Bernard Kouchner : « Je ne suis pas encore viré »
Les rumeurs le donnent partant lors du prochain remaniement gouvernemental prévu en octobre. Certains parient sur son remplacement par le maire de Bordeaux, Alain Juppé, déjà passé par le Quai d’Orsay dans le gouvernement Balladur de 1993 à 1995. En délicatesse avec Jean-David Lévitte, le Monsieur Diplomatie de l’Elysée, Bernard Kouchner se veut détendu : « Cela fait trois ans et demi qu’on m’annonce sur le départ et je suis encore là.
Je ne vais pas me rouler par terre de désespoir en lisant ceci ou cela dans la presse. Je ne suis pas propriétaire de mon poste, ce n’est pas un siège qui m’appartient. Je suis à la disposition du président de la République et du Premier ministre. Je note cependant que la politique étrangère de la France est écoutée, que beaucoup de réformes ont été entreprises, beaucoup de travail accompli. De nombreux pays nous consulte sans arrêt. Parfois, je me dis que ça me ferait du bien de souffler, c’est un poste passionnant mais éprouvant. Quoi qu’il en soit, si l’on fait la moyenne de la longévité de mes prédécesseurs au Quai d’Orsay, je me situe déjà dans une fourchette haute. Cela dit, je ne suis pas encore viré et, si je reste, j’en serai ravi, on verra bien (rires). »
BERNARD KOUCHNER
samedi 31 juillet 2010
Les pluies insuffisantes suscitent de mauvaises récoltes. Les mauvaises récoltes ne remplissent pas assez les greniers. Et les greniers vidés trop vite et trop longtemps avant la récolte suivante provoquent la disette... Ce cycle brutal s'est hélas reproduit au Mali, au Tchad, en Mauritanie et tout particulièrement au Niger. Des centaines de milliers de familles souffrent de malnutrition.
Si l'on en parle en ce moment, c'est parce que notre été (qui à Bamako correspond à la saison des pluies) coïncide avec la période de soudure entre deux récoltes de mil ou de sorgho, deux céréales qui, là bas, sont au cœur de l'alimentation rurale. Quand elles manquent ou sont vendues trop cher, le Sahel est à la peine.
La crise ne se résume pas à de mauvaises conditions climatiques. Il peut y avoir crise alimentaire alors que des stocks existent. La spéculation orchestrée par les usuriers, les carences dans les réseaux de distribution, la gestion calamiteuse des réserves sont aussi ravageuses qu'une mauvaise saison des pluies.
Les États jouent insuffisamment leur rôle régulateur, ce qui accélère l'exode rural, renforce le poids des importations et accroît les dépendances.
Le cynisme serait de se rassurer en se disant que l'on n'en est heureusement pas au niveau catastrophique de la grande sécheresse des années 1970-75. C'est exact, mais cette comparaison ne doit pas mener à l'inaction. La malnutrition est moins spectaculaire, moins tragique que la famine, mais ses conséquences à long terme ne sont pas moindres. Un bébé mal nourri sera entravé dans sa croissance physique et mentale, avec un risque d'altération de sa scolarité et donc de sa capacité à s'insérer efficacement dans le monde du travail. Les malnutritions à grande échelle d'aujourd'hui peuvent être les crises sociales ou les carences de demain.
Cette crise est par essence une crise de la pauvreté. Dépourvues de revenus, privées des mécanismes compensateurs semblables à ceux que nous connaissons en France grâce aux allocations sociales, les familles modestes du Sahel sont en première ligne de la précarité mondiale. L'amortisseur politique n'est pas une spécialité africaine. Raison de plus pour que la solidarité se mette en marche. La solidarité nord-sud, bien entendu, mais également, là où elle est possible, la solidarité sud-sud. Car à côté de la très grande pauvreté apparaît une Afrique émergente qui ne doit pas s'exonérer du devoir d'entraide.
Dominique Jung
La lucrative vie posthume des stars Le business des chanteurs disparus se porte bien. Gérer leurs droits est une affaire de pros.
Faire du neuf avec du vieux. Le Billboard américain a annoncé en novembre que son hit-parade intégrerait désormais tous les disques, quelle que soit leur année de sortie. Motif ? «Les événements de 2009.» En clair, la mort de Michael Jackson le 25 juin. En France, les ventes du King of Pop ont représenté à elles seules 7% du souffreteux marché du CD au troisième trimestre.
«Des chiffres aussi élevés sont liés à de fortes ventes en grandes surfaces alimentaires, qui ne commercialisent presque plus de musique en temps normal», précise André Nicolas, responsable de l'Observatoire de la musique.
L'autre événement de 2009, l'opération de remastérisation des Beatles, en septembre, a permis d'écouler sur trois mois en France 200 000 albums et 25 000 coffrets, un chiffre d'affaires supérieur à 8 millions d'euros. Sur la décennie, leur compilation One a été l'album le plus vendu aux Etats-Unis. Un jackpot pour EMI et... les héritiers Jackson, qui détiennent avec Sony les droits d'édition des Fab Four.
En 2009, Michael Jackson et John Lennon figuraient d'ailleurs dans le classement Forbes des célébrités disparues générant le plus de revenus avec respectivement 90 et 15 millions de dollars, aux côtés d'Elvis (55 millions) et Jimi Hendrix (8 millions). Le florissant business des chanteurs morts s'est diversifié, des box Beatles sans inédits ni live aux produits pour des fans absolus, comme les coffrets Alain Bashung (27 CD) ou Miles Davis (70 CD). Le dernier cri des «Pléiades» musicales est la numérisation : la start-up française Record Memory a mis en vente 30 000 intégrales Beatles dans une grosse clé USB en forme de pomme. Un «objet de collection», vendu 240 euros, plus cher que le coffret classique. Pour les ayants droit, l'héritage ne se limite pas aux pourcentages sur ces sorties. «Les albums ont longtemps été la source de revenus principale d'icônes comme Lennon ou Jackson, mais on constate une montée des revenus liés à l'interprétation», décrypte le consultant américain Barry Massarsky. Même si un allongement est à l'étude, les albums perdent leur copyright cinquante ans après leur sortie en Europe. Alors que les droits d'auteur et d'édition des chansons durent plus longtemps. Résultat : une floraison d'initiatives, de la scène (spectacle Joe Dassin fin 2010) aux lieux de culte (projets de mémorial Jackson ou d'un «Clocloland» dans l'Essonne), en passant par le grand écran, qui stimule les ventes : après Ray, La Môme ou Gainsbourg (vie héroïque), sorti le 20 janvier, on annonce des films sur Sinatra, Montand et la Callas. Sans oublier les pubs et le merchandising. «La multiplication des exploitations ne doit pas salir l'image ou abîmer le répertoire, avertit néanmoins le producteur Thierry Saïd, qui gère la carrière posthume de Joe Dassin. On a refusé de faire des housses de couettes ou des CD offerts avec des surgelés.» Le mieux est encore de posséder les droits d'édition. Fin novembre, Jeune Musique, qui assure la coédition d'une trentaine de titres de Claude François, a été rachetée par iWay, un holding associant le label Because au patron de Free, Xavier Niel, qui a pris 15% du capital. A la clé, une pépite : les droits de Comme d'habitude, chanson française la plus exportée grâce à l'adaptation américaine, My Way. «Ce genre de catalogue est un evergreen : il génère le même niveau de revenus chaque année et peut connaître de bonnes surprises», analyse Fabrice Nataf, le PDG d'EMI Publishing, qui détient un autre lot de tubes de Cloclo. Alors que le business Claude François génère une dizaine de millions d'euros les grandes années, Jeune Musique a réalisé sur son dernier exercice un chiffre d'affaires de 570 000 euros.
Ses nouveaux propriétaires sont confiants : un film sur le chanteur est en projet ainsi que des reprises de haut vol, notamment par Prince. Une stratégie sécurisée à long terme : Comme d'habitude attendra soixante-dix ans après le décès de son cocompositeur Jacques Revaux, encore en vie, pour tomber dans le domaine public.
(Total des ventes en France à fin 2008, en millions d'albums et singles) SOURCE : INFODISC
Claude François
20,8 millions
Des quatre majors, seul EMI n'a pas l'auteur d'Alexandrie, Alexandra à son catalogue.
Joe Dassin
15,4 millions
Disques, spectacles, émissions de télé sont prévus pour 2010 à l'occasion des 30 ans de sa disparition
Dalida
13 millions
La chanteuse a connu son dernier pic de vente en 2007, année des 20 ans de sa mort.
Tino Rossi
10 millions
Tombé dans le domaine public, l'enregistrement de Petit Papa Noël est reproduit sur des dizaines de compilations.
Mike Brant
9,9 millions
Comme les quatre artistes qui le précèdent, l'interprète de Laisse-moi t'aimer a vendu plus de singles que d'albums.
Pierre Bachelet
9,2 millions
Ses héritiers partagent les droits de son plus grand tube, Les Corons, avec le parolier Jean-Pierre Lang.
Georges Brassens
8,7 millions
Universal détient les masters, mais plusieurs éditeurs commercialisent les albums libres de droits.
Jacques Brel
8,4 millions
Barclay (Universal) a vendu 56 000 intégrales en France depuis le 25e anniversaire de sa mort, en 2003.
Daniel Balavoine
6,5 millions
Son dernier album, Sauver l'amour, sorti trois mois avant son décès, en 1986, reste le plus vendu à ce jour.
Serge Gainsbourg
5,9 millions
Le film Gainsbourg (vie héroïque), de Joann Sfar, pourrait stimuler ses chiffres de vente.
Jean-Marie Pottier
Débat sur les retraites, polémique autour du care, hésitations sur la prise en charge de la dépendance du grand âge : le vieillissement se trouve à plusieurs titres au centre de l'actualité politique et sociale. Les chiffres sont connus : les plus de 75 ans représentaient 3,8 % de la population française en 1950, contre 8,8 % en 2010 et probablement 10,5 % en 2025. L'espérance de vie à la naissance était de 64 ans pour les hommes (69 ans pour les femmes) en 1945, elle est, pour une fille née en 2009, de 84,5 ans (contre 77,8 ans pour un garçon). L'espérance de vie pour les personnes de 60 ans est de 22 ans pour les hommes et de 27 ans pour les femmes1. Ce vieillissement s'effectue aussi pour une large part en meilleure santé, puisque la durée de vie sans difficulté majeure de santé s'allonge elle aussi : en 2003, l'espérance de vie (à 65 ans) sans incapacité représente 79 % de l'espérance de vie totale pour les femmes et de 75 % pour les hommes, chiffre qui augmente plus vite que l'espérance de vie elle-même (en 1981, elle ne représentait que 63 % pour les femmes et 53 % pour les hommes2). C'est donc bien du temps libre en bonne santé qui est gagné collectivement.
