TOUT EST DIT

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lundi 30 août 2010

Le PS n'a aucun programme

Le candidat socialiste à la présidentielle de 2012 est aujourd'hui en position de force. Mais pour faire quoi?
C’est entendu. Un: à l’heure qu’il est, le candidat du PS, que ce soit Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry, bat Nicolas Sarkozy en 2012. Rien n’est joué bien entendu mais, pour l’instant, l’alternance va conduire les socialistes au pouvoir. Deux, le PS n’a aucun programme. Je dis bien «aucun». Ni en matière de politique étrangère: que ferait un(e) présidente socialiste en Afghanistan? Sur la bombe iranienne? Quelle idée sur l’Europe? Ni en matière de politique intérieure: que propose-t-il pour l’école? Pour la justice? Pour l’aménagement du territoire? Les banalités sur la sécurité entendues ce week-end à La Rochelle ne sont écoutées que parce que Nicolas Sarkozy s’est mis, y compris sur son sujet favori, dans une impasse aux yeux des Français. Et le PS n'a bien entendu, aucun programme en matière économique et sociale.

Le PS travaille à son projet, dit-on. Ce n’est pas encore le moment de faire des propositions, elles viendront en temps et en heure. Sans doute, sans doute… Mais quand on regarde le travail de préparation, les études plus ou moins en coulisse et les premiers éléments qui sortent, on comprend que la construction du «projet» s’annonce longue, ardue, dissensuelle et que, vraisemblablement, elle n’aboutira jamais. Le PS fera semblant d’avoir un programme. Il va en réalité se contenter de jouer en «contre». Pour deux raisons. D’abord parce que toute proposition un peu précise, se voit immédiatement contrée par tous les autres «courants» ligués contre elle. Ensuite et surtout car au fond le socialisme est et reste, idéologiquement, à poil.

Prenez le Care, la seule «idée» avancée officiellement aujourd’hui par le parti. Avec d’ailleurs de longs coups de trompes comme s’il avait miraculeusement trouvé «la» voie du socialisme du XXI ème siècle. Nous en avons souligné ici le caractère anachronique: le pays n’a simplement pas les moyens de donner aux seniors et à tout un chacun, des nouveaux droits et des nouveaux avantages sans dire quels autres on supprime. Il y a un aveuglement du PS à ne pas admettre l’état catastrophique des finances du pays.

Mais, la critique du Care la plus meurtrière revient à François Hollande, l’ancien Premier secrétaire. Il suffit de citer la descente en flamme du projet Aubry qu’il fait dans un excellent petit livre édité par Libération, autour d’un débat lancé par Jacques Julliard (Pour repartir du pied gauche). Hollande explique: «la deuxième tentation [les erreurs à ne pas faire pour les socialistes] est celle des bons sentiments. Puisque le capitalisme est écrasant, le marché violent, la mondialisation impitoyable et la compétition féroce, pourquoi ne pas en revenir aux recettes tombées injustement en désuétude, du socialisme utopique: l’attention aux autres, le partage, la production hors système, la coopérative. Bref, la conjugaison d’attitudes altruistes au plan individuel avec les vertus collectives de l’économie non marchande. Le mouvement est respectable mais il n’est pas de taille. Il place la confrontation sur un terrain moral mais il ne permet de gagner que des batailles qu’à la marge». Puis François Hollande donne le coup de grâce: «Il appelle à un nouvel humanisme, à un mouvement citoyen, à une mobilisation généreuse mais il ne donne pas un sens à une nation, une priorité à l’Europe, un ordre du monde. Au mieux c’est un apaisement conjoncturel. Au pire, une illusion sympathique».

Je souligne le dernier mot «sympathique» car il démolit ce qui est, à mon sens, la première raison au vide idéologique de nombre de militants PS (et des sympathisants sympathiques): le côté bobo, bisounours, la conviction que le monde va mal à cause des méchants (les banquiers, Sarkozy, les riches..) et qu’il suffit de rétablir des impôts et de la morale. Qu’il faille parler des «valeurs», sans doute. Mais je crains que Marx, et Hollande avec, n’ait raison et que ce discours sur la «citoyenneté», sur la dévotion aux autres, ne soit, au-delà de certains choix personnels admirables, que préchi-précha de dîners en ville et que cela ne conduise directement à la désillusion.

Il faut s’attaquer au cœur du système, aux «structures» économiques et sociales. Sur ce sujet, les socialistes sont creux. Leur seul discours est de dire qu’il faut changer le capitalisme et que cela passe par un gouvernement mondial. On l’entend sur la finance, sur les bonus, sur les rendements du capital etc... C’est une argumentation qui est juste mais qui est juste impossible: il n’y a pas de gouvernement mondial et il n’y en aura pas avant belle lurette. La compétition entre les Etat-nations est le modèle qui demeure et qui a été, contrairement aux espoirs émis lors des G20, renforcé par la crise. Alors? Alors il faut être modeste et commencer au niveau européen, disent les socialistes. Mais hélas, déjà à ce niveau, ça coince. La seule et unique politique sérieuse que devrait conduire le PS dans ce cadre, serait de s’entendre avec le SPD allemand. Mais l’arrogance socialiste française vis-à-vis de ces sociaux-démocrates «sociaux- traîtres» est telle qu’on n’en voit pas le début du commencement depuis trente ans!

Alors? alors, il faut bien en revenir à la France. Dans ce même petit livre déjà cité Jean Peyrelevade déplore: «la mauvaise habitude de toute la gauche française de s’abriter derrière les méfaits du capitalisme international pour ne pas traiter un certain nombre de faiblesses propres à la France qui sont ainsi masquées et ont donc toutes les chances de n’être jamais résolues». Et de souligner que la désindustrialisation est plus rapide en France qu’ailleurs, que notre pays accumule des mauvais scores sur l’emploi comme sur les déficits. Pourquoi? Il faudrait y répondre et ne pas se tromper de diagnostic. Or, les socialistes retournent en permanence à leur même indécrottable confort intellectuel d’opposer toujours et encore le capital et le travail, le méchant et le bon. Il serait temps d’arrêter par exemple la langue de bois sur la fiscalité: taxer les riches comme solution à tout. Sans doute, cette manie d’accuser les entreprises, par effet historique culbuto, a-t-elle quelque chose à voir avec la composition sociale d’un PS parti de fonctionnaires.

La vérité est que la pensée socialiste est aujourd’hui régressive. Tantôt dans l’utopisme bobo, tantôt dans une analyse sommaire qui voudrait combattre un capitalisme revenu aux temps durs du XIXième siècle par un socialisme lui aussi de cette époque, étatiste et fiscal. Il reste moins d’un an pour rompre avec ces faciles vacuités, pour découvrir que la société complexe, individualiste, mondialisée et technologique mérite des réponses modernes. Est-ce possible ?

Eric Le Boucher

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