Les économies contemporaines sont assises sur une montagne de dettes. En France, elle représente plus de trois fois la valeur de ce que nous produisons annuellement. Des dettes publiques (1.500 milliards fin 2009), bien sûr, contractées par l’Etat et les organismes de protection sociale pour combler leurs déficits. Mais aussi des dettes privées, contractées par les entreprises (2.000 milliards fin 2008), les organismes financiers (2.300 milliards) ou les ménages (1.000 milliards). Tout le monde emprunte en promettant de rembourser demain, et cela fait tourner la machine économique.
Jusqu’à présent, les dettes privées étaient jugées moins sûres que les dettes publiques. Rien ne dit en effet que l’entreprise ou le ménage pourront honorer leur parole. En revanche, l’Etat a toujours le pouvoir de lever l’impôt et de forcer ainsi le contribuable à payer. Dans les pays développés, le risque qu’un Etat fasse défaut était, jusqu’ici, à peu près nul. Mais avec la crise de l’euro, ce n’est plus le cas.
Le peu de croissance économique dans les pays européens tient presque partout au déficit public, qui gonfle la demande grâce aux emprunts. Les prêteurs commencent à douter : les remboursements de demain devront être financés par de nouveaux emprunts faute de pouvoir l’être par une croissance trop faible. On sait, depuis Madoff, où cela mène: à la faillite. Alors l’euro plonge, plombé par la dette publique, devenue potentiellement douteuse.
La solution existe, pourtant. C’est l’inflation. Des millions de Français, dans les années 1960 ou 1970, ont remboursé en monnaie de singe les emprunts grâce auxquels ils avaient acheté leur logement. Entre 1950 et 1980, la grande éponge de l’inflation a permis à la France de se moderniser et à l’Etat d’effacer ses dettes: avec 5% d’inflation par an, les 1.500 milliards d’euros de dettes publiques ne vaudraient plus dans dix ans que 900 milliards d’aujourd’hui. La Banque centrale européenne, en décidant de racheter les titres publics devenus douteux, s’apprête au fond à financer les besoins des Etats par de la création de monnaie - donc, à terme, par l’inflation - plutôt que par l’emprunt. Les créanciers paieront: chaque année leurs titres se déprécieront.
Immoral? Peut-être. Mais préférez-vous les solutions alternatives que sont les baisses de salaires, le chômage croissant dans une économie décroissante et, pour finir, l’appauvrissement de tous?
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