Cette bonne nouvelle décline ses effets dans plusieurs dimensions : elle signifie un changement du rapport de chacun à son propre parcours de vie, elle induit une transformation des relations entre les générations, elle impose une adaptation de nos mécanismes de solidarité.
Les injustices de la réforme des retraites
Si les chiffres aident à objectiver un mouvement continu et insensible, ils sont aussi trompeurs. Ils peuvent en effet donner l'impression que l'approche par les âges permet de saisir au mieux nos parcours de vie. Or, le débat sur les retraites l'a montré une fois de plus, se focaliser sur les âges, c'est retenir un critère largement insuffisant pour déterminer la situation de vie d'une personne. En faisant du paramètre de la limite d'âge pour partir à la retraite (qui devrait progressivement passer de 60 à 62 ans en 2012 selon les souhaits du gouvernement) l'enjeu d'un affrontement avec les syndicats et l'opposition, le gouvernement (qui s'est bien gardé de toucher aux régimes spéciaux) a escamoté les sujets les plus importants pour l'équité de la réforme.
En effet, concentrer la réforme sur le changement de la limite d'âge, c'est tout d'abord esquiver la question du nombre d'annuités de cotisation. De nombreuses situations inéquitables en résultent (d'où l'accent mis par la Cfdt par exemple sur la question de la pénibilité). Tout d'abord, certains salariés, qui ont commencé jeunes, auront déjà cotisé tous les trimestres qu'ils doivent (164 trimestres, c'est-à-dire 41 annuités en 2012 puis 41,5 annuités en 2020) avant de parvenir à l'âge légal auquel ils pourront demander à partir en retraite. Ils surcotisent donc, alors même qu'ils ont sans doute occupé, ayant commencé jeunes, c'est-à-dire sans faire d'études longues, un poste d'ouvrier ou d'employé, peu valorisé et mal payé3. Autre cas de figure, une majorité, par lassitude ou par manque de perspective, choisira de partir dès 62 ans, sans avoir cotisé suffisamment, en subissant une décote proportionnelle au nombre d'annuités manquantes. D'autres enfin seront obligés de travailler jusqu'à 67 ans s'ils veulent éviter une décote tout en restant pénalisés par leur carrière incomplète qui se traduit, quoi qu'il arrive, par une retraite partielle. Ce sera le cas surtout des personnes dont la carrière professionnelle aura été discontinue.
Or, pour les jeunes actifs, les carrières sont de plus en plus discontinues : la carrière stable chez un employeur unique n'est plus la norme. Les situations de salariés ayant connu des hauts et des bas, des périodes d'inactivités forcées, des parcours instables, morcelés et précaires (avec des temps partiels subis, de l'intérim...) se multiplient. Elles touchent bien sûr avant tout les personnes faiblement qualifiées et les femmes qui occupent des emplois à temps partiel et connaissent des parcours plus hachés que les hommes en raison des congés maternité (même si, dans le projet actuel, l'indemnité journalière de maternité sera intégrée dans le salaire de référence pour le calcul de la retraite) et de la garde des enfants. Caler tous les parcours sur un même âge, c'est feindre qu'on se situe encore dans la continuité d'une économie d'après-guerre dans laquelle la montée du salariat avait permis de normaliser une grande part des parcours professionnels. Pour les générations montantes, la norme de parcours s'est défaite, les trajectoires sont plus personnelles et l'effet d'inégalité lié à un mauvais calibrage des droits est plus fort.
Mais surtout, « travailler plus longtemps » n'est qu'un slogan sans contenu dans la situation actuelle du marché du travail. Celui-ci, en effet, est particulièrement défavorable aux seniors en France, le consensus implicite choisi depuis le lancement des préretraites depuis le milieu des années 1970 étant qu'il valait mieux faire sortir du marché du travail les plus âgés pour favoriser l'entrée des plus jeunes. Le résultat, paradoxal, en est que la France parvient à cumuler l'un des plus faibles taux d'activité des 15-24 ans (32,2 % en 2008) en Europe (la moyenne européenne est cinq points au-dessus) avec un taux d'activité des 55-64 ans (38,3 % en 2008) inférieur à la moyenne européenne (celle-ci étant de 45,6 %4) ! On exclut les salariés aux deux bouts de l'échelle des âges. Les salariés quittent aujourd'hui en moyenne le marché du travail à 58,5 ans, passent trois années de galère dans des dispositifs de transition (chômage avec dispense de recherche d'emploi, handicap, préretraites, maladies de longue durée...) et ne commencent à toucher leur retraite qu'à partir de 61,6 ans. À quoi rime, dès lors, de demander aux salariés de travailler deux ans de plus, entre 60 et 62 ans, alors même qu'il est si difficile pour les salariés de se maintenir sur le marché du travail au-delà de 60 ans ? Et que dire de la limite de 67 ans, qui apparaît bien théorique, puisque les efforts consentis pour encourager les entreprises à maintenir les seniors dans l'emploi ne sont pas à la hauteur ? En réalité, on se prépare à ce qu'un nombre croissant de salariés prenne leur retraite sans bénéficier d'un taux plein parce que leur parcours aura été discontinu, qu'ils seront découragés par le marché du travail, considérés comme trop chers par leurs employeurs ou insuffisamment performants5.
Ce découragement est amplifié par les incertitudes entourant la solidité de notre système de retraites : comme les précédentes, la réforme actuelle est surtout consacrée à assurer le financement à court terme et le prochain rendez-vous est déjà fixé à 2018 car, dans les projections liées à la réforme, l'équilibre n'est garanti que jusqu'en 2020 (dans le meilleur des cas, puisque le gouvernement établit ses projections à partir d'hypothèses macroéconomiques pour 2014-2020 pour le moins optimistes : taux de chômage à 6,7 %, taux de croissance à 2,2 %). Quelles règles seront applicables au-delà de 2018 ? L'angoisse entretenue par le manque de consensus sur notre système des retraites amplifie la fuite anticipée du marché du travail, les salariés saisissant toutes les occasions de départ précoce, de peur d'avoir à payer plus cher les ajustements qui restent toujours à venir... On continue ainsi à réduire la participation des seniors au marché du travail, tout en affichant l'objectif inverse ! Mais il induit aussi un scepticisme croissant chez les jeunes salariés sur les avantages d'un système par répartition et fait progresser la représentation favorable à la prévoyance individuelle.
Bref, une autre logique aurait pu prévaloir, faisant des annuités la seule référence, indépendamment de tout critère d'âge, ce qui aurait évité la trompeuse simplicité d'un âge couperet unique. Prendre en compte les parcours, ce serait aussi avoir une meilleure garantie des droits pour des salariés qui, ayant changé plusieurs fois de travail, relèvent de plusieurs régimes différents (on les appelle les « polypensionnés ») dont le nombre ne saurait manquer d'augmenter dans une économie qui célèbre la mobilité. Cela signifierait aussi se redonner une vue d'ensemble du salariat et des parcours professionnels, au lieu de traiter séparément la question de l'entrée difficile dans le monde du travail pour les jeunes, les inégalités de parcours entre homme et femme, l'aménagement des fins de carrières... car tout cela ne forme que des points de cristallisation d'une même question générale qui est la dislocation des normes du travail, l'individualisation des parcours sociaux et la déstabilisation croissante d'un système de protections pensé pour des ensembles homogènes et stables. À l'inverse, toutes les propositions de reconstruction d'un projet de solidarité durable soulignent l'importance de l'articulation, à tous les temps de la vie, du temps de formation, du temps de travail et du temps de repos6.
L'ingratitude des aînés ?
Cet exemple des retraites montre que nous n'avons pas encore pris la mesure des transformations, pour l'ensemble du cycle de vie, de l'allongement de la durée de vie : il ne s'agit pas seulement de faire glisser des trimestres, mais prendre en compte la manière dont notre rapport aux temps de la vie se transforme, dès lors que l'existence se prolonge au-delà de quelques années de retraite, dans un temps qui ne doit pas cependant apparaître vide, dénué de sens social et de relations.
Une autre limite de la focalisation sur l'âge est de réduire l'équilibre financier des retraites à un ratio entre actifs et inactifs (il était de 2,2 actifs pour un inactif en 2005, il pourrait être de 1,4 en 20507). Le sujet est beaucoup plus large et touche aux solidarités entre les générations. L'âge donne en effet une position abstraite de l'individu, dont la situation sociale dépend aussi de son appartenance à une génération. Celle-ci peut être plus ou moins favorisée en fonction des opportunités qui étaient ouvertes au moment où elle est née, puis entrée dans la vie active : les classes d'âge qui entrent sur le marché du travail dans une période déprimée en ressentent les conséquences sur l'ensemble de leur parcours. À l'inverse, ceux qui sont portés par la conjoncture bénéficient de cet élan favorable de manière durable8. Mais cet effet ne prend véritablement sens pour les générations que les unes vis-à-vis des autres.
Il faut donc s'interroger sur les relations entre les générations d'actifs aujourd'hui et celle des inactifs : quelles sont les solidarités qui s'exercent de l'une à l'autre ? Il faut distinguer celles qui relèvent de mécanismes publics de solidarité (indemnisation du chômage, santé, retraites...) et celles qui relèvent de transferts privés intrafamiliaux. Les transferts publics sont ascendants, c'est-à-dire qu'ils passent des jeunes et des actifs aux retraités et au grand âge. Ils sont en volume beaucoup plus importants que les transferts privés qui sont descendants, c'est-à-dire qu'ils vont des parents et grands-parents vers les enfants et petits-enfants. Les tranferts publics ascendants sont en outre en partie redistributifs tandis que les transferts privés descendants prolongent les inégalités familiales9. En un mot, les mécanismes de solidarité sont aujourd'hui beaucoup plus favorables aux vieux qu'aux jeunes. Cela est largement dû à notre incapacité collective à faire évoluer nos systèmes de solidarité en fonction des nouvelles difficultés sociales apparues pour les nouvelles générations : « La jeunesse est la variable d'ajustement des réformes ratées de la droite et la gauche10. » L'actuelle réforme des retraites le montre bien puisqu'elle ne garantit pas le système à long terme et qu'elle dilapide les ressources du fonds de réserve des retraites qui devait garantir la solidarité intergénérationnelle. Une réforme équitable aurait pu mettre à contribution les retraités dans le sauvetage des retraites, en alignant par exemple la fiscalité des retraités sur celle des actifs11. Un nouvel arbitrage défavorable à mettre au crédit de la « génération dorée » des trente glorieuses ? On peut en effet faire une lecture de ces choix collectifs en termes de rapports de force, montrant la facilité avec laquelle la génération la plus nombreuse, celle du baby-boom, peut imposer ses choix aux autres :
À elle, la croissance, les contrats à durée indéterminée, l'optimisme politique, la révolution des mœurs et, désormais, les vieux jours à l'abri du besoin. Aux générations suivantes, le chômage, la précarité, la dette publique et, pour tout horizon, une pension écornée12.
