TOUT EST DIT

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lundi 17 mai 2010

Mariage de raison à Londres


Après treize années de gouvernement travailliste, une coalition singulière entre la droite (les conservateurs) et le centre-gauche (les libéraux-démocrates) gouverne la Grande-Bretagne. Ce principe d'une coalition, résultat d'une absence de majorité claire au Parlement, s'impose pour la première fois depuis 1945.

Le nouveau Premier ministre conservateur, David Cameron, et le vice-Premier ministre libéral-démocrate, Nick Clegg, ont chacun 43 ans. « Dave and Nick », comme les appelle la presse britannique, incarnent la modernité dans un contexte alourdi par la crise économique. Ils appartiennent à une génération de politiciens qui sait communiquer et a intégré les valeurs de l'écologie ou du développement durable.

Un accord est censé guider l'activité d'un gouvernement composé de vingt-trois ministres, dont cinq libéraux-démocrates. Parmi les points d'accord, il y a la réduction du déficit du budget public, et donc la révision des dépenses de l'État, l'augmentation des impôts pour les tranches supérieures (ce qui ne fera pas plaisir à une partie de l'électorat conservateur), l'objectif de fixer la retraite à 66 ans pour les hommes d'ici à 2016 et pour les femmes d'ici à 2020, le renforcement de l'encadrement des activités bancaires, l'engagement à un programme économique réduisant les émissions de CO2.

Mais tout ne fera pas consensus. Des sujets de controverse risqueront, à tout moment, de fragiliser la coalition « Lib Con », comme on l'appelle à Londres. Le plus important est la réforme du système électoral impliquant l'introduction d'une dose de proportionnelle. Les libéraux-démocrates y sont très favorables car un tel système leur garantira davantage de sièges au Parlement. Les conservateurs y sont, au contraire, opposés. L'idée est de soumettre cette réforme à un référendum.

Le renouvellement des centrales nucléaires est un autre sujet de débat : les conservateurs y sontfavorables et les libéraux-démocrates opposés. Enfin, l'éducation sera un sujet controversé. Une partie des conservateurs (à laquelle n'appartient pas David Cameron) veut sauvegarder les écoles publiques qui sélectionnent (les grammar schools) alors que les libéraux-démocrates veulent donner plus de moyens aux élèves défavorisés (le Pupil Premium).

Pour nous Français, le programme de gouvernement est décevant sur l'Europe. Les libéraux-démocrates auraient pu en faire une condition forte, puisqu'ils constituent le parti britannique le plus pro-européen. Or il n'en est rien. On dit que la Grande-Bretagne ne rejoindra pas l'euro au cours de la législature, que tout nouveau transfert de souveraineté à Bruxelles fera l'objet d'un référendum, et que le gouvernement défendra Bruxelles (au détriment de Strasbourg) comme siège unique du Parlement européen.

Si David Cameron n'est pas un eurosceptique par idéologie, l'essentiel des députés conservateurs de base restent imprégnés par l'héritage de Margaret Thatcher. Le nouveau ministre des Affaires étrangères, William Hague, en est un bel exemple. Il est dommage que les libéraux-démocrates ne semblent pas disposés à convaincre davantage sur l'Europe, car ils aideraient David Cameron à faire de la Grande-Bretagne un acteur européen engagé, alors que la classique « relation spéciale » avec les États-Unis n'est plus une priorité à Washington.


(*)Christian Lequesne
(*) Directeur du Ceri (Centre d'études et de recherches internationales) à Sciences Po Paris.

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