TOUT EST DIT

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samedi 31 juillet 2010

Le silence du grenier vide

Les pluies insuffisantes suscitent de mauvaises récoltes. Les mauvaises récoltes ne remplissent pas assez les greniers. Et les greniers vidés trop vite et trop longtemps avant la récolte suivante provoquent la disette... Ce cycle brutal s'est hélas reproduit au Mali, au Tchad, en Mauritanie et tout particulièrement au Niger. Des centaines de milliers de familles souffrent de malnutrition.
Si l'on en parle en ce moment, c'est parce que notre été (qui à Bamako correspond à la saison des pluies) coïncide avec la période de soudure entre deux récoltes de mil ou de sorgho, deux céréales qui, là bas, sont au cœur de l'alimentation rurale. Quand elles manquent ou sont vendues trop cher, le Sahel est à la peine.
La crise ne se résume pas à de mauvaises conditions climatiques. Il peut y avoir crise alimentaire alors que des stocks existent. La spéculation orchestrée par les usuriers, les carences dans les réseaux de distribution, la gestion calamiteuse des réserves sont aussi ravageuses qu'une mauvaise saison des pluies.
Les États jouent insuffisamment leur rôle régulateur, ce qui accélère l'exode rural, renforce le poids des importations et accroît les dépendances.
Le cynisme serait de se rassurer en se disant que l'on n'en est heureusement pas au niveau catastrophique de la grande sécheresse des années 1970-75. C'est exact, mais cette comparaison ne doit pas mener à l'inaction. La malnutrition est moins spectaculaire, moins tragique que la famine, mais ses conséquences à long terme ne sont pas moindres. Un bébé mal nourri sera entravé dans sa croissance physique et mentale, avec un risque d'altération de sa scolarité et donc de sa capacité à s'insérer efficacement dans le monde du travail. Les malnutritions à grande échelle d'aujourd'hui peuvent être les crises sociales ou les carences de demain.
Cette crise est par essence une crise de la pauvreté. Dépourvues de revenus, privées des mécanismes compensateurs semblables à ceux que nous connaissons en France grâce aux allocations sociales, les familles modestes du Sahel sont en première ligne de la précarité mondiale. L'amortisseur politique n'est pas une spécialité africaine. Raison de plus pour que la solidarité se mette en marche. La solidarité nord-sud, bien entendu, mais également, là où elle est possible, la solidarité sud-sud. Car à côté de la très grande pauvreté apparaît une Afrique émergente qui ne doit pas s'exonérer du devoir d'entraide.

Dominique Jung

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