TOUT EST DIT

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samedi 22 janvier 2011

Le rêve français de Jean-Pierre Chevènement

Jean-Pierre Chevènement s'est toujours fait une certaine idée de la France : une République glorieuse et souveraine, laïque et socialiste, dirigiste et industrialiste. Au soir de sa vie politique, il médite sur le destin contrarié de cette patrie en péril ainsi que sur le bilan du rôle qu'il a joué lui-même durant plus de quatre décennies au service d'un projet inassouvi. Cela nous vaut un beau livre, de loin le meilleur qu'ait jamais écrit son orgueilleux auteur, un livre dense et sincère, original et informé, notamment à propos de l'Allemagne (1). On y retrouve la grande intelligence et l'ardent sectarisme, la vraie culture et l'immuable bonne conscience, la cohérence et la myopie d'un homme politique de premier plan. Le rêve français de Jean-Pierre Chevènement est ainsi le miroir de son auteur.

L'ancien ministre revisite avec précision et exigence un itinéraire personnel et l'empreinte qu'ont laissée ses idées. Lui qui a puissamment contribué à placer le Parti socialiste dans les mains de François Mitterrand, qui a été la plume officielle des projets du PS de 1972et 1979, qui a occupé les postes ministériels les plus marquants, aboutit à cette conclusion véridique et désenchantée : il n'a pu empêcher le Parti socialiste au pouvoir de basculer irrésistiblement vers le social-libéralisme. Malgré ses combats tumultueux, ses démissions fracassantes, ses ruptures rageuses, il n'a pu infléchir une trajectoire de la gauche qui a épousé la trajectoire de la France.

Tout cela ne serait que l'honorable récit d'un " cocu magnifique " si Jean-Pierre Chevènement ne consacrait l'essentiel de sa réflexion au destin de la France durant ce quasi-demi-siècle. C'est le meilleur du livre. On le voit, on le vit luttant en vain contre le pari pascalien de François Mitterrand " La France est notre patrie, l'Europe est notre avenir ". Et pourtant, ce nationaliste de gauche qui ne conçoit pas que patriotisme et fédéralisme européens soient compatibles ne préconise pas la sortie de l'euro et suspend aujourd'hui l'avenir de la France à une Europe européenne inspirée par Paris et Berlin. Ce rationnel impérieux avoue ainsi une logique buissonnière. Un utile contrepoint à ces réflexions plus stimulantes que convaincantes peut se trouver dans la lecture du livre de Jean-Pierre Rioux, l'un de nos bons historiens, " Les centristes, de Mirabeau à Bayrou "(2). C'est un essai brillant, enlevé (presque trop), sur une famille politique qui, depuis plus de deux siècles, est constamment caricaturée et sous-estimée mais se console en gouvernant ou en influençant bien plus que Jean-Pierre Chevènement n'a jamais pu le faire.

1. " La France est-elle finie ? ", Fayard, 315p., 19E.
2. Fayard, 314p., 18,50E.


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