François Fillon a de l'avance. Il ne veut pas qu'on parle d'austérité mais son personnage public l'incarne déjà, sans forcer sa nature, et depuis longtemps. Qu'on ne compte pas sur lui pour célébrer, aujourd'hui, l'anniversaire de ses trois ans à Matignon ! Ce n'est pas le genre de ce Premier ministre réservé, prototype de l'anti-bling-bling.
Le chef du gouvernement aurait pourtant de bonnes raisons de mettre les drapeaux aux fenêtres. En quelque sorte, c'est un miraculé. Après avoir théorisé sur la disparition du poste de Premier ministre, il personnalisa, une fois en fonctions, la mise en pratique de ce principe. L'hyperprésidence de Nicolas Sarkozy ne lui laissa rien, ou presque, de la conduite de la politique de la Nation qui lui est pourtant dévolue par l'article 21 de la Constitution.
Il s'accommoda bon gré mal gré de cette relégation moins facile à vivre qu'à imaginer. Entendre le chef de l'État parler de lui comme d'un « collaborateur » ne fut pas indolore. Mais tous comptes faits, cet effacement imposé eut des avantages. Pour la première fois depuis le début de la Vème république, c'était le Premier ministre qui était à l'abri du Président de la République et non l'inverse. Sans pouvoir réel, il était aussi sans responsabilités, et cette distance avec les décisions de l'Élysée le protégea de l'impopularité croissante du pouvoir.
Il n'a pas été un fusible. Il est aujourd'hui un recours. Par petites touches, il a su en effet montrer sa différence, et son caractère. Dès septembre 2007, c'est bien lui qui, le premier, parla d'un État « en quasi faillite » et des conséquences qu'il devait en tirer, provoquant au passage la fureur de l'Élysée. Il rentra docilement dans le rang mais ne manqua plus une occasion de rappeler que la France vivait largement au-dessus de ses moyens. Pour l'opinion, ce Cassandre avait du courage, même si cette vertu ne le poussait pas jusqu'à la démission.
Aujourd'hui, en pleine crise, il est dans son élément. Après avoir avalé tant de couleuvres, pleinement restauré dans la plénitude de ses fonctions par un président décidé à prendre du recul par rapport à l'action quotidienne pour être candidat en 2012, il savoure sa revanche en silence. Son départ de Matignon, si souvent programmé, n'est plus à l'ordre du jour.
Et c'est au moment où le voilà enfin en première ligne qu'il hésite à assumer son discours en endossant jusqu'au bout des manches les habits de Père-la-Rigueur ! Le mot est tabou en effet. Assez grotesquement, le gouvernement et son chef préfèrent jouer sur les mots en parlant de politique « rigoureuse » quand une très large majorité de Français (Opinion Way/Le Figaro) identifie clairement une « politique de rigueur ». En vieux professionnel de la politique, François Fillon n'a pas élevé son goût de la transparence jusqu'à remiser cette langue de bois qu'il pratique aussi avec brio.
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