Ce mouvement n'a d'ailleurs rien de proprement français et concerne tous les pays qui ont vécu de manière proche la croissance d'après-guerre :
La « génération 1 000 € » en Espagne et en Italie, ou encore la « génération 700 € » en Grèce racontent la même histoire. D'un bout à l'autre du monde développé, du Japon aux États-Unis en passant par le Royaume-Uni, des voix se font entendre pour attirer l'attention sur de nouvelles « générations sacrifiées » ou pour dénoncer l'emprise croissante du grey power (le « pouvoir grisonnant »13).
Mais cette approche, si elle a le mérite de pointer des inégalités qui restent souvent invisibles, reste incomplète car les solidarités entre générations ne sont pas synchrones. On ne peut en effet simplement comptabiliser les transferts entre actifs et inactifs pour tenter d'établir une équation juste.
L'échange entre générations se fait en réalité toujours à trois puisque chaque génération est prise entre celle qui précède (les ascendants) et celle qui suit (les descendants). Pour raisonner en termes de transferts justes, il faudrait dès lors pouvoir faire le bilan de tout ce qu'une génération reçoit des deux générations qui l'entourent et de tout ce qu'elle leur transmet (on peut recevoir aussi bien de ses parents que de ses enfants, la solidarité familiale s'exerçant dans les deux sens). L'équité complexe qui se met en place dans ce jeu à trois consiste non pas à donner autant à une génération qu'on a reçu d'elle mais plutôt à donner à la génération suivante ce qu'on a reçu de la précédente. Si, selon le proverbe, on ne fait qu'emprunter le monde à ses enfants, il n'en reste pas moins qu'on l'a aussi hérité de ses parents. C'est en transmettant quelque chose à ses enfants qu'on rend ce qu'on a reçu de ses parents. La solidarité intergénérationnelle ne fonctionne donc pas selon la logique d'un contrat à deux mais d'un échange à trois où la dette qu'on a contractée vis-à-vis de ses ascendants (qui ont œuvré directement à l'éducation, au soin... mais aussi à enrichir une vie collective par des institutions pérennes, un patrimoine durable, l'acquisition des connaissances, l'aménagement de l'espace, etc.) est remboursée aux descendants. Cette conception de la solidarité a formé la doctrine sociale de la République dès le solidarisme de Léon Bourgeois et Célestin Bouglé au tournant du xixe siècle14. Chacun participe à un système de solidarité collectif non en fonction d'un contrat ou d'un pacte fondateur (comme dans la fiction libérale) ni au terme d'une lutte des classes (comme pour les socialistes) mais parce qu'il est, dès sa naissance, débiteur de ses prédécesseurs, qui ont aménagé le monde pour lui. Il ne pourra se libérer de sa dette qu'en faisant un don à son tour aux générations qui le suivent.
À la différence des situations familiales qui existaient au xixe siècle, où les trois générations n'avaient guère le temps de se côtoyer, celles-ci sont maintenant contemporaines les unes des autres plus longtemps, au point que la solidarité intergénérationnelle peut maintenant s'exprimer directement des grands-parents aux petits-enfants (pour les successions par exemple ou les gardes). La génération intermédiaire se trouve dès lors dans une situation différente : son rôle n'est plus de transmettre de ceux qui ont disparu vers ceux qui ne sont pas encore là. Elle supporte concrètement parfois la charge des aînés qui commencent à subir la dépendance et des jeunes qui n'ont pas encore pris leur indépendance : on l'appelle la génération « pivot ». Avec l'allongement de la durée de vie, il faudra même, de plus en plus fréquemment, apprendre à organiser une solidarité entre quatre générations vivant de manière contemporaine, c'est-à-dire qui ont traversé les unes et les autres dans des situations différentes les aléas de près d'un siècle de vie collective : comment imaginer de départager les effets d'aubaine et les malchances des uns et des autres (en prenant en compte des facteurs aussi différents que les conflits, les crises, la dégradation de l'environnement, les progrès de la médecine, etc.), tout en maintenant une solidarité entre tous ?
Le concept d'équité intergénérationnelle reste d'un usage délicat dans la mesure où le changement historique empêche de définir une situation égalitaire de référence par rapport à laquelle on pourrait juger des écarts de revenus, de patrimoine ou de bien-être. En même temps, cette incommensurabilité ne doit pas servir de prétexte pour ne rien faire15.
Les reculs de l'autonomie
Le grand âge n'est donc pas seulement une expérience individuelle, même si elle est trop souvent vécue dans la solitude. La manière dont il se déroule dépend aussi des choix collectifs, en particulier le partage que nous faisons entre temps libre et temps de travail, solidarité publique et aides privées, protections liées au statut et protections accompagnant la mobilité... Le projet du présent dossier est bien de montrer la variété des questions attachées au vieillissement, au-delà des froides statistiques de la démographie, tout en mettant l'accent sur le temps de vie qu'il constitue et qui reste à imaginer. Il touche donc à l'expérience de l'âge, au changement des relations médicales, aux transformations des parcours individuels, à la mutation de la vie familiale, aux formes de la solidarité entre les générations. Après des dossiers sur la relation médicale, la fin de vie, l'hôpital, le lien familial, il nous a semblé indispensable de traiter pour lui-même ce sujet de société qui reste le plus souvent refoulé parce qu'il met mal à l'aise.
Nous abordons donc tout d'abord les choix collectifs qui nous attendent. Avant tout, que dit la médecine sur l'évolution du vieillissement ? À l'encontre des déclarations fracassantes à destination des médias prédisant une poursuite de l'allongement de l'espérance de vie, il apparaît, selon la présentation de Jean-François Toussaint et de Bernard Swynghedauw, que nous atteignons un plafond : les courbes antérieures ne vont pas se prolonger, nous touchons bien à des limites des possibilités humaines. Autre idée reçue qu'un examen plus précis remet frontalement en cause : la conviction selon laquelle le vieillissement met en péril l'équilibre de nos comptes sociaux en imposant une croissance démesurée de nos dépenses de santé. En réalité, ce n'est pas le vieillissement de la population qui contribue le plus à l'augmentation continue des frais médicaux. Brigitte Dormont montre ainsi que le débat sur le financement est beaucoup plus ouvert qu'on ne le dit habituellement, qu'il ne relève en tout cas d'aucune fatalité et qu'il invite à des choix collectifs qui restent à expliciter.
Si l'objectif de l'autonomie des individus doit rester prioritaire, le choix du lieu de vie (institution/domicile), soulignent Alain Franco et Vincent Rialle, va en partie déterminer les coûts et les types de prise en charge (professionnelle/familiale) qui vont se développer dans un avenir proche. Il aura aussi un impact, souligne Bruno Arbouet, sur les emplois de service liés aux soins apportés aux personnes âgées. Une comparaison européenne, avec le regard de Dominique Gaudron et Renaud George, met en perspective nos propres difficultés et souligne l'importance des villes, à la fois comme lieux de vie et comme espace de solidarité de proximité, dans la prise en charge du grand âge. Mais tous ces sujets ont aussi une répercussion sur les liens familiaux et, au-delà, sur la manière dont les solidarités intergénérationnelles s'organisent à mesure que l'espérance de vie augmente. Que signifie le projet d'autonomie quand les dépendances familiales, à tous les âges, s'affirment dans beaucoup de domaines ?
Mais ces sujets collectifs ne doivent pas faire oublier que la vieillesse est aussi un moment à vivre. Ce qu'ont oublié un peu vite ceux qui fustigent le débat sur le soin, lancé par Martine Aubry, considérant qu'il manifeste une incapacité à penser les sujets importants de la période : le vieillissement appelle en effet, notamment parce qu'il peut signifier des situations de dépendance, une autre conception de nos choix de solidarité. C'est pourquoi il s'agit bien d'un débat fondamental - qui n'est certes pas clos en ce qui concerne les choix qu'il appelle à faire - qui nous contraint à regarder en face des situations que les politiques sociales classiques ne prennent pas bien en charge et même les limites de la logique de prestation qui domine l'État-providence. Il nous impose aussi de revoir la relation médicale, quand elle n'a plus affaire à l'autonomie du patient mais à la perte de soi dans la démence sénile (Benoît Pain). Bref, c'est un défi d'ensemble pour nos conceptions, un défi de culture, souligne Robert William Higgins qui montre à quel point ce sujet traverse, parfois à notre insu, nos représentations les plus diverses et ne doit pas être enfermé dans une spécialité technique ou une sous-catégorie de la prise en charge médicale. Mais il ne suffit pas que nous apprenions à mieux prendre soin de la vieillesse, nous pouvons aussi apprendre quelque chose d'elle, poursuit Corine Pelluchon, notamment une autre perception de notre rapport au monde et au temps. D'ailleurs, pour Guy Samama, l'expérience du vieillir n'est pas le propre d'un âge, il se fait à tout âge car nous vieillissons dès notre premier jour et l'épreuve du temps est une sensation de tous les âges. Et, aussi amère que soit cette vérité, elle est l'expérience même de la vie, qui passe, s'enfuit et s'échappe.
Marc-Olivier Padis
Je remercie Nathanaël Dupré la Tour et Guillaume le Blanc pour l'aide qu'ils m'ont apportée à la préparation de ce dossier.
1. « Espérance de vie à divers âges », Insee, 2010, www.insee.fr
2. E. Cambois, A. Clavel et J. M. Robine, Dossier solidarité et santé, 2006, Drees, no 2.
3. Le gouvernement a prévu de maintenir le dispositif « carrières longues » négocié par la Cfdt en 2003, qui permet aux salariés ayant commencé à travailler avant 18 ans de partir entre 58 et 60 ans, à condition d'avoir comptabilisé tous leurs trimestres plus deux ans.
4. Chiffres de l'Insee, taux d'emploi par âge dans l'Union européenne.
5. Pour la génération née en 1970, 93 % des assurés ne pourront pas liquider leur retraite à taux plein à 60 ans, soulignent Olivier Ferrand et Fabrice Lenseigne, « Réformer les retraites : quelles solutions progressistes ? », www.tnova.fr, 28 mai 2010.
6. On passe aujourd'hui 21 années en études, 40 ans au travail, 20 ans en retraite.
7. « Projections 2005-2050 », Insee première, juillet 2006.
