Cette rencontre était importante pour les deux présidents parce qu'elle dépasse largement le bilatéral franco-chinois, qui ne représente en fait pas grand-chose. La France ne représente que 1% du marché chinois. Les Chinois n'ont pas une grande estime de l'économie française, ni du président français. Ils ont en revanche de l'estime pour la capacité française à parler au nom de l'Europe mais ça, justement, ça ne leur plaît pas trop.
Nicolas Sarkozy a eu une bonne idée, celle de préparer en amont le G20 pour qu'il soit une réussite. Du coup, chacun veut obtenir de l'autre des concessions dont il pourra faire usage. Les Chinois vont occuper une bonne partie de l'agenda de la rencontre G20. Très intelligemment, Nicolas Sarkozy se dit: "Pour réussir, il faut préparer le coup avec eux." Mais eux, qui n'ont pas une grande estime du président français, cherchent à influer sur la façon dont il conduira le G20. Il y a donc une double habileté qui peut dégénérer en double malentendu. Par ailleurs, Nicolas Sarkozy, en avocat d'affaires astucieux, aime bien faire en sorte que 1+1= 3 ou 4. Donc non seulement on prépare le G20, et en plus, on se fait à l'avance rétribuer ses bons offices dans le bilatéral.
On a toujours été comme ça et ça a toujours raté. Depuis le général de Gaulle, la France estime qu'elle est plus forte que tout le monde pour travailler avec la Chine. Sous Pompidou, c'était assez près de la vérité, parce que personne ne travaillait avec la Chine. Mais maintenant, c'est très près du mensonge. Les Allemands, les Américains et les Britanniques montrent bien la façon dont il faut travailler avec la Chine: avoir un commerce très dynamique, faire respecter son propre appareil de production et conserver son franc-parler. Il n'y a pas un spécialiste de la Chine pour dire que ce jeu qui consiste à dire: "Nous sommes les grands copains des Chinois" est la bonne politique. Pour preuve, ils préfèrent travailler avec les Allemands, qui représentent 5,5% du marché chinois.
Je n'osais pas le dire! C'est évidemment en agissant ainsi que l'on cesse de se faire respecter et qu'on est minoré…
C'est absolument ce qu'il faut penser. Ils disent: "Au cas où vous ne seriez pas sympa, on vous rappelle qu'on a eu un vrai copain. C'était Chirac."
Ce n'est pas très malin. Il eut mieux valu parler de cette question. Cela dit, on n'est pas obligé d'en faire un roman. En 2008, c'était le roman des rues de Paris avec le passage de la flamme olympique, etc. Aujourd'hui, on fait un roman de l'amitié franco-chinoise. Or, si on veut conquérir l'estime des Chinois et faire de la France un partenaire respecté et durable, il faut au contraire, comme Angela Merkel, énoncer les points d'accords et de désaccords. Sur ce point, les défenseurs des droits de l'Homme sont un peu sarkozystes à leur façon.
Ils en font des tonnes. Or, il ne faut pas se raconter des histoires. Certes, il y a des gens merveilleux qui défendent des dissidents qui subissent un sort épouvantable. Ce qui va très mal en Chine, ce sont les droits de l'Homme au sens politique et la peine de mort. Mais deux "sortes" de droits de l'Homme ont beaucoup progressé: les droits sociaux et les droits du consommateur, du voyageur, du Chinois moyen. Il y a cependant quelque chose de très dangereux dans l'attitude de Pékin, qui est en train de développer une sorte de modèle idéologique bien calibré qui consiste à penser que les démocraties occidentales se perdent dans des économies anémiées et des sociétés turbulentes. Et de conseiller aux roitelets africains et autres dictateurs sanguinaires de légitimer leur régime par l'efficacité de l'économie. En gros, l'efficacité économique vaut bien l'efficacité exclusivement démocratique. C'est la logique qui sous-tend le traitement réservé à Liu Xiabao.
Liu Xiabao est un homme remarquable qui a bien mérité ce Nobel. Mais cela posé, il ne faut pas, là aussi, en faire un roman. La dissidence démocratique chinoise n'est pas seulement écrabouillée, elle est aussi vaincue politiquement. Dans les rues de Pékin, tout le monde vous dira qu'il vaut mieux avoir +6% de revenus par an que des élections libres. L'effet de la nomination de Liu Xiabao en Chine a d'ailleurs joué contre la dissidence démocratique. Beaucoup de gens pensent que l'Occident se mêle de ce qui ne le regarde pas.
Il s'est passé quelque chose qui aurait dû faire réfléchir les diplomates post-gaullistes qui entourent Nicolas Sarkozy. Au début de sa présidence, Barack Obama avait été extrêmement aimable et très patient avec les Chinois. Mais ces derniers s'étaient assez mal comportés, lui répondant très sèchement. Obama s'est fâché. La diplomatie américaine, Hillary Clinton en tête, a rétabli la situation hiérarchique. Mais les Américains n'ont plus les mêmes moyens qu'avant. Ils sont encore numéro un mais ils sont obligés de faire attention. S'en est en toutefois fini des illusions qu'avaient Obama au début de créer un G2 avec la Chine. Dans leur relation avec Pékin, les Etats-Unis ont fait le chemin inverse de la France
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