TOUT EST DIT

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samedi 12 juin 2010

Nelson et Zenani

Le héros de la fête, ce devait être lui. Une énergie inoxydable. Une endurance à toute épreuve. Un visage de rides et de rires, symbole de luttes et de défis. Mais l'icône de la liberté, qui s'est tant battue pour que son pays organise la Coupe du Monde de football, n'était pas là hier, lors du coup d'envoi des cérémonies, au stade de Soccer City de Johannesburg. Une absence qui aurait pu être justifiée par son âge : l'homme que l'on a simplement entendu lire un message aura, en effet, 92 ans le 18 juillet prochain. Mais c'est une autre raison qui a privé la foule et les caméras de l'apparition du vieux lion dévoreur de l'apartheid. L'une de ses arrière-petites-filles, Zenani, 13 ans, avait trouvé la mort, au cours de la nuit précédente, dans un accident de la route provoqué par un chauffeur ivre. Le genre de fait-divers, hélas si banal, qu'il n'aurait pas fait trois lignes dans la presse en temps "normal" et qui, tout à coup, venait s'inscrire en dramatique surimpression d'un événement sportif planétaire. Oserons-nous dire, nous qui avons tous été attristés en apprenant la nouvelle, qu'il y avait aussi quelque chose de presque rassurant dans cette suprématie de l'émotion ? Que la disparition d'une fillette vienne bouleverser, ne fût-ce que quelques instants, le fier ordonnancement d'une manifestation où l'arrogance le dispute au culte de l'argent et de l'exploit, nous ramenait un peu sur Terre. Et lorsque, ensuite, les dieux du stade sont bruyamment entrés en lice - "Bafana Bafana" contre Mexicains, puis Urugayens contre Bleus -, nous étions quelques-uns à ne pas pouvoir chasser de notre esprit l'infime part d'intimisme venue troubler, au premier jour, le gigantisme du "business-show". Le chagrin d'un aïeul. La trace céleste d'un ange. Le silence de Nelson. L'envol de Zenani.

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