TOUT EST DIT

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jeudi 6 mai 2010

L'Europe à un tournant


En observant les violences perpétrées, hier, dans le centre d'Athènes, qui ont provoqué la mort de trois employés de banque, on pourrait être tenté de relativiser les faits. Ces débordements sont l'oeuvre d'une minorité violente, traditionnellement très active dans les manifestations grecques. La foule présente dans les rues n'était d'ailleurs pas si imposante, et la population grecque semble, pour l'heure, plus déprimée et amère que mobilisée. Tout cela est peut-être vrai. Et pourtant, le signal qui nous arrive d'Athènes est, évidemment, tout autre.

L'explosion de la violence montre que la crise n'est plus seulement affaire de financiers, de banquiers et de politiques. Avec les prêts accordés à la Grèce et le plan de rigueur élaboré par Athènes, la crise vient d'atterrir brutalement dans l'économie réelle et le tissu social d'un pays membre de la zone euro. La Grèce est probablement le malade le plus grave de la classe européenne, mais il n'est pas le seul. Les déficits publics sont partout inquiétants. Si à Londres, à Berlin ou à Paris on a tout fait depuis des mois pour ne pas parler de rigueur, essentiellement pour des raisons électorales, le moment de vérité se rapproche à grande vitesse. C'est ce qui inquiète dans l'image reflétée par le miroir grec.

Toutefois, le parler vrai, chacun pour soi, chacun dans son pays, ne suffira pas. Car si la crainte d'une contagion de la crise grecque est si ressentie par les marchés, et les ministres européens des Finances, c'est essentiellement pour une raison : le déficit politique de la réponse européenne à la crise. Ce n'est pas la première fois. En 1974, lors du premier choc pétrolier, la tentation du chacun pour soi avait déjà secoué la dynamique européenne. Mais dans une Europe à neuf et, à l'époque, sans une monnaie unique.

Aujourd'hui, l'architecture incomplète qui a accompagné la création de l'euro a non seulement montré ses limites, mais elle menace jusqu'à la stabilité même de l'Union si aucune réforme n'y est apportée. Annoncée avant Noël, la crise grecque n'a été sérieusement traitée qu'après des mois d'hésitations. Un retard coûteux et qui a eu pour effet, selon Jacques Delors, de « raviver la spéculation et nourrir l'euroscepticisme ». La chancelière allemande n'est pas la seule responsable, mais ses tergiversations ont pesé lourdement sur la nature et le timing de la réaction.

Au demeurant, et c'est une évidence, si les Européens eux-mêmes n'ont pas confiance dans leur partenaire grec, pourquoi les marchés devraient-ils en avoir? Absence de politique fiscale commune, paralysie de la Banque centrale européenne, absence d'un fonds de solidarité, pas de coordination budgétaire. Trop d'attributs de la souveraineté économique manquent à la zone euro pour résister durablement à la crise et aux spéculateurs. Et l'équation, à dette souveraine réponse seulement nationale, ne tient pas. Ni à Athènes ni ailleurs.

Angela Merkel l'a compris et c'est sur un ton inhabituellement solennel qu'elle s'est adressée, hier, aux députés allemands pour les convaincre du plan d'aide à la Grèce alors qu'une majorité d'Allemands y sont opposés. « L'avenir de l'Europe et l'avenir de l'Allemagne en Europe », sont en jeu, a-t-elle déclaré. Réunis à Bruxelles vendredi, les seize membres de la zone euro vont devoir changer de posture. Ne plus seulement réagir au coup par coup et toujours sur la défensive, mais redonner du sens au club européen. Paris et Berlin ont, à cet égard, une responsabilité particulière.
Laurent Marchand

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