En quelques semaines estivales, l'opposition a acquis la conviction qu'elle pouvait l'emporter en 2012. Cette perspective est le résultat de trois facteurs : une politique qui trouble, déçoit ou exaspère ; une instrumentalisation trop suspecte du thème sécuritaire qui heurte les humanistes de tout bord ; et un travail de reconstruction des gauches qui relance leur dynamique.
En durcissant le ton au point de mettre mal à l'aise la droite humaniste, de respectables anciens Premiers ministres et nombre d'hommes d'Église, Nicolas Sarkozy facilite la tâche de Martine Aubry et d'Eva Joly, sans convaincre l'extrême droite, comme en attestent les sondages.
En opposant plutôt qu'en rassemblant, il donne à Dominique de Villepin des raisons politiques d'exister et ouvre un espace à Hervé Morin, ministre de la Défense en partance, qui rêve de compter les troupes centristes en 2012.
En isolant la majorité, au seuil d'une rentrée à hauts risques sociaux, en plein débat sur les retraites, et à hautes incertitudes économiques, le président de la République se met dans la plus mauvaise des configurations.
Cette seule possibilité d'une victoire de la gauche, dans vingt et un mois, accélère le travail de rassemblement à l'oeuvre chez les écologistes d'un côté, chez les socialistes de l'autre. On l'a mesuré à Nantes, il y a une semaine, à La Rochelle, ce week-end : l'idée de devoir gouverner ensemble les pousse soudain à privilégier la réussite collective sur les enjeux individuels, les convergences sur les désaccords.
Cette alternance reste pourtant théorique tant que ses acteurs n'auront pas déjoué trois dangers.
Primo, les enquêtes d'opinion montrent que Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry sont davantage les bénéficiaires d'un rejet du sarkozysme que d'un désir de socialisme. Les Français souhaitent majoritairement un changement de politique, mais déplorent tout aussi majoritairement l'absence d'alternative crédible. Le discours bourratif, et médiatiquement intraduisible, de la patronne du PS, hier, à La Rochelle, n'est pas de nature à combler cette faiblesse.
Secundo, l'hypothèse d'une victoire ne peut qu'attiser la compétition entre ceux qui peuvent prétendre l'incarner. Que l'un grille la politesse à l'autre en imposant précipitamment sa candidature, et le PS risque de voir se rouvrir de mortelles blessures, à peine cicatrisées. En outre, elle ne peut que faire monter les enchères programmatiques et électorales avec les écologistes qui réclament plusieurs dizaines de circonscriptions.
Tertio et surtout, il faudra s'entendre sur ce qu'est un projet écolo-socialiste dans une France anémiée par la dette et la crise. Une rigueur de gauche serait-elle plus douce qu'une austérité de droite ? Où place-t-on le curseur budgétaire et fiscal pour financer la sécurité, l'école, l'environnement ou l'aménagement du territoire ? Quel degré d'engagement de l'État dans l'entreprise ?
L'esprit de justice et la promesse d'une autre gouvernance, dont on peut créditer la gauche, ne répondent pas à ces questions dont l'impréparation fut à l'origine, en 1983, d'une dévaluation et d'un plan de rigueur conduits par un certain Jacques Delors, le père de Martine Aubry, à l'époque ministre des Finances de François Mitterrand. Pour convaincre et surtout pour durer, il faudra alors une gauche très... adroite.
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