8. Louis Chauvel, le Destin des générations, Paris, Puf, 1998.
9. Claudine Attias-Donfut, « Rapports de générations. Transferts intrafamiliaux et dynamique macrosociale », Revue française de sociologie, no 41-4, 2000 ; Luc Arrondel et André Masson, « Solidarités publiques et familiales », dans Daniel Cohen (sous la dir. de), Une jeunesse difficile. Portrait économique et social de la jeunesse française, Paris, Éd. rue d'Ulm, 2006.
10. L. Chauvel, « L'année de naissance idéale est 1948 », entretien dans Libération, 15 juin 2010.
11. O. Ferrand et F. Lenseigne, « Réformer les retraites : quelles solutions progressistes ? », art. cité.
12. Éric Aeschimann, « Au bonheur des baby-boomers », Libération, 15 juin 2010.
13. Thierry Pech, « Les générations à la peine », hors-série, Alternatives économiques, no 85, 3e trimestre 2010, p. 4.
14. Voir notamment la réédition, présentée par Marie-Claude Blais, de Léon Bourgeois, Solidarité. L'idée de solidarité et ses conséquences sociales, éd. Le Bord de l'eau, coll. « Bibliothèque républicaine », 2008 et Serge Audier, Léon Bourgeois. Fonder la solidarité, Paris, Michalon, coll. « Le bien commun », 2007.
15. Luc Arrondel et André Masson, « Solidarités publiques et familiales », dans D. Cohen (sous la dir. de), Une jeunesse difficile..., op. cit., p. 110.
L'acteur législatif s'est récemment prononcé sur les conditions d'exercice du métier de psychothérapeute. Désormais, un temps de formation et des garanties juridiques seront exigés de la part de ceux qui prétendent recevoir des patients en psychothérapie à l'exception des seuls médecins psychiatres.
Certains en ont conclu, non sans rappeler les travaux de Michel Foucault sur le pouvoir médical, que cette faveur traduisait une recrudescence de la volonté de médicaliser la folie. Ce qui est discutable dans la mesure où le plus frappant est l'absence quasi totale d'un débat sur la folie dans notre société. Comme si celle-ci, au-delà des droits et de l'approche disciplinaire, était absente, hors présence, hors jeu, refoulée...
Les années de l'antipsychiatrie, les années Laing, les pratiques de rue dans les villes italiennes, le rôle de La Borde ou d'autres institutions légendaires sont oubliés et passés littéralement à la trappe. La folie ne donne plus guère à penser et les lits pour malades mentaux sont démesurément réduits alors même que les sciences cognitives ont pris le dessus au sein des facultés de médecine en charge de la formation des rares psychiatres. Rien ne vaut une bonne connaissance du cerveau et des médicaments ad hoc, parler de la douleur, celle qui rend fou parce que insupportable, fait perdre du temps et de l'argent. On aurait bien du mal à refaire aujourd'hui le numéro d'Esprit publié en 1952, porté entre autres par le psychiatre Henri Ey, intitulé Misère de la psychiatrie. On peinerait à promouvoir encore les expériences de psychiatrie de secteur valorisées dans cette revue par Jacques Hochman dans les années 1970.
Pourtant, un paradoxe n'est pas suffisamment pris en compte. La folie est évacuée des institutions et des discours mais elle est omniprésente autour de nous. Il n'est pas indispensable d'être un psychothérapeute averti pour observer que la maladie mentale se promène désormais dans les rues. En ce sens, nous vivons involontairement l'expérience italienne des années 1970 qui avait mis les malades mentaux dans les rues. Si le président Sarkozy s'en prend d'abord aux récidivistes sexuels et craint les passages à l'acte, il ne se préoccupe guère de ces fous errants qui traînent leur misère corporelle et psychique dans les rues, il ne s'y intéresse que s'ils « pètent les plombs » et deviennent violents.
Les économies à opérer dans le service public médical justifient-elles de mettre tous les maux sur le même plan ? Les médicaments sont-ils une contrepartie suffisante à l'absence d'écoute et de paroles ? Mais que représente donc cette société qui jette dehors ceux qui ne se sentent pas bien et ne leur offrent comme espaces d'accueil provisoires, comme aux toxicomanes, que des prisons devenues des jungles humaines ?
Telle est la situation : on vit dans un monde apparemment sans folie alors même que fous et malades mentaux font peur car ils sont partout et nulle part. Il y a là quelque chose de déroutant dans cette époque qui se veut sans folie, précautionneuse alors qu'elle fonctionne pourtant « à la folie ».
Luc Moullet, un cinéaste iconoclaste, a réalisé récemment La terre de la folie, un film inattendu sur ce qu'il appelle le triangle de la folie (un triangle géographique autour de la ville de Digne dans les Alpes-de-Haute-Provence). Mais on peut lui signaler que la folie est contagieuse et atteint des zones qui ne sont ni rurales, ni montagnardes, ni en déshérence. Les plus hautes solitudes et les souffrances extrêmes ne sont pas le propre des mondes retirés. La folie est là et bien là, elle est le fait d'un monde où il n'y a plus de valeur que l'argent pour se mesurer les uns aux autres puisque « je ne vaux que ce que je coûte ». Dans ce monde de folie qui vit au rythme boursier du Cac 40 et des crises à répétition, le fou est cependant absent puisqu'il ne vaut rien et ne doit donc rien coûter.
Alors qu'on n'en finit plus d'attendre le passage à l'acte du trader fou, les « pétages de plomb » de la finance, il y a une folie globale à l'origine de la chape de plomb qui pèse sur la folie elle-même car on sent bien que cette société disjoncte. Bien des comportements sont qualifiés de fous, à commencer par ceux des pyromanes en tous genres, à la Bourse ou ailleurs, qui ne savent pas que l'argent rend fou.
Une société qui ne sait pas parler de sa folie est un monde qui se croit surhumain et a oublié que la part de folie de chacun d'entre nous, ces zones border-line où l'humain est bancal, est l'affaire de tous. Pour ne pas voir notre propre folie partagée, on met les fous à la rue pour surtout ne pas en parler.
Après une mauvaise campagne agricole en 2009, le Sahel s’enfonce dans la crise alimentaire. Dans cette bande désertique, 10 millions d’Africains sont menacés, principalement au Niger, au Tchad et au Mali. Selon l’Unicef, dans les prochains mois, 860 000 enfants de moins de cinq ans pourraient avoir besoin de « traitements contre la malnutrition », la première cause de mortalité infantile dans cette région.
Cette crise intervient alors que les stocks de la dernière récolte sont arrivés à épuisement et qu’il faut encore attendre l’automne pour la prochaine. Les conditions climatiques défavorables expliquent pour partie cette soudure difficile. Mais c’est loin d’être le seul facteur. Le prix Nobel d’économie, Amartya Sen, qui a commencé sa carrière de chercheur en étudiant les causes des famines en Inde, a depuis longtemps montré que si la malnutrition indique que certains ne mangent pas à leur faim, elle n’est pas nécessairement le signe d’un manque de vivres.
La situation actuelle d’insécurité alimentaire, connue depuis plusieurs mois, a donc des causes structurelles. Elle est révélatrice de problèmes de distribution mais aussi de gestion des ressources disponibles dans le temps et dans l’espace. Mais pour les résoudre, les mesures d’urgence (aide alimentaire, distribution de kits de survie) bien que nécessaires seront toujours en deçà des enjeux.
Dans son encyclique Caritas in veritate, Benoît XVI écrivait : « Le problème de l’insécurité alimentaire doit être affronté dans une perspective à long terme, en éliminant les causes structurelles qui en sont à l’origine et en promouvant le développement agricole des pays les plus pauvres à travers des investissements en infrastructures rurales, en système d’irrigation, de transports, d’organisation des marchés, en formation et en diffusion des techniques agricoles appropriées. » Ces lignes, rédigées un an après les émeutes de la faim de 2008, sont toujours actuelles. Elles en appellent à la responsabilité de tous pour que soit respecté le droit humain de base à une alimentation suffisante et régulière.
Dominique Greiner
YouTube rallonge la durée de ses vidéos
Le site de publication de vidéos YouTube a décidé d'allonger la durée maximale des enregistrements postés par les internautes, de 10 à 15 minutes, rapporte vendredi le site pcinpact.com . L'initiative a été rendue possible grâce à l'amélioration des techniques de filtrage des contenus protégés par le droit d'auteur, explique le site spécialisé. Pour médiatiser ce changement, YouTube a lancé une opération "15 minutes de gloire", permettant aux utilisateurs du site de diffuser une vidéo personnalisée avant le 4 août.
Apple : Pourquoi Steve Jobs a toujours un coup d’avance
A peine lancé, l’iPad est déjà un succès mondial. Et un nouveau jackpot pour la firme californienne. Ses secrets ? Il faut les chercher dans le cerveau du patron, un génie tyrannique.
Le 7 juin dernier, sur les coups de 18 h 30, une vingtaine d’adeptes se sont rassemblés dans un bar du centre-ville de Nantes, le Flesselles, afin d’assister à une retransmission un peu particulière : la présentation par Steve Jobs de la quatrième version de l’iPhone. Pendant près de deux heures, ils ont suivi religieusement l’exposé de leur gourou à San Francisco. Le pire, c’est qu’ils n’avaient que quelques fils d’infos et des photos du show à se mettre sous la dent.
Quel autre P-DG au monde peut ainsi remplir les cafés comme lors des matchs du Mondial ? Pour l’iPad, six mois plus tôt, ce fut le même cirque. A chacune de ses sorties, Steve Jobs jouit d’une couverture médiatique gratuite que Microsoft, Google et Facebook réunis ne pourraient pas même se payer.
Mais comment ne pas faire la ola à chaque nouveau lancement ? En 2001, l’iPod a révolutionné l’industrie musicale. En 2007, l’iPhone a quasiment créé l’Internet mobile. Et l’iPad, en vente depuis avril 2010, bouleverse déjà le monde de l’édition. Autant de best-sellers qui se transforment en cash. En 2009, le chiffre d’affaires d’Apple a atteint 30 milliards d’euros. Soit 108% de plus qu’en 2006. Et, fin mai, Steve Jobs s’est offert la victoire suprême : dépasser en Bourse Microsoft, l’ennemi de toujours. Quel est son secret ? Dans les pages qui suivent, Capital décrypte les multiples facettes du meilleur patron du monde, tour à tour inventeur de génie, manager impitoyable et négociateur redoutable.
