Le rachat du Monde, le plus prestigieux des journaux français, a pris une dimension politique vendredi, avec la révélation que le président Nicolas Sarkozy, souvent accusé de s'ingérer dans le domaine des médias, avait tenu à faire connaître ses préférences sur le repreneur.
"Qu'il y ait un regard politique, cela a toujours été le cas. Depuis 1944 (NDLR: date de la création du Monde), il y a toujours eu un regard du pouvoir et ça ne va pas changer", a déclaré à l'AFP le directeur du Monde Eric Fottorino.
Le directeur du Monde a successivement reçu un coup de téléphone du président de la République avant d'être reçu cette semaine à l'Elysée.
"Je confirme qu'on s'est parlé et qu'on s'est rencontrés", a dit M. Fottorino, refusant toutefois de révéler ou de commenter la teneur de leurs conversations.
Le Monde cherche un repreneur qui devra massivement recapitaliser un groupe fortement endetté. Les montants avancés sont estimés entre 80 et 120 millions d'euros.
Vendredi soir deux offres avaient été déposées, l'une de Claude Perdriel, propriétaire du groupe Nouvel Observateur (centré autour du newsmagazine du même nom), l'autre d'un trio composé de l'homme d'affaires Pierre Bergé, du banquier d'affaires Matthieu Pigasse et du président de l'opérateur de télécommunications Free, Xavier Niel.
L'Espagnol Prisa (déjà actionnaire du Monde, propriétaire du quotidien espagnol El Pais) s'est aussi montré intéressé, mais a demandé davantage de temps. La date limite de remise des offres fermes sera arrêtée définitivement lundi, a indiqué vendredi Le Monde.
Questionné sur une politisation du dossier, le directeur du Monde souhaite "ne pas vouloir alimenter une polémique". "Je ne veux pas entrer dans quelque chose en plus qui pourrait laisser penser que je veux favoriser telle ou telle candidature" à la recapitalisation du Monde, a-t-il dit.
Il a cependant expliqué à la rédaction du Monde que M. Sarkozy lui avait dit que l'offre de reprise déposée par Pierre Bergé, Matthieu Pigasse et Xavier Niel ne trouvait pas grâce à ses yeux.
Du coté de l'Elysée, le silence était de mise vendredi. Le président français entretient une relation complexe avec les médias, où il dispose d'un important réseau, tout en étant la cible de nombreuses critiques.
Interrogé sur cette intervention politique, Gilles Van Kote, président de la Société des Rédacteurs du Monde (actionnaire de référence du journal), a répondu: "J'espère que cet interventionnisme se limitera à cela. Je pense que ce n'est pas le rôle de l'Elysée de se mêler de cette affaire qui concerne une entreprise française privée".
"On peut comprendre que Le Monde a une valeur symbolique forte, que c'est la presse écrite qui est considérée comme ayant une certaine influence", a-t-il confié à l'AFP. Mais selon lui, "vouloir faire pression sur le directeur du Monde est tout à fait intolérable".
"Si j'ai bien compris, le président de la République a exprimé un rejet d'une des candidatures, celle du trio Pigasse-Berger-Niel. Or, connaissant les journalistes, il n'y pas meilleure façon de les faire voter pour une candidature que de dire : +Je n'en veux pas+", a estimé M. Van Kote.
L'ancien ministre de la Culture et de la Communication, le socialiste Jack Lang, a considéré qu'en matière d'intervention "la ligne de crête est difficile à définir, le pouvoir politique ne peut être indifférent à l'avenir d'un média ou de la presse en général".
samedi 12 juin 2010
Le rachat du Monde prend un tour politique avec une intervention de Sarkozy
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