TOUT EST DIT

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lundi 17 mai 2010


Retraites, un pragmatisme… si français

Le gouvernement a donc publié hier ses orientations sur la réforme des retraites. Ce qui intéresse tout d’abord, c’est la méthode choisie dans cette affaire, avec des étapes scrupuleusement respectées. Le plan s’étale sur trois mois, avec une montée en charge progressive. Avril était le temps de la pédagogie sur l’urgence à agir, avec la publication des prévisions catastrophiques de déficit (mais non contestées pour l’essentiel) si on ne fait rien – qui s’expliquent par l’allongement de la durée de la vie. Début mai, il y a quelques jours, le Conseil d’orientation des retraites a chiffré l’effet d’un certain nombre de réformes (porter l’âge de la retraite à 63 ans, allonger la durée de cotisation à 45 ans etc.). Il a montré que quoi que l’on fasse, cela sera insuffisant. Et hier, le gouvernement a publié ses orientations. Leur caractère encore très général est doublement calculé. L’exécutif ne dévoilera ses vrais projets qu’en juin, après le congrès de la CFDT, et au début de l’été ; aujourd’hui, il reste assez flou pour, certes, donner du temps à la concertation ; Mais aussi pour essayer de ne pas donner de prise aux manifestations prévues le 27 mai par la CGT, la CFDT, la FSU, l’UNSA et Sud, qui ont plutôt raté leur rendez-vous du 1er mai. Voilà pour la tactique.

Sur le fond, le ministère du travail confirme en creux que la piste privilégiée est bien le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. Cela ne fait aucun doute et relève du bon sens. Mais cet aspect des choses disparaît presque derrière l’information qui fait la Une ce matin : la confirmation d’un prélèvement spécial sur les hauts revenus et les revenus du capital. Lequel prélèvement sera exclu du bouclier fiscal. Nicolas Sarkozy retourne ainsi la polémique sur la justice fiscale. L’opinion devrait y être sensible, surtout quand on saura que ce prélèvement représentera probablement – selon les schémas étudiés - plusieurs milliards d’euros. Pour la seconde fois après le financement du RSA, les prélèvements vont donc augmenter. C’est peut-être compréhensible face aux besoins des retraites, mais le discours sur la stabilité de la pression fiscale et sociale n’est plus fondé. C’est un vrai virage. Quoi qu’on en dise, le bouclier est percé et la stabilité des règles n’aura pas tenu plus de trois ans. On parle toujours du bouclier fiscal mais la France aurait besoin d’un bouclier légal !

Le document gouvernemental contient enfin quelques messages discrets que les yeux des spécialistes ont repéré très vite ! Il y en a un pour la CFDT : l’étude d’une réforme en profondeur du système de retraite vers un système par points n’est pas exclue à long terme. Il y en a un pour la CGT, très concernée : le gouvernement laisse entendre qu’il ne touchera pas aux règles propres aux régimes spéciaux (SNCF, RATP...). Les évolutions de ces régimes devront en tous cas respecter «  le calendrier  » de la réforme de 2007 – autrement dit, celui-ci ne devrait pas être accéléré. Il y en a enfin un pour tous les syndicats : le rapprochement des règles applicables aux fonctionnaires et aux salariés du privé est évoquée mais en quelques lignes et sans grand allant.

Au total, un message convaincant ? Si on juge une réforme au fait que les mécontents sont équitablement répartis, c’est le choix du pragmatisme (ou du réalisme si on veut), mais d’un réalisme tellement français. Le gouvernement ne ralliera aucun syndicat à sa bannière ! Mais il va mécontenter aussi les plus aisés (ce qui est toujours bien vu en France) et peut-être des classes moyennes. Une certitude : la crise grecque et européenne donne à la réforme un coup de pouce qui n’était pas prévu.


Dominique Seux

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