A Cupertino, le siège californien d’Apple, le succès n’est pourtant pas monté à la tête du cofondateur. «Je l’ai trouvé détendu, très sympa», témoigne Stéphane Richard, le directeur général d’Orange, qui s’est entretenu plus d’une heure avec lui le 17 mai. «Magic Steve» continue d’avaler des sushis au milieu de ses troupes à la cafète, toujours vêtu d’un Levi’s 501 et d’un sous-pull noir. Sa vie privée n’a pas non plus basculé.
A Palo Alto, la petite cité chic où il réside avec son épouse, Laurene, et leurs trois enfants, il continue d’aller parfois sans garde du corps sur Emerson Street déguster les yaourts macrobiotiques de Patama, la jolie patronne de la boutique Fraiche. Même le vigile en 4 x 4 que nous avions croisé devant sa maison, il y a un an, a disparu.
Le numéro 1 d’Apple n’est d’ailleurs pas le nabab que l’on imagine. Entendons-nous bien, Steve n’est pas pauvre comme Job. Mais sa fortune – 3,8 milliards d’euros, selon «Forbes» en 2009 – ne le classe qu’au 136e rang mondial, loin des 37 milliards de Bill Gates, le fondateur de Microsoft, qui s’est lancé à la même époque que lui, et des 12 milliards amassés par Sergey Brin, le père de Google, de dix-huit ans son cadet.
L’explication est simple : son conseil d’administration a beau le gaver de stock-options depuis son retour chez Apple en 1997, Jobs ne possède que 0,61% de la société qu’il a cofondée avec Steve Wozniak, sa participation s’étant diluée au fil de l’histoire mouvementée de la compagnie. Avec les 5% du capital qu’il s’est offerts il y a treize ans, le prince Al Walid en a largement plus profité que lui . Rageant ? «Ce qui m’intéresse, ce n’est pas d’être l’homme le plus riche du cimetière, mais d’aller au lit en me disant que j’ai fait quelque chose de merveilleux aujourd’hui», avait philosophé Jobs dans un entretien au «Wall Street Journal».
Ces derniers temps, il doit dormir comme un bébé. Début juin, l’iPad avait déjà séduit 2 millions de clients en deux mois de commercialisation. Et le succès de l’iPhone ne se dément pas : au premier trimestre, Apple en a vendu 8,7 millions, deux fois plus qu’un an plus tôt. Son secret ? «Quand les autres se focalisent sur le matériel, eux se concentrent sur l’ergonomie», explique Marc Oiknine, du fonds Alpha Capital Partners.
«Jobs a le facteur “waouh !”», ajoute Randy Komisar, ancien directeur juridique de la firme à la pomme et aujourd’hui capital-risqueur dans la Silicon Valley. Ses produits procurent du plaisir.» Apple est la meilleure illustration qui soit de la fameuse théorie de l’économiste libéral français Jean-¬Baptiste Say – «l’offre crée la demande» – qu’il faudrait presque rebaptiser «loi de Jobs».
Ceux qui assurent aujourd’hui que l’iPad ne répond à aucun besoin ont peut-être raison. Mais ils affirmaient aussi, lors du lancement de l’iPhone, que personne n’irait naviguer sur Internet avec son téléphone portable. Selon un sondage SFR-GroupM réalisé en mars, 4 millions de Français le font désormais tous les jours.
Grâce à la «Jobs touch», Apple se permet de pratiquer des tarifs extravagants. En France, l’iPad 3G, avec un disque dur de 64 gigaoctets, est ainsi vendu 799 euros, contre 498 euros pour la tablette équivalente d’Archos. L’iPhone 3GS était vendu, hors abonnement, 659 euros à sa sortie en juin 2009, alors que le Samsung Wave, qui le surpasse techniquement, sort ces jours-ci à 349 euros.
Et ne parlons pas des ordinateurs. Le MacBook Pro se monnaie près de 2 200 euros, contre 1 600 pour des PC comparables. Ajoutez des dépenses de recherche bien moindres que celles des petits copains – 3% du chiffre d’affaires contre 15% chez Microsoft – et vous avez la recette des profits colossaux qu’engrange la firme à la pomme. Selon les calculs du cabinet iSuppli, Apple réalise par exemple une marge brute de 50% sur l’iPhone quand ses rivaux doivent se contenter de 20 à 40%.
Ses pommiers vont-ils monter jusqu’au ciel ? Steve Jobs voit poindre les soucis. De cannibalisation, d’abord. Une récente étude de Morgan Stanley montre qu’un quart des acheteurs de l’iPad renonceraient à l’achat d’un MacBook, et quatre sur dix à celui d’un iPod touch. Déjà, les ventes du baladeur MP3, boulotté par l’iPhone, ont chuté de 5,5% au dernier semestre. Un sérieux avertissement. Apple vit aussi sous la menace de plusieurs enquêtes antitrust aux Etats-Unis. On le soupçonne, pêle-mêle, de tuer la concurrence dans la musique en ligne ou d’abuser de sa position dominante en refusant que l’iPad lise les vidéos issues de la technologie Flash d’Adobe.
Plus préoccupant, l’image du groupe se dégrade. Quand il verrouille le Web, en interdisant aux plates-formes concurrentes, comme Cydia, de vendre leurs applications sur l’iPhone ou l’iPad. Quand Jobs censure des contenus qu’il juge trop érotiques. Aurait-il changé de camp ? En 1984, il s’était offert une pub pendant le Superbowl dans laquelle il comparait IBM (sans le nommer) à Big Brother. Aujourd’hui, une parodie de cette réclame fait fureur sur le Web. Steve Jobs y est associé au héros de George Orwell. Pour l’instant, elle est encore disponible sur l’iPhone…
De notre envoyé spécial en Californie, Gilles Tanguy
Les bonnes fortunes d’Apple…
Prince Al-Walid
En 1997, le neveu du roi Abdallah avait acquis 5% d’Apple pour 115 millions de dollars. Ils valent cent fois plus.
Bertrand Serlet
Ce Français, vice-président d’Apple, a empoché près de 10 millions d’euros en vendant ses stock-options au printemps.
Steve Wozniak
Essoré par deux divorces et des investissements désastreux, le cofondateur cachetonne dans des conférences.
Ronald Wayne
Présent aux débuts de l’aventure, il regrettera toute sa vie d’avoir vendu ses 10% d’Apple en 1976 pour… 800 dollars.
Lire aussi :Les 50 plus grands patrons de l'histoire
Le blog de Gilles Tanguy : Tech Biz
jeudi 29 juillet 2010
Le marché publicitaire français devrait connaître cette année une reprise plus franche que prévu
Après avoir traversé une crise sans précédent en 2009, le marché publicitaire français retrouve des couleurs. Selon les prévisions de l'agence ZenithOptimedia (Publicis), publiées lundi 19 juillet, les investissements des annonceurs dans les médias devraient progresser de 3 % en 2010. En avril, elle s'attendait à une reprise plus timide limitée à 1 %.
Ce retour à meilleure fortune intervient après une dégringolade historique du marché publicitaire français de plus de 12 % en 2009. Il correspond aussi à des phénomènes conjoncturels favorables. La Coupe du monde de football est toujours un grand carrefour publicitaire, les marques se disputant le droit de s'afficher devant les fans de ce sport, présents en masse devant leur téléviseur. Surtout, avec l'ouverture à la concurrence du marché des paris sportifs et du poker sur Internet, les médias bénéficient de l'arrivée de nouveaux annonceurs. ZenithOptimedia chiffre cet apport à un montant compris entre 80 et 100 millions d'euros. Au-delà de ces phénomènes conjoncturels attendus, l'agence considère que la bonne surprise vient du secteur de la grande consommation, qui après avoir coupé sévèrement ses budgets réinvestit pour soutenir ses marques.
Concurrence d'Internet
Ce regain bénéficie d'abord à la télévision, dont les recettes publicitaires devraient augmenter de 5 %, mais aussi à l'affichage (+ 6 % attendus). La radio devrait rester stable. Seule ombre au tableau, la presse qui devrait continuer à subir une érosion de ses revenus publicitaires. L'agence estime la baisse à 1 % pour la presse quotidienne nationale et la presse magazine grand public. Les magazines spécialisés souffrant plus avec un recul de 8 %. Ils pâtissent de la concurrence d'Internet dont les recettes publicitaires progresseraient encore de 8 % en 2010 selon les données publiées par le Syndicat des régies Internet.
Cette révision à la hausse des prévisions du marché publicitaire ne se limite pas à la France. Plus globalement, ZenithOptimedia estime que malgré les problèmes d'endettement de la zone euro, les investissements progresseraient de 2,2 % en Europe de l'Ouest cette année. Elle prévoyait en avril, une quasi-stagnation à + 0,4 %. Le Royaume-Uni est très dynamique, alors que l'Espagne reste le point noir avec un marché qui continue à décroître. En Amérique du Nord, les indicateurs qui étaient encore au rouge au début d'année sont repassés au vert, avec une prévision de croissance de 1,3 %. Résultat, le marché publicitaire mondial pourrait progresser de 3,5 % en 2010 à 447 milliards de dollars (344 milliards d'euros). Le contraste reste toutefois marqué entre les pays développés et les émergents. Ces derniers bénéficiant d'un taux de croissance annuel de 8,6 %.
Une situation qui profite à la télévision, dont la part de marché publicitaire mondial devrait franchir pour la première fois la barre des 40 % en 2010. Autre média en progression, Internet. Sa part de marché passerait de 13,9 % à 17,1 % entre 2010 et 2012.
L'OSCE s'inquiète de la liberté de la presse en Europe
L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a pointé les difficultés des médias à s'exprimer librement dans certains de ses Etats membres, dans un rapport présenté jeudi 29 juillet à Vienne (téléchargeable en anglais). "La situation concernant la liberté de la presse dans les pays membres n'est pas rose", a déclaré aux journalistes Dunja Mijatovic, la représentante pour la liberté des médias de l'OSCE.
Ce rapport annuel sur la situation des médias liste les sujets de préoccupation au sein des Etats membres de l'organisation. Parmi les cas pointés du doigt figurent notamment la réforme des médias hongroise, qui pourrait selon le rapport placer l'ensemble des médias audiovisuels sous la coupe politique, et la loi sur la surveillance électronique en Italie qui "pourrait nuire sévèrement au journalisme d'investigation".
LA FRANCE ÉGALEMENT ÉPINGLÉE
Le rapport évoque au total des points soulevés dans vingt-six des cinquante-six pays membres de l'OSCE (situés en Europe, en Asie centrale et en Amérique), comme la mort récente du journaliste grec Socrates Gioglis, l'agression à coup de barres de fer de l'éditorialiste serbe Teofil Pancic ou encore l'emprisonnement de journalistes en Turquie.
