Le 12 octobre dernier a marqué un tournant dans la mobilisation contre la réforme des retraites avec l'entrée en force de la jeunesse dans le mouvement : 150.000 lycéens et étudiants sont venus grossir les cortèges de manifestants. Et alors que la mobilisation des lycéens s'inscrit dans la durée, avec plus de 300 établissements perturbés quotidiennement depuis quatre jours, la polémique fait rage entre la droite et les organisations syndicales sur l'implication de la jeunesse dans ce dossier des retraites. Passage au crible des arguments des uns et des autres.
Cette réforme pénalise les jeunes aujourd'hui : vrai et faux "Faire travailler plus longtemps les seniors, c'est supprimer des emplois pour les jeunes". Tel est le principal slogan avancé par l'Unef et l'UNL, premières organisations des étudiants et des lycéens, et repris en coeur par les jeunes manifestants dans les cortèges. L'Unef a même chiffré à un million le nombre d'emplois qui ne "seront pas libérés sur le marché du travail" du fait du maintien au travail deux ans de plus les seniors. D'où sort ce chiffre ? Cela correspond au nombre de personnes en emploi par génération, explique Henri Sterdyniak, professeur associé à l'Université de Paris Dauphine et économiste à l'OFCE. Selon lui, effectivement, il y a des vases communicants entre l'emploi des seniors et celui des jeunes : "en période de faible croissance donc d'activité au ralenti, la baisse du nombre de sorties de l'emploi se traduit par une baisse de la création d'emploi." Un argument que réfute Yannick L'Horty : "Il s'agit d'une conception malthusienne et comptable du marché du travail où le nombre de postes n'évoluerait pas, explique-t-il. Et surtout, les emplois libérés par les seniors ne correspondent pas du tout aux profils des juniors en termes de salaire, de secteurs ou de compétences."
Cette réforme pénalise les jeunes demain : vrai Autre chiffre avancé par les organisations syndicales étudiantes : les jeunes accèdent à un emploi stable à 27 ans en moyenne. Selon elles, le report de l'âge légal (de la retraite à taux plein) va donc les conduire à travailler jusqu'à 67 ans pour percevoir une retraite à taux plein. En réalité, l'âge moyen d'insertion dans la vie professionnelle est de 21 ans, variant de 18 ans pour les non diplômés à 24 ans pour les diplômés de masters, selon une étude du Céreq (Centre d'études et de recherches sur les qualifications). Mais il est vrai que la précarité de l'emploi (CCD, missions d'intérim) touche cinq fois plus les 15-24 ans que les autres générations et que 23% des jeunes sortis du cursus scolaire sont au chômage. Ce retard d'insertion dans l'emploi et la hausse de l'âge de fin d'études se traduisent en effet par une baisse sensible de la durée d'emploi cumulée avant 30 ans, de l'ordre de 2,6 à 3 ans, selon une étude de la DRESS. Ainsi, le nombre de trimestres validés pour les droits à la retraite a baissé de 7 trimestres entre la génération 1950 et la génération 1970. C'est donc la réforme des retraites de 2003, qui porte la durée de cotisation à 41,5 années contre 40 auparavant, qui aura les plus lourdes conséquences sur l'âge de départ à la retraite des jeunes. La réforme actuelle du gouvernement en rajoute cependant une couche puisqu'elle porte de 65 à 67 ans l'âge de la retraite sans décote, quel que soit le nombre d'années de cotisation.
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