La patronne du PS ne veut pas répondre au directeur général du FMI, qui récusait jeudi le "dogme" de la retraite à 60 ans.
Elle ne voulait pas le regarder, juste se le faire raconter ensuite par ses « veilleurs » habituels. Mais quand elle a lu la dépêche AFP à 20 h 30, Martine Aubry a changé d’avis et s’est postée devant sa télé. La patronne du PS a préféré écouter elle-même Dominique Strauss-Kahn s’affranchir du "dogme" de la retraite à 60 ans. Et elle a appelé immédiatement le porte-parole du PS, Benoît Hamon, qui était sur le plateau de France 2 face au ministre du Travail, Eric Woerth. "Ne te laisse pas faire, l’âge légal n’est pas un dogme, mais un droit, une garantie, une liberté et une justice. Le dogme est une théorie, nous, nous sommes réalistes."
Et Aubry a redéroulé à son porte-parole l’argumentaire qu’elle déploie depuis des semaines: une grande part des salariés a déjà cotisé plus de 41 années avant d’atteindre ces fameux 60 ans, beaucoup se sentent usés à cet âge fatidique et deux tiers des salariés sont au chômage entre 55 et 60 ans. Benoît Hamon connaît tous ces chiffres par cœur. Il est lui aussi très attaché au symbole de l’âge légal de départ à la retraite, et sait ce qu’il incarne pour le peuple de gauche.
Ce jeudi soir, Razzy Hammadi accompagnait son ami Benoît dans les coulisses d’A vous de juger. Secrétaire national au service public, Hammadi avait participé, il y a deux semaines, à un meeting sur les retraites organisé par la Fondation Copernic aux côtés de la Verte Cécile Duflot, de Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon et Olivier Besancenot. Hier, Razzy Hammadi confiait au JDD: "On ne défend pas un dogme mais une réalité que la majorité des Français connaissent", ajoutant en soupirant, "d’ici à ce qu’on vive jusqu’à 100 ans, de l’eau aura coulé sous les ponts". Autant pour DSK, qui avait sorti sur le plateau l’argument des 100 ans d’espérance de vie…
Voici donné le signal de l’opposition à Strauss-Kahn au cœur même de son parti? "Il existe un anti-strauss-kahnisme de gauche, en dehors du PS, et qui est en train de monter, et que ces déclarations sur les 60 ans vont alimenter", reconnaît Pierre Moscovici, qui souhaite une candidature de DSK à l’Elysée. Au PS même, l’opposition frontale au très populaire patron du FMI n’est pas encore de mise. Mais on sent que la gauche du parti n’est pas très à l’aise. "On n’avait pas besoin que Strauss-Kahn, qui nous demande de le laisser travailler, vienne mettre un petit coup de canif à notre boulot sur le projet socialiste qu’on est en train d’écrire", se désole Pouria Amirshahi, autre proche d’Hamon.
Moscovici s’interroge sur l’utilisation possible du thème des 60 ans par Martine Aubry, si elle devait affronter DSK. Interrogation prématurée, ou vaine. La patronne du PS et ses proches minimisent le désaccord ramené au rang de "buzz journalistique", et ne veulent surtout pas faire de Strauss-Kahn un martyr du modernisme face aux ringards attachés à l’âge légal. Ils tiennent juste à faire remarquer que personne, y compris chez les proches de DSK, n’a remis en cause la retraite à 60 ans, dans le parti comme dans les médias.
Le document adopté mardi soir en bureau national stipule "le maintien de l’âge légal de départ à 60 ans, car c’est une garantie pour ceux qui ont atteint leur durée de cotisation, c’est une protection pour les salariés usés par le travail et qui souhaitent partir, et c’est une liberté de choix pour tous les Français". Le texte a été adopté à l’unanimité, moins trois abstentions, celles de Malek Boutih, Gérard Collomb et Manuel Valls, Les déclarations de Strauss-Kahn tombent au pire moment, mais la direction du PS préfère jouer sur l’ambiguïté même des mots et de la situation de DSK. Il a 61 ans, explique-t-on, et il est loin, loin de la réalité sociale de la France…
En contraste, insiste-t-on, Aubry (59 ans) se veut résolument proche des Français. Elle ne veut pas ouvrir la guerre avec DSK, elle qui ne sait toujours pas si elle sera candidate, et qui, surtout, passe son temps à panser les plaies des socialistes en mal d’ego. Elle se refuse dogmatique, mais se revendique réaliste et surtout aux côtés des gens, des salariés qui sont fatigués à 60 ans. Mercredi dans son bureau rénové de la rue de Solferino, Aubry recevait les journalistes pour assurer le service après-vente de sa réforme des retraites. Elle précisait sans coquetterie: "Je vais avoir 60 ans cette année, je vois des femmes dans le textile dans le Nord qui ont mon âge et qui font dix ans de plus." C’est à elles et à tous les autres salariés fatigués que la patronne du PS veut penser, au moment où le gouvernement, veut revenir sur le "dogme" des 60 ans.
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