Concernant la France, le texte évoque surtout la nomination par le président de la République du patron de la télévision publique, qui est "un obstacle à son indépendance et en contradiction avec les engagements de l'OSCE", selon le rapport. "Les autorités doivent comprendre que les médias ne sont pas leur propriété privée et que les journalistes ont le droit d'examiner ceux qui ont été élus", a souligné Dunja Mijatovic.
Au-delà de la promotion de la pluralité des opinions, Mme Mijatovic a mis l'accent sur la surveillance et l'alerte précoce de possibles atteintes à la liberté de la presse. Elle s'est également engagée à dénoncer les atteintes au travail des journalistes: "combattre la violence et le harcèlement à l'encontre des médias sera parmi mes priorités".
Financement : petits arrangements entre amis à gauche
Comment se finance la gauche française ? Comme pour la majorité présidentielle, objet d'une enquête précédente, les partis de l'opposition échangent entre eux des flux financiers parfois complexes. Le Monde.fr a cherché, à partir des données de 2008 – les dernières disponibles – de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), à décrypter la façon dont l'opposition gère ses finances.
Infographie : Qui finançait qui à gauche en 2008 ?
* Un financement centré sur les cotisations
Le Parti socialiste disposait, en 2008 d'un budget total de 59 166 852 euros, soit plus que l'UMP (52 108 172 euros). Une manne qui provient avant tout des cotisations des adhérents (12 369 123 d'euros, 20,9 % du total) et des élus socialistes, qui reversent 10 % de leur rémunération (pour un total de 13 166 686 euros, soit 22,3 % du budget du parti). En regard, l'UMP ne recueille que 13 % de ses fonds par les cotisations, et préfère compter sur les dons (14,2 % de ses recettes) et l'aide de l'Etat (66,2 % des recettes, contre 38,4 % pour le PS).
La structure de financement du PC est proche de celle du PS (31 559 485 euros de recettes en 2008, dont 50,3 % grâce aux cotisations de ses élus). Le parti communiste reçoit beaucoup de dons également (14,2 %, autant que l'UMP), mais demande moins à ses adhérents. Les Verts comptent aussi beaucoup sur leurs élus (1 539 873 de cotisations, soit 29,8 % de leurs recettes totales qui sont de 5 166 761 euros).
Structure de financement de six partis politiques français en 2008, selon la commission des comptes de campagne et des financements politiques.
* Ecart de réciprocité avec le PCF
Comme l'UMP, le Parti socialiste échange de l'argent avec d'autres partis politiques, selon des accords électoraux. Le total de ses recettes en provenance d'autres partis était de 89 885 euros en 2008, dont près de la moitié provenaient du Parti communiste.
Selon la CNCCFP, le montant du transfert du PC vers le PS se montait en 2008 à 53 700 euros. Une somme qui correspond à des accords de campagne entre les deux partis dans les Bouches-du-Rhône, lors des municipales de 2008. Mais curieusement, seuls 42 400 euros apparaissent à l'actif du PS en provenance du Parti communiste. Un écart de "réciprocité" qui, selon la Commission, pourrait être dû à des méthodes de comptabilisation différente entre le PC, la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône et le siège national.
"Il s'agit d'une participation aux frais de campagne que le Parti communiste a abusivement identifiée à un don", assure-t-on au sein du PS. Les 11 300 euros débités des comptes du PC sont donc bien entrés dans les caisses de la fédération du Parti socialiste, mais en paiement de quoi ou de quels services ? "Il n'existe pas de traduction comptable", esquive-t-on, rue de Solférino. Deux ans après la campagne des municipales, le PS n'est pas en mesure de fournir une réponse. Pour sa part, la CNCCFP n'a pas pour mission de contrôler les dépenses des partis, mais de s'assurer que l'origine des ressources et que les flux entre partis sont légaux.
Lire : Les 11 300 euros donnés par le PC, non comptabilisés par le PS
* Accords électoraux et réversions
Le reste des dons au PS provient essentiellement de deux petits partis : Aimer Angers, lié au maire PS de cette ville, Jean-Claude Antonioni, avec un don de 20 050 euros. Selon Régis Juanico, trésorier du PS, cette association sert à "avoir un support spécifique pour récolter les contributions des élus de la majorité socialiste de la ville", rendu nécessaire par le fait que la majorité angevine est plus large que le PS.
Une autre association d'élus, l'Union des socialistes pour Midi-Pyrénées, a donné 24 835 euros à Solférino. "La réversion correspond aux contributions des élus PS, l'association ne sert qu'à cela et ne reçoit aucun don de personnes privées, précise Alain Fauconnier, trésorier du parti dans la région et vice-président du conseil régional. Elle nous sert à financer des campagnes locales sans devoir solliciter les instances nationales." Enfin, les Verts ont versé 2 600 euros au PS : la somme correspond à une rétrocession de financement public suite à des accord électoraux en 2008.
* Le PS finance le Parti radical de gauche
L’Agence du service civique, officiellement installée à la fin du mois de mai dernier, a annoncé la semaine dernière avoir recensé 5 000 candidatures. L’objectif pour la première année de 10 000 volontaires engagés dans une mission de six à douze mois au service de la collectivité devrait donc être atteint rapidement. D’ici à cinq ans, le nombre de volontaires pourrait atteindre 75 000 jeunes.
Le nouveau service, porté avec volontarisme par Martin Hirsch depuis son départ du gouvernement en mars dernier, entend donner une cohérence aux divers dispositifs de volontariat mis en place depuis la suspension de l’appel sous les drapeaux en 1997. Il se substitue notamment au service civil volontaire mis en place après la crise des banlieues de l’automne 2005 dans le cadre de la loi sur l’égalité des chances. Le volontariat était alors envisagé comme offrant une seconde chance pour des jeunes en difficulté.
Le nouveau service, qualifié de civique et non plus de civil, envisage le volontariat dans une perspective moins instrumentale : non plus comme un dispositif pour faciliter l’intégration, mais comme une opportunité offerte à tous les jeunes Français de s’engager au service d’autrui et notamment des plus défavorisés. Le volontariat est saisi non plus comme une ultime chance pour ceux que le système social aurait laissés sur le bord du chemin, mais comme une expérience de gratuité fondatrice du lien social et structurante humainement.
Le service civique est une chance pour la génération concernée, mais aussi pour toute la société. Des jeunes de 16 à 25 ans, à travers un temps de volontariat, vont pouvoir faire l’expérience que le mot fraternité, inscrit sur le fronton des mairies, n’est pas qu’une coquille vide mais qu’il trouve son incarnation grâce à des engagements durables au service d’autres, dans la santé, la culture, l’éducation, le sport, l’humanitaire… Le lien social ne se tisse pas autrement que dans la durée et avec l’apport de tous. À charge pour les autorités politiques de garantir la pérennité des dispositifs et de leur financement.
Dominique Greiner
On savait déjà que la guerre menée depuis neuf ans en Afghanistan s'enlisait. Que les troupes déployées se démotivaient. Que les stratèges hésitaient. Que l'objectif de démocratiser ce pays par la force était illusoire. Que le nombre de victimes civiles était imprésentable. Que le Pakistan jouait un jeu trouble. Que les talibans en bénéficiaient. Que, depuis longtemps, la vraie question n'est plus comment gagner mais comment partir. Depuis des mois, voire des années, la presse internationale, notamment américaine, a amplement débattu de ces thèmes. On le savait, mais, dans ce sentiment de marasme largement partagé, le doute subsistait, faute de pièces à conviction.
Depuis dimanche, elles sont là. La publication de 92 000 documents internes aux forces de l'Otan par le site WikiLeaks vient d'ébranler le monde politique et militaire en charge du dossier afghan. Le volume des fuites, inédit à ce jour, impressionne. Leur contenu, aux yeux des spécialistes, beaucoup moins. Il est sans doute moins exceptionnel que les modalités de communication exploitées pour le révéler. N'empêche. C'est une photo sans fard du bourbier afghan qui est décrite dans ces 200 000 pages, de la main même des militaires censés mener le combat.
Depuis deux jours, un précédent est souvent évoqué. Celui de la publication, en 1971, des Pentagone papers qui révélèrent les dessous de la sale guerre menée alors au Vietnam. Ce scoop contribua à convaincre l'opinion américaine de la nécessité de mettre un terme à ce conflit. Mais là s'arrête sans doute la comparaison.
Car, dans le contenu même des révélations, on assista, à l'époque, au déballage des mensonges proférés, durant des années, par les plus hauts responsables de la conduite de la guerre. Les fuites de WikiLeaks sont le fruit de rapports rédigés à un niveau moindre de responsabilité. Elles contiennent, en fait, peu de scoops. Même si la gravité de certains chapitres, sur les opérations commandos des forces alliées et l'occultation du nombre des victimes civiles, est bien réelle.
Une autre différence est essentielle. L'armée déployée en Afghanistan est une armée de professionnels. En Indochine, des millions des conscrits furent envoyés au front. À ce jour, environ mille GI's sont morts sur le sol afghan. Plus de 50 000 périrent sur le sol vietnamien. Pour des millions d'Américains, ce furent la perte d'un père, la vision d'un frère mutilé, d'un fils décoré dans son cercueil. Elles provoquèrent une profonde déchirure ; pas les Pentagone papers.
Sur le plan politique, néanmoins, l'onde de choc provoquée par les fuites publiées dimanche se fait déjà sentir. Barack Obama a dû monter au créneau pour faire voter, mardi soir, une rallonge budgétaire à la mission afghane. Plus de cent élus démocrates ont voté contre, les voix des républicains ont été décisives. À quelques mois des élections de mi-mandat, voici le président américain un peu plus fragilisé. En outre, chez ses alliés, le désir de partir, clairement exprimé il y a une semaine par le britannique David Cameron, est renforcé. Tout comme l'hostilité des opinions publiques.
C'est à Islamabad qu'est la clef du retour ou non des talibans au pouvoir. Et donc de la possibilité ou non de partir. Le double jeu des services secrets pakistanais, avec l'Otan et les talibans, est bien connu. Ce que les fuites peuvent apporter, c'est une volonté nouvelle, au sein de la coalition, de convaincre le Pakistan de jouer un rôle adéquat.
Pour mieux apprendre, faites la sieste
Dans la phase de sommeil «lent», le cerveau, par des processus complexes, mémorise les connaissances et les faits.
