TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

jeudi 3 juin 2010


La coupure

Quand la France parle d’elle-même, il n’est pas sûr qu’elle dise toute la vérité. Il y existe une part cachée. Les gens qui vivent à la périphérie des grandes villes n’aiment pas beaucoup ce mot stigmatisant de « banlieues ». Ils aiment encore moins les discours qui se tiennent sur les « quartiers », nom poli pour nommer ces poches où le taux de chômage est le double, voire le triple d’ailleurs, où les familles vivant sous le seuil de pauvreté sont très majoritaires, où les violences prennent parfois le tour spectaculaire des caillassages de bus, de voitures de police ou de premiers secours… Mais surtout ils détestent cette distance qui s’installe entre eux et le reste de la République. Ils préfèrent témoigner, au quotidien, d’initiatives pour maintenir le lien social, d’engagements ou de dévouements constants pour éviter le pire. Ils ont raison. C’est une question de dignité.

Mais il arrive que la résistance s’épuise, que l’indignation gagne, face à ce qu’ils voient comme une défausse collective : sentiment d’abandon qu’expriment fréquemment les élus, relais des préoccupations de leurs concitoyens. Peut-on tenir longtemps, sans colère, lorsque l’on est confronté à la dégradation de sa vie quotidienne, quand les immeubles n’ont plus de boîtes aux lettres, de personnel pour l’entretien, quand les trafiquants divers font régner leur loi dans des zones de non-droit ? Ce lâchage est comme une prime à la délinquance qui prospère et aux passions communautaristes qui trouvent, là, un terrain très favorable.

En France, la politique de la ville a été un des grands chantiers des décennies précédentes, elle a désormais cessé d’être une priorité. Fadela Amara, chargée du dossier, attend dans son ministère des arbitrages qui ne viennent pas. La politique de rigueur programmée n’annonce rien de bon.

Bien sûr, il n’est sans doute pas trop tard pour inverser ce cours désastreux. Les pouvoirs publics peuvent reprendre l’initiative. La question posée n’est pas seulement celle de la justice, de la péréquation entre communes riches et pauvres, de soutien au cas par cas à une école ou à un service public. Il s’agit d’abord de mettre un terme à une coupure qui exclut. Il ne saurait y avoir deux France. Il faut retrouver une unité.



François Ernenwein

0 commentaires: