samedi 15 janvier 2011
Le couvercle a sauté
Trop peu crédible, trop tard. Ben Ali a multiplié les promesses, jeudi soir, sans pouvoir retenir la lame de fond de la révolte tunisienne. Après 23 ans de pouvoir absolu, il a fui par la petite porte de son palais, hier, laissant le Premier ministre d’un gouvernement qu’il venait de dissoudre, seul face à la foule et au mécontentement. La Tunisie est devant l’inconnu et il est difficile de dire si c’est le soulagement, l’angoisse du vide, l’espoir ou la perplexité qui doit l’emporter dans l’immédiat.
Une chape de plomb qui saute est toujours un motif de joie. Mais on ignore si elle a sauté définitivement, car les réseaux tissés par Ben Ali sont intacts, et tout particulièrement ceux du RCD, le parti omnipotent du pays. Le dialogue pourra-t-il s’engager entre les masses, qui ont soulevé le couvercle, et le pouvoir, qui est affaibli, mais pas forcément touché à mort ? Espérons que ce dialogue soit plus facile sans Ben Ali, devenu encombrant pour tout le monde, car un certain consensus est indispensable pour éviter le chaos, voire la guerre civile.
Parmi les grands dangers de la nouvelle situation, la montée de l’islamisme est sans doute le plus prégnant. Ben Ali avait combattu sans faiblesse le fanatisme religieux et le terrorisme, et il faut lui rendre cette justice. Mais en étouffant toute possibilité d’expression, il a aussi fertilisé le terreau des extrémismes.
L’explosion tunisienne confirme, une fois de plus, qu’une poigne de fer ne suffit pas à « tenir » un peuple indéfiniment. Le dictateur tunisien se faisait fort de développer son pays sur tous les plans – économique, culturel, administratif – en oubliant au passage la liberté. La recette a fonctionné tant que le bien-être matériel de la population a progressé. La crise mondiale a donné un coup de frein économique et social qui a bloqué la machine. Il aurait fallu une croissance continue au-dessus de 5 % par an (ce qui a longtemps été le cas). Il a suffi qu’elle tombe à 3,7 % pour que l’édifice s’écroule. La leçon est à méditer par les autres pouvoirs autoritaires de la planète, et tout particulièrement à Pékin, où l’on mise, comme l’avait fait Ben Ali, sur l’économie au détriment des libertés. La Chine aussi, est engagée dans une fuite en avant de la croissance, où le moindre faux pas économique pourrait être fatal au régime politique. Avec des conséquences bien plus immenses que dans la petite Tunisie.Patrick Fluckiger
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