défaite de Rossbach (1757).
Du bout des lèvres
Les habitués d'Hammamet, les accros de Djerba, ceux qui allaient volontiers colloquer en Tunisie, en évitant les questions grossières qui auraient pu indisposer leurs hôtes, se sont volatilisés. Disparus, envolés, réduits à l'état gazeux.
Quelques-uns reconnaissent, du bout des lèvres, avoir fréquenté les cercles du pouvoir, mais c'était pour de bonnes raisons. Et chaque fois qu'ils ont eu l'occasion de voir Ben Ali ou l'un de ses proches, ils n'ont pas manqué d'insister sur la nécessité de démocratiser, d'ouvrir des espaces de liberté, de mettre un peu moins la main dans le pot de confiture. Si l'on pousse un peu ces téméraires dans leurs retranchements, ils vous susurreront dans le creux de l'oreille qu'ils étaient, en réalité, des sortes de résistants soigneusement dissimulés.
Cécité politique
Soyons sérieux : personne n'avait prévu que le régime de Ben Ali s'effondrerait aussi vite. Et il est légitime que la France ait cherché à préserver ses intérêts dans le pays. Si l'on n'entretenait des relations qu'avec des États démocratiquement irréprochables, on pourrait licencier la moitié des diplomates du Quai d'Orsay. Une politique étrangère n'est fondée ni sur des sentiments ni sur des principes uniquement moraux. Elle s'enracine sur l'histoire, la géographie et les intérêts. Mais cela n'empêche pas d'évaluer la réalité, de cerner les courants qui se dessinent dans la société, de mesurer les changements qui se profilent, les aspirations des nouvelles générations. Or on a la fâcheuse impression qu'il y a eu sur ce plan de sérieuses défaillances.
Et une question subsidiaire surgit : la proximité de nombre de décideurs français avec le pouvoir en place à Tunis n'a-t-elle pas largement contribué à cette cécité politique ?
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