Un démenti trop insistant ressemble souvent au commencement d'un aveu. « L'euro n'est pas en danger » : la formule a été tellement répétée tout au long de la semaine par les dirigeants européens et jusque dans la bouche du directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, qu'elle traduit une réelle anxiété devant la capacité de la monnaie unique à résister à la tempête.
Pour la première fois depuis 2002 elle échappe aux débats d'experts pour redevenir un sujet de conversation courante dans l'opinion. Paradoxalement, c'est au moment où elle semble affaiblie que les Européens se l'approprient vraiment. Comme si la menace qui pèse sur elle stimulait les sentiments à son égard.
Bien sûr, le fantasme du retour aux monnaies nationales resurgit. Même s'il ne s'appuie sur aucune réalité, il entretient quelques nostalgies. Ne matérialise-t-il pas la revanche, peut-être provisoire, des sceptiques ? L'abandon de souveraineté que représentait l'avènement de l'euro fut un tel prix à payer pour l'avenir de l'Union qu'il cristallise aujourd'hui bien des rancoeurs et cimente les critiques contre un outil beaucoup plus fragile que ne l'avaient prétendu ses promoteurs.
Il devait être un instrument de puissance pour le rêve européen et le voilà ballotté par les appétits des spéculateurs. Décevant destin. Lui qui incarnait l'unité laborieuse mais résolue d'un continent s'est transformé en un symbole de complexité... et d'inégalité. Sa crise de croissance met cruellement au jour les contorsionnismes d'une construction si complexe qu'elle vacille sous les assauts de l'histoire. L'Europe n'a jamais semblé aussi diminuée dans le rééquilibrage du monde qui caractérise ce début de XXIe siècle.
DSK vise juste quand il met en avant les risques d'un euro malade, bien plus certains que ceux d'un euro éclaté. La vulnérabilité face au marché représente bien davantage qu'une épreuve économique passagère. Elle érode du même coup le symbole européen tout entier en laissant derrière elle le souffle amer du déclin.
C'est en faisant douloureusement leurs comptes que l'Allemagne et la France mesurent, pourtant, tous les avantages de la monnaie unique. Il a fallu qu'on envisage le péril d'une disparition pour qu'on s'aperçoive à quel point elle serait tout simplement impossible. Une preuve par l'absurde qui oblige tous les membres de la zone euro à avancer, et à sortir du piège par le haut.
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