On sait qu'une bonne nuit de sommeil est importante pour mémoriser les apprentissages de la journée. Dans la phase de sommeil «lent», le cerveau, par des processus complexes, mémorise les connaissances et les faits. Dans la phase de sommeil «paradoxal» (celle du rêve), le cerveau enregistre plus des apprentissages moteurs, c'est-à-dire les moyens techniques nécessaires à accomplir une tâche. Eh bien, une courte sieste dans la journée, si possible accompagnée d'un rêve, permettrait d'acquérir encore plus facilement certaines connaissances. Pour mieux se souvenir de ce que l'on apprend, le petit somme, serait une bonne habitude de vie, comme viennent de le montrer des chercheurs de la Harvard Medical School de Boston dans des travaux qui viennent d'être publiés dans la revue Current Biology. Pour aboutir à cette conclusion, ces scientifiques ont demandé à des volontaires d'étudier, sur un écran d'ordinateur, les différentes voies d'un labyrinthe tridimensionnel et de trouver le chemin permettant d'atteindre l'arbre central. Puis, les volontaires ont été divisés en deux groupes, les uns vaquant à d'autres activités, les autres s'offrant une petite sieste. Cinq heures plus tard, tous devaient retrouver cet arbre en partant d'un point que les expérimentateurs choisissaient au hasard dans le labyrinthe.
Surprise! Ceux qui avaient fait un somme réussissaient plus vite que les autres à trouver la voie jusqu'à l'arbre. Qui plus est, ceux qui avaient rêvé pendant leur sieste étaient encore plus performants. Les chercheurs ont d'abord cru que c'était le rêve qui permettait une meilleure mémorisation. En réalité il ne serait que le signe d'un processus de mémorisation en cours. Toujours est-il que pour bien apprendre, faites la sieste!
Aide à l'allaitement : la France peut mieux faire
Un rapport remis à Roselyne Bachelot propose une série de mesures pour encourager l'allaitement, notamment un allongement d'un mois du congé de maternité.
La France a beau caracoler en tête des pays européens pour le nombre de naissances par femme, côté allaitement, elle tendrait plutôt à faire profil bas. Même si le taux d'enfants nourris au sein à la naissance progresse ces dernières années de 62,6% en 2003, il est passé à 66,3% en 2007 il reste encore loin de celui des pays scandinaves, de l'Allemagne ou de l'Italie où l'on frôle les 90%. Or, les bienfaits de l'alimentation au lait maternel pour la santé de l'enfant sont reconnus par l'OMS et l'Académie de médecine. Le ministère de la Santé a donc commandé un «plan d'action» au professeur en pédiatrie Dominique Turck, pour se doter d'une réelle politique d'allaitement maternel.
Prolonger le congé de maternité
Parmi les plaintes récurrentes des mères et des associations figure la longueur insuffisante du congé de maternité après la naissance. «Dix semaines, c'est court. Beaucoup se disent : «A quoi bon tenter alors qu'il faudra repasser au biberon dans deux mois ?»», témoigne Dominique Opitz, présidente de La leche league, une association française composée de mères bénévoles qui animent des ateliers sur l'allaitement. Pour répondre à cette préoccupation, le rapport remis début juillet propose d'allonger de quatre semaines le congé après la naissance, une suggestion qui va dans le sens des recommandations de l'Académie de médecine, qui prônait «au moins quatre mois» d'interruption de travail dans un avis rendu en 2009.
Des conseils contradictoires
L'autre point noir souvent mis en avant est le manque d'information. «A l'heure actuelle, le sujet n'est abordé que pendant la préparation à l'accouchement, où une heure est dédiée à l'alimentation générale du bébé. Sinon, il faut prendre l'initiative de se renseigner auprès d'associations, ou avoir la chance de tomber sur du personnel médical qui a le temps d'en discuter», déplore Dominique Opitz. L'information n'est pas seulement difficile à trouver, elle est en outre contradictoire, poursuit la présidente de la Leche league. «Bien souvent, la diversité des discours entendus provoque un profond désarroi chez les jeunes accouchées».
«En France, la majorité des femmes qui cessent de nourrir leur enfant au sein dans les trois premiers mois le font parce qu'elles sont découragées par les difficultés crevasses, engorgements et ne savent pas à qui en parler», confirme Vera Walburg, psychologue et auteur de Une comparaison de mères françaises et allemandes : face à l'allaitement, le travail et le féminisme*. En Allemagne, où le taux d'allaitement à la naissance atteint les 90%, les femmes sont bien mieux informées et suivies. Elles bénéficient notamment des visites quotidiennes d'une sage-femme durant les trois semaines qui suivent la naissance, pendant lesquelles la question de l'allaitement peut-être abordée en profondeur». Le pays a en outre créé dans les années 1990 une Commission nationale sur l'allaitement maternel qui informe de façon homogène tous les acteurs amenés à côtoyer les mères.
Pour répondre à ces préoccupations, le plan d'action du Pr Turck préconise pour sa part de généraliser l'entretien individuel d'information au 4e mois de grossesse, au cours duquel médecin ou sage-femme délivrera des informations «exactes, s'appuyant sur les recommandations nationales». Pendant la deuxième semaine suivant la naissance, les jeunes mères devraient aussi se voir proposer une consultation sur l'allaitement remboursée à 100%,avec un professionnel de santé formé. Le rapport propose également de créer un poste de coordinateur national de l'allaitement, à la tête d'un comité national, pour superviser les actions de promotion, et de nommer un «référent allaitement» dans chaque maternité.
Les crèches épinglées
Mais les mères ne sont pas seules concernées par le manque d'information. Le rapport Turck épingle également les crèches, haltes-garderies ou assistantes maternelles qui refusent de nourrir l'enfant au lait maternel fourni en biberon par la mère c'est possible en respectant certaines règles de conservation - ou d'accueillir celle-ci pour la tétée. Ces structures d'accueil devraient pourtant systématiquement «informer les parents de la possibilité» de poursuivre l'allaitement lors de l'inscription, plaide le rapport.
Plus surprenant, les personnels de santé sont également dans le viseur. «On contraint trop souvent les jeunes mères à abandonner l'allaitement parce qu'elles doivent suivre un traitement, alors qu'en réalité, très peu de médicaments sont contre-indiqués», affirme Dominique Opitz. Sans aller jusque là, le travail du Pr Turck insiste sur la nécessité «d'améliorer la formation initiale et continue des professionnels de santé» sur le sujet.
Contacté par lefigaro.fr, le ministère de la Santé a indiqué qu'il était encore trop tôt pour savoir si ces recommandations seront suivies, et dans quelle mesure. Elles risquent en tout cas d'irriter les femmes qui estiment que la société fait culpabiliser celles qui ne souhaitent pas nourrir leur enfant au sein. Un courant représenté entre autres par Elisabeth Badinter qui, lors de la sortie de son livre Le Conflit, la femme et la mère en février, se disait «inquiète» de la «pression morale (…) pesant sur les femmes depuis 30 ans pour être mères à temps complet». «On interdit de penser la diversité formidable des désirs féminins. Je pense qu'il est plus que temps de rappeler aux futures mères qu'elles doivent suivre leurs envies. Si on vous force à allaiter et que vous n'avez pas envie de le faire, ce sera raté et douloureux».
Le travail d'aujourd'hui tue l'emploi de demain
L'emploi -le chômage, en fait ! -est un problème récurrent de la société française. Quelle que soit la conjoncture économique, le pays a du mal à passer sous la barre des 10 % et, lorsqu'il y parvient, la tendance à la baisse ne se confirme pas sur une longue période. Les économistes ont depuis longtemps fourni toutes les explications, à défaut d'avoir pu proposer des moyens concrets et surtout applicables de sortir de cette situation qui nous distingue de tous nos voisins européens. Certains d'entre eux, l'Espagne notamment, ont une fourchette plus ouverte que celle de la France, mais réussissent de ce fait, en bonne période, à atteindre des situations de quasi-plein-emploi, quitte à retomber brusquement ensuite sur un taux de chômage double du nôtre. Nous échappons en partie à ces soubresauts, mais nous connaissons un chômage endémique ! Parallèlement, un nouveau problème est apparu depuis peu : le travail est devenu psychologiquement difficile, angoissant, « stressant ». Cela conduit une proportion non négligeable de ceux qui subissent cette pression à la maladie professionnelle, voire, dans le pire des cas, au suicide. Ce qui nous paraît à la fois intéressant et troublant, c'est que, si ces phénomènes sont bien connus et largement commentés, rares sont ceux qui font un lien entre les deux. La segmentation de la pensée qui caractérise les modes de raisonnement dominants -par opposition à une approche systémique de la réalité -classe chaque phénomène dans une « boîte » et n'envisage pas de passerelles entre ces « silos mentaux ». Cette forme de fuite devant la complexité de la réalité constitue une limite certaine à la recherche de solutions collectives.
Et pourtant… La question n'est bien sûr pas d'expliquer l'un par l'autre, dans une logique de causalité directe et absolue qui serait un non-sens intellectuel. Elle est de regarder si l'un des phénomènes, la détérioration prononcée du travail, ne rend pas plus compliquée la solution de l'autre, la réduction durable du taux de chômage.
Quelle est en effet la conséquence majeure de la détérioration du travail sur les comportements des salariés ? Pour faire court, elle les conduit à des stratégies de retrait, à un désinvestissement du travail, à la fois émotionnel et en temps, au profit d'un investissement dans d'autres sphères, la sphère privée sous toutes ces formes, où ils peuvent vivre la « vraie vie ». Ce « transfert d'investissement » est bien perçu par les DRH, qui parfois ont du mal à y faire face, soit qu'ils tentent de proposer, à la population cadre en particulier, un « deal » plus attractif, soit qu'ils engagent leurs entreprises dans des politiques de contrôle contraignant qui ne disent pas leur nom, telles que la multiplication des indicateurs de gestion, censés « encadrer » les comportements au travail.
Par ailleurs, ces comportements de retrait face à la dureté croissante du travail rejoignent un phénomène beaucoup moins connu et surtout enfoui sous un accord implicite de toutes les parties concernées pour n'en pas parler, celui des « poches de sous-travail ». Soient tous les secteurs, publics ou privés, dans lesquels le « taux d'engagement » des personnels (c'est-à-dire la proportion du temps passé réellement à travailler par rapport au temps de travail supposé ou officiel) tombe en dessous d'un seuil que l'on peut estimer à 65 %. Ces phénomènes, que nos travaux nous permettent régulièrement d'identifier, n'apparaissent que très rarement au grand jour. Ils sont vécus par la collectivité comme « honteux » et il faut que la Cour des comptes s'en empare - dans le cas des contrôleurs aériens par exemple -pour qu'ils arrivent de façon éphémère sur l'agenda médiatique, avant d'être à nouveau recouverts d'un silence consensuel.
