Un véritable bras de fer semble s'être engagé entre la première secrétaire du PS et nombre de sénateurs de ce parti sur la question du cumul des mandats.
Cette vieille idée porte aujourd'hui le label de la rénovation. L'opinion publique, plus nuancée sur le sujet, valide l'exigence pour les députés d'être plus présents dans leurs circonscriptions et plus présents au Parlement. Elle réclame plus de diversité, plus de parité, de féminisation, plus de renouvellement, plus de travail, de technicité, plus de passion aussi.
Mais faut-il pour autant diminuer le Sénat ? La règle du non-cumul d'un siège de sénateur et d'un président d'exécutif revient à cela. L'Assemblée nationale et le Sénat n'ont pas la même mission.
Les députés, détenteurs d'un seul mandat, consacrés exclusivement à celui-ci, tiendraient une session permanente annuelle, gage d'efficacité pour la fabrication des lois. Le contrôle de l'exécutif, celui des bureaux ou des cabinets, les véritables concepteurs des lois, serait plus rigoureux, et moins de lois laissées en jachère.
Le non-cumul des mandats de députés n'est pas une punition. Il renforce leur pouvoir. Celui des sénateurs serait un signe de relégation du Sénat.
Aux termes de l'article 24 de la Constitution, le Sénat assure « la représentation des collectivités territoriales de la République ». Interdire le cumul avec la représentation des exécutifs des collectivités territoriales, impose un détachement contraire à l'esprit de la Constitution.
Quelle légitimité aura le sénateur représentant les territoires, sans ancrage local, ni onction du suffrage universel direct ? Comment être élu indirectement si on est inconnu des grands électeurs locaux ? Ensuite, entre des députés élus au suffrage universel et des sénateurs au suffrage indirect, il y a rupture d'égalité. Les ministres, comme les députés, doivent savoir que, derrière tel sénateur, il y a parfois le ou la représentant(e) d'un exécutif local, départemental ou régional.
Si le Sénat doit devenir une assemblée réservée aux seuls conseillers municipaux, ou des territoires, élus au suffrage indirect, et qu'y seront bannies les fonctions de maires, de présidences de collectivités, autant renoncer aux deux Chambres et concéder que le nouveau Sénat aura le statut du Conseil économique et social. Comment justifier la dépense publique de l'entretien d'une Chambre qui ne sera plus qu'une antichambre ? Entre le tout et le rien, il y a nécessairement une place pour un bon usage d'un cumul limité des mandats.
La règle stricte du non-cumul des mandats pour les sénateurs serait, de plus, pour la gauche, un but contre son camp, alors que, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, le Sénat peut connaître une alternance. Il s'agit d'une diminution furtive de la deuxième Assemblée de la République, même au nom de bons sentiments. Le général de Gaulle avait, en 1969, soumis par voie de référendum la réforme du Sénat. Il avait échoué mais au moins, n'avait-il pas voulu faire les poches de cette assemblée durant son sommeil.
Au lieu de se livrer à cet exercice de décapitation, les forces politiques décentralisatrices, de gauche comme de droite, devraient réfléchir à un nouveau Sénat, un véritable parlement des collectivités territoriales, un Bundesrat français. Le reste n'est que communication.
Jean-Pierre Mignard
(*) Maître de conférences à l'IEP de Paris. Avocat à la Cour d'appel de Paris.
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