L'homme est un grand enfant. Que se présente une occasion de récréation et, oubliant ses obligations quotidiennes, ravi de quitter son costume d'adulte apparemment raisonnable, il saute avec allégresse dans la brèche comme un gamin sur un jouet. Et quel jouet plus collectif qu'une Coupe du monde de football qui offre à la planète l'occasion de se griser de ce sentiment limpide qu'est un espoir de victoire ?
S'enthousiasmer, exulter, pleurer, crier, huer (et parfois brailler) fait un joli prélude aux vacances ; c'est une anticipation gourmande des libertés estivales. Du défoulement brut, mais admis, autorisé, encouragé par l'ampleur de l'événement. Le Mondial est une fête labellisée, accessible à tout un chacun même sur l'écran le plus tremblotant.
Le football est une passion si furieuse qu'il y a quelque chose de primitif -et parfois d'inquiétant- dans ce choc des fiertés nationales où il est convenu que chacun prend parti pour l'équipe de son pays comme si elle était nécessairement son émissaire, son représentant, son délégué personnel. Marquer un but est une jouissance de drapeau.
Les émotions sont les ferments du Mondial. Elles en font le sel, en sont la justification. Alors que les Jeux Olympiques font semblant de croire que l'essentiel n'est pas dans le triomphe mais dans le fait de s'être bien battu, le Mondial, plus viscéral, moins sophistiqué (et sans doute plus sincère), ne connaît qu'un critère, la victoire.
Seule la victoire est jolie. Elle balaie toute rationalité. Que Domenech perde et il sera fouetté. Qu'il se découvre une âme de Jacquet et il sera loué, encensé, adulé. Et fêté. La fête finale est le vrai but du Mondial. Elle seule permet de se hisser tout en haut de l'échelle des émotions. C'est ce qui fait courir joueurs et supporters.
Quand on siffle une équipe qui perd, on lui en veut d'abord de nous priver de la liesse de la victoire. La défaite a un goût intolérable de frustration. Le grand enfant qu'est l'homme n'aime pas qu'on lui casse son jouet. Et il aime encore plus faire le malin. Quand il crie "on a ga-gné, on a ga-gné", il entend au fond de son coeur "je suis le plus fort". Il s'en persuade et s'en délecte. Cela le rassure. Car la victoire est un bonheur et le bonheur est un antidote inestimable par temps de crise, - n'importe quel Sarkozy vous le dira !
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