Confrontées à ces problèmes, les entreprises cherchent toutes solutions permettant de réduire leur dépendance vis-à-vis du travail humain. A défaut de pouvoir lutter efficacement -et rapidement -contre ces maux, elles se tournent vers tout ce qui va permettre de maîtriser à nouveau les rythmes de travail, sans avoir à affronter des problèmes sociaux qui viendraient encore compliquer leur situation actuelle. On voit donc réapparaître ici et là du travail à la chaîne, qui oblige le salarié à s'adapter au rythme de celle-ci, perdant ainsi « l'autonomie de son geste » ; notre pays devient progressivement le champion du monde de la mécanisation, comme si la disparition du travail humain au profit du robot était par définition un progrès donc non contestable. La réalité, c'est que la dureté du travail d'aujourd'hui et les stratégies de retrait qui en découlent se cumulent au sous-travail « éparpillé » et contribuent ainsi, dans des proportions qui jusque-là n'ont fait l'objet d'aucune étude, à tuer l'emploi de demain.
FRANÇOIS DUPUY ( CONSULTANT.)
Réconcilier les Français et l'argent : le rêve brisé du président
A l'origine était une ambition pédagogique, éducatrice même. Bien avant que l'affaire Bettencourt ne devienne le principal sujet de conversation de l'été 2010, Nicolas Sarkozy s'était fixé comme ambition majeure de réconcilier les Français avec l'argent, et plus généralement avec la réussite. En 2001, lorsqu'il pose, avec son livre « Libre », le premier jalon théorique qui le mènera à l'Elysée, il dissèque longuement les raisons de l'immobilisme français. L'intention est d'abord politique, puisqu'il s'agit de distiller la nécessité d'une « rupture » avec les années Chirac. Mais pas seulement : Nicolas Sarkozy réfléchit aux moyens de guérir la société française de ses blocages. Il a été aux Etats-Unis, il regarde de près la performance économique de l'Europe du Nord et en ressort frappé par l'exception française que constitue son rapport au succès. « Il n'est pas ressenti ni accepté comme une valeur positive », déplore-t-il dans « Libre ». « Au lieu de mobiliser la société au travers de ceux de ses membres qui ont réussi, on préfère l'exciter contre celui qui a plus que l'autre, sous-entendu parce qu'il a pris, volé ou arraché à d'autres. »
Six ans plus tard, lorsqu'il entre dans la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy n'a rien renié de ces propos : il choisit même d'en faire le coeur de son programme pour l'Elysée. « La République, c'est l'école de l'excellence, pas du nivellement et de l'égalitarisme », clame-t-il lors de son discours d'investiture, le 14 janvier 2007, en invitant les Français à assumer, décomplexés, une société du « mérite », une société où « tout devient possible » - c'est son slogan -, construite pour permettre la réussite de chacun : accession à la propriété facilitée, droits de succession supprimés, heures supplémentaires défiscalisées, bouclier fiscal.
Il sait qu'il bouscule là les Français dans leur culture profonde, alimentée par toute une mythologie politique contre « l'argent qui corrompt, l'argent qui achète, l'argent qui écrase. » (François Mitterrand). Il choisit dès lors deux leviers pour mener à bien son projet éducatif. Celui de la feuille de paie : c'est le « travailler plus pour gagner plus », aiguillon électoral qu'il n'arrivera jamais vraiment à traduire dans les faits. Et celui du modèle. Converti au Storytelling, Nicolas Sarkozy décide de mettre en scène sa propre réussite et de faire de son parcours de « petit Français de sang mêlé » un modèle pour tous. « Vous aussi, vous pouvez vivre l'aventure », lancent ses communicants, en montrant combien leur héros, parti de rien, a puisé aux mêmes sources que ses modèles - persévérance et audace -pour gravir les marches du pouvoir. Nicolas Sarkozy n'a donc aucune raison de cacher sa proximité avec ceux qui se sont « faits à la force du poignet », comme il le dit, qu'ils soient acteurs, sportifs et plus encore entrepreneurs. Au contraire : n'est-il pas devenu modèle à son tour ? Et tant mieux si cela lui permet au passage d'afficher une « rupture » avec l' « hypocrisie » du pouvoir vis-à-vis de l'argent.
Est-ce d'avoir ainsi affiché son propre rapport décomplexé à l'argent que paie aujourd'hui Nicolas Sarkozy dans l'opinion ? Si tel est le cas, cela ne s'est pas produit en un jour. Au départ, l'opération a eu un effet plutôt stimulant, y compris lors des premières polémiques sur le Fouquet's et le yacht de Bolloré. Si la presse s'enflamme, les Français ne semblent pas en vouloir au président. « Ils n'étaient pas vraiment convaincus sur le fond, mais étaient prêts à parier sur la force d'entraînement du nouveau président. D'ailleurs, à ce moment-là, le moral économique des Français s'inverse, il devient positif », relève Gaël Sliman, directeur de BVA Opinion. « Ce n'est qu'en 2008, lorsqu'ils constatent l'absence de résultats, qu'ils commencent à se retourner, poursuit-il, le "bling bling" n'intervient qu'en second, comme une mauvaise cerise sur un mauvais gâteau. »
Les Français restent peut-être d'incurables rétifs à la réussite. Il est probable que la crise économique ait rendu intenables des attitudes tolérées en d'autres circonstances. L'affaire Woerth-Bettencourt a peut-être également joué, par les montants avancés, le rôle de goutte d'eau faisant déborder le vase. Mais une chose est sûre : le bel objectif de départ semble loin d'être atteint. Tout se passe comme si l'allergie des Français à ce qui leur apparaît comme une collusion entre la politique et l'argent se trouvait aujourd'hui décuplée. Avec une question à la clef : Nicolas Sarkozy va-t-il, peut-il, continuer son travail de réconciliation ? Le 12 juillet, à la télévision, il est apparu pour la première fois un peu en retrait sur sa thématique de prédilection, affirmant : « Je me méfie autant des gens qui idolâtrent l'argent que de ceux qui le détestent. »
CÉCILE CORNUDET EST GRAND REPORTER AUX « ECHOS ».
Dissuasion nucléaire
L'Elysée vient de dégainer l'arme nucléaire. En menaçant Areva d'une prise de contrôle rampante par EDF, l'exécutif a placé un pistolet sur la tempe du management du géant français de l'atome. « Entendez vous avec EDF ou sinon l'électricien deviendra votre actionnaire de référence », « devenez de véritables partenaires ou vous serez relégué au rang de filiale-fournisseur plus ou moins indépendante » : voilà en substance le message que Nicolas Sarkozy vient de faire passer à Anne Lauvergeon, la patronne d'Areva. Car, même s'il n'est pas question qu'EDF rachète le fabricant de centrales, l'idée évoquée est bien de faire de l'électricien dirigé par Henri Proglio le deuxième actionnaire d'Areva - derrière le Commissariat à l'Energie atomique. Une montée en puissance qui réduirait forcément la marge de manoeuvre d'un groupe qui, jusque-là, a bénéficié d'une forte autonomie. Avec actuellement 2,4 % du capital d'Areva, EDF ne pèse guère sur les décisions du groupe. Avec 10, 15, voire 20 %, il aurait plus que son mot à dire.
Même s'il est peu compliqué à mettre en oeuvre - dans la mesure ou l'Etat comme le CEA peuvent chacun céder une partie de leurs actions à EDF -ce schéma soulèverait cependant autant de difficultés qu'il permettrait de résoudre de problèmes. Certes, l'« équipe de France » se trouverait à terme plus unie et l'autorité du capitaine, EDF, serait incontestable. Dans l'Hexagone, comme à l'international, l'équipe serait ainsi dans bien des cas plus efficace.
Mais ce n'est pas parce qu'un couple se retrouve marié que les querelles disparaissent instantanément. Au contraire, à court terme, une union sous la contrainte risquerait même de déboucher sur une guerre de tranchées. De plus, même si EDF est le premier client d'Areva, il est loin d'en être le seul. Bien d'autres énergéticiens, le plus souvent concurrents d'EDF, se fournissent eux aussi auprès d'Areva. Auraient-ils envie de contribuer aux résultats d'un groupe dont un rival serait l'actionnaire de référence ? Si Air France était au capital d'Airbus, Easyjet n'achèterait sans doute que des Boeing. Pour EDF même, une montée au capital d'Areva n'aurait pas que des points positifs. Une prise de participation significative immobiliserait en particulier des capitaux dont l'entreprise a besoin par ailleurs.
Plutôt que d'en passer par une solution ayant, à première vue, autant d'inconvénients que d'avantages, les deux groupes feraient mieux de se plier aux exigences de l'Etat. Ils devraient en finir avec les stériles batailles de pouvoir et d'ego et accepter de travailler réellement main dans la main. Ils répondraient ainsi non seulement à leur propre intérêt mais également à leur intérêt commun. Car comme l'histoire l'a démontré, EDF et Areva ne se sont jamais aussi bien portés que quand ils collaboraient efficacement.
L'Etat a décidé de manier l'arme nucléaire pour faire passer son message. Mais une telle arme a vocation à être avant tout dissuasive.
DAVID BARROUX
Une chance sur mille qu'un gros astéroïde frappe la Terre d'ici 2182
ESPACE - Il serait assez massif pour détruire une ville comme Paris...
Les Mayas et Roland Emmerich ne savent pas compter: la fin du monde, c'est pour 2182, et pas 2012. Enfin pas vraiment. La probabilité que l'astéroïde 1999 RQ36 frappe la Terre à cette période approche les 1 sur 1.000, selon des scientifiques européens emmenés par l'Espagnole Mar Eugenia Sansaturio, de l'Université de Valladolid. C'est nettement plus que la précédente alerte (1/250.000 pour l'astéroïde Apophis, en 2036)
Faut-il paniquer? Pas tout de suite. D'abord, l'astéroïde ne fait «que» 560 mètres de diamètre. Assez gros pour détruire une ville comme Paris ou créer un joli tsunami s'il tombe dans l'océan, mais pas pour causer l'extinction de toute une espèce. L'astéroïde Chicxulub, principal suspect pour expliquer la disparition des dinosaures, mesurait a priori plusieurs kilomètres.
Le dévier?
Si le gros caillou menaçait vraiment la Terre, deux solutions: le dévier ou le découper. Au printemps dernier, des scientifiques ont expliqué que faire exploser un tel astéroïde comportait un risque majeur: que les charges explosives ne soient pas assez fortes et qu'il se reforme en quelques heures, du fait de la force d'attraction gravitationnelle.
Mais plutôt que de compter sur des percées scientifiques, la priorité, selon elle, est d'améliorer notre capacité à prévoir avec précision la trajectoire de ces objets, pour l'instant limitée à environ 80 ans. Sinon, il reste toujours la possibilité de cryogéniser Bruce Willis et de le réveiller le moment venu.