Le Times de Londres a dit "Gestapo" et parlait de la France et de ce qu’elle fait à des Européens qu’on appelle Roms ou Gitans ou Tziganes, et qu’on exterminait il y a soixante-dix ans, et qu’on expulse simplement aujourd’hui.
Rien à voir évidemment. Le Times de Londres dit donc n’importe quoi en disant Gestapo, et on pourrait hausser les épaules quand des Anglais troquent leur understatement pour l’outrance… Mais ce mépris serait un évitement. Si le journal de référence des conservateurs britanniques vitupère tel un forum Internet mal modéré, c’est son problème et leur égarement. Notre souci est ailleurs: c’est la France, ce qu’elle devient, ce qu’elle montre, qui provoque cette régression.
Peut-on s’arrêter un instant, pour se demander à quoi nous ressemblons? Un pays qui cherche des familles dans des camps illégaux, et les enfourne dans des avions pour un retour à la case départ, et se lave les mains de la suite, satisfait même d’avoir démontré son autorité au monde ou à soi-même, capable encore de donner des leçons aux autres. Un pays qui subit les tirs croisés des moralistes de tous bords, et s’en moque. Le New York Times il y a quelques jours – la gauche américaine – le Times londonien ensuite – la droite anglaise. Et des Allemands aussi. Et des Bulgares et des Espagnols, et des Roumains bien sûr, et sans parler de nazisme, tous fustigent notre "xénophobie", notre "racisme", et les "gesticulations" de celui qui nous préside, et qui a lancé cette séquence.
Nous sommes seuls, et notre indifférence nous le masque. Ou notre légèreté. C’est peut-être le pire, cette cruauté inconséquente, cette manière de fondre sur des populations, de décréter soudain leur présence chez nous comme intolérable, puis de reprendre le cours de nos petites affaires. On expulse des Roms, par-ci, par-là, on arrêtera, on recommencera. Voici les Gitans, variable d’ajustement des preuves d’autorité du pouvoir. Ils ont l’habitude. Ils paient leur écot, ceux qui passent à travers les gouttes resteront en France, d’autres reviendront, cela n’aura rien changé au front sécuritaire. Ils auront été une distraction estivale, quand un grand pays broie de petites gens, entre deux choses sérieuses.
Nicolas Sarkozy a cessé d’animer lui-même la scène sécuritaire. Vendredi, il organisait une réunion pour confirmer qu’on raboterait des niches fiscales. On y verra un énorme rien, puisqu’on savait déjà tout. Ou une réponse aux menaces sucrées d’une agence de notation financière, Moody’s, qui avertissait les grands pays que leurs capacités à emprunter n’étaient pas garanties éternellement, et la dégradation au bout du laxisme.
La France a su réagir aux avertissements de Moody’s, quoi qu’on en pense et on en pense souvent du mal: on se soumet aux réalités du monde, aux normes, au rating financier. Il faudrait imaginer des agences de rating moral, auxquelles on obéirait, aussi promptement? Elles existent d’ailleurs, se nomment The Times ou El Pais, on peut prétendre qu’elles disent n’importe quoi mais on aura tort: elles nous ont dégradés, et le stigmate restera.
Claude Askolovitch
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire