TOUT EST DIT

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dimanche 23 mai 2010


Avec modération

Est-ce la signature d'une époque définitivement raisonnable ? Dans un sondage paru cette semaine, une nette majorité de Français (58 %) se prononcent en faveur de l'interdiction pure et simple des apéros géant Facebook. Même les abonnés aux réseaux sociaux sont partisans d'une logique de prohibition. Et même les jeunes affichent une position plus radicale que celle de Brice Hortefeux ! Serait-on sérieux, désormais, quand on a 17 ans ?
La crainte l'emporte sur le sentiment. La prudence, sur l'élan. Ces rassemblements spontanés sont jugés « sympathiques » et « conviviaux » mais cet a priori positif ne résiste pas à la certitude qu'ils sont surtout « dangereux ». Comme le rappel à l'ordre d'une conscience grave et désenchantée. La hantise des débordements d'une foule incontrôlée tourne parfois au ridicule quand, comme à Strasbourg, vendredi soir, elle mobilise les forces de l'ordre au-delà du raisonnable au nom de la prévention d'une soirée... qui n'a existé qu'en rumeur...
Il y a eu le drame de Nantes, certes, mais d'autres apéros géants se sont bien passés, et bien terminés, il faut quand même le rappeler. Mais, c'est vrai aussi, il faudrait être de mauvaise foi pour minimiser les risques réels de telles manifestations. Pas de naïveté : il ne s'agit pas simplement d'une immense fête de voisins. On ne prévoit pas de réunir des milliers de personnes sur la place Broglie sans imaginer de possibles dérapages. Dégradation de mobilier urbain, déchets, vitrines explosées, malaises : le lot de nuisances potentielles est connu, et on peinera à trouver le moindre romantisme rimbaldien dans les beuveries générales ou le vandalisme des casseurs.
Faut-il pour autant renoncer définitivement au concept de ces invitations ouvertes en pleine ville ? Tirer un trait sur cette forme de liberté collective, au prétexte qu'elle serait condamnée par ses excès ? C'est la question qui est posée aux autorités... et à laquelle elles se gardent bien de répondre par une intransigeance théorique. Chacun pressent - et c'est une contradiction mise au jour par les enquêtes d'opinion - que de tels événements monstres, quelles que soient leurs formes, seront de plus en plus nombreux. Il y aura sans doute du monde ce soir au Champs-de-Mars et rien ne pourra vraiment l'empêcher.
C'est un phénomène irrésistible : de plus en plus nos sociétés modernes voudront instinctivement échapper à l'enfermement et aux solitudes que leur promettent les face-à-face avec les écrans d'ordinateur, et la désincarnation de la communication virtuelle.
Alors, il faudra sans doute trouver des compromis qui ne sont rien d'autres que des règles du jeu civilisées. Conditionner ces apéros à un encadrement organisé, strict et professionnel, ce n'est pas les étouffer. C'est préserver l'esprit qui les anime et leur garantir le meilleur : la rencontre.


Olivier Picard

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