TOUT EST DIT

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samedi 3 avril 2010

Copé : "On ne peut pas continuer comme ça sur les déficits"

Le président du groupe UMP à l'Assemblée se dit " engagé à fond " aux côtés de Nicolas Sarkozy, mais ne renonce pas à son rôle de " défricheur d'idées ", et ne cache pas ses ambitions élyséennes. Sur la dette et les déficits, il plaide pour un contrat de législature à proposer aux Français en 2012. Et propose de fusionner impôt sur le revenu et CSG-CRDS.

Selon vous, Nicolas Sarkozy a-t-il clos le débat sur le bouclier fiscal dans la majorité ?

J'ai crée le bouclier fiscal lorsque j'étais ministre du Budget de Dominique de Villepin, avec un plafond à 60%. Il a été descendu à 50% en 2007 en y incluant la CSG et la CRDS. Autant vous dire qu'il s'agit à mes yeux d'un élément absolument essentiel de notre système fiscal. Parce que la France n'est pas une île. Et parce que l'impôt ne doit pas être confiscatoire : on ne doit pas prendre aux Français plus de la moitié de ce qu'ils gagnent. Il ne faut pas se leurrer, si les Français qui gagnent le plus partent à l'étranger alors, tout le fardeau fiscal pèsera sur les seules classes moyennes. C'est pour éviter cela que nous avons crée ce bouclier. L'approche idéologique dans ce domaine est grotesque ; il faut la laisser aux socialistes. Seul le pragmatisme doit compter. Lorsqu'un débat sur ce sujet à été rouvert par quelques uns de mes amis députés, j'ai pris mon temps pour réfléchir à nouveau. Sur le fond, il n'y a pas dans la majorité de remise en question du principe du bouclier fiscal. Mais dans l'hypothèse où il devrait y avoir augmentation ponctuelle d'une taxe ou d'un impôt, pour répondre à des circonstances exceptionnelles et pour une durée limitée, il serait alors normal que chaque Français participe à l'effort..
Vous êtes sur la même ligne que Gilles Carrez, le rapporteur général du Budget...

C'est une position de sagesse qui concilie à la fois la compétitivité et l'équité.

Pourquoi organisez-vous mardi un forum de Génération France sur la dette ?

L'intitulé résume à lui seul l'esprit dans lequel je me trouve : " On ne peut plus continuer comme ça !". Chacun est bien conscient que la résorption du déficit et de la dette n'est pas une affaire qui peut être réglée en un ou deux ans. En revanche, il faut donner une orientation, travailler sur un contrat de législature à proposer aux Français en 2012. La réduction des déficits devra être prioritaire. La dette atteint un niveau tel qu'elle bride la compétitivité et la croissance, menace le modèle social et réduit à néant les marges de manoeuvre politique.
Ce n'est pas un message très porteur...

Je ne suis pas d'accord. Les sondages le montrent, les Français ont beaucoup mûri sur ces questions notamment avec la crise grecque. La dette les inquiète. Ils privilégient la réduction des dépenses comme solution. A ce titre, je propose que l'on réfléchisse dès maintenant à l'élaboration d'une règle constitutionnelle contraignante.

Faut-il interdire le déficit à moyen terme, comme l'ont décidé les Allemands ?

Je propose plutôt que l'on modifie la Constitution en prévoyant que la loi de programmation des finances publiques, qui deviendrait quinquennale, fixe un objectif contraignant de réduction des dépenses pour l'Etat et la Sécurité sociale. Le projet de loi de Finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale devraient s'y conformer. L'équilibre budgétaire dépend trop de la conjoncture. Mieux vaut fixer une obligation portant sur le niveau de dépenses publiques. Pour les collectivités locales, je suggère de conclure un pacte de stabilité, un peu comme en Espagne, reposant sur une norme d'évolution des dépenses, avec un bonus malus à la clef en matière de dotation de l'Etat, selon le respect ou non de l'objectif.

Mais comment, concrètement, réduire les dépenses ?

Rappelons d'abord ces chiffres peu connus : les dépenses de l'Etat ont progressé de 35% entre 1996 et 2008, contre 61% pour la Sécurité sociale et 78% pour les collectivités locales. Soyons clair : réduire le train de vie de l'Etat est indispensable mais ne réglera pas tous les problèmes ! Il faut continuer sur la voie engagée en poursuivant le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et en étendant la règle aux quelques 600 opérateurs de l'Etat.

Cela signifie 100.000 nouvelles suppressions de postes entre 2011 et 2013. Est-ce tenable ?

Oui, si on le fait de manière intelligente, en établissant des priorités. On peut aller beaucoup plus loin dans la réduction des effectifs de l'administration centrale quand les responsabilités doublonnent avec les territoires.

Faut-il aller au-delà de la norme " zéro volume ", qui limite au niveau de l'inflation l'augmentation des dépenses de l'Etat ?

Oui, après la crise il faudra tendre vers le zéro valeur, cela imposera une réduction sur cinq ans de tous les budgets de l'Etat.

Que préconisez-vous pour la Sécurité sociale ?

L'effort principal doit porter sur les retraites et l'hôpital. En ce qui concerne les retraites, avec François Sauvadet et Pierre Méhaignerie nous venons de mettre en place des groupes de travail UMP et Nouveau Centre et nous ferons des propositions fortes au mois de Juin. Je souhaiterais que chaque groupe, y compris à gauche, fasse ce même travail, je suis impatient de connaître leurs propositions. En ce qui nous concerne nous allons aborder toutes les questions sans tabou, y compris la question de la convergence des systèmes de retraites publiques-privées. De même, la fusion des caisses de retraites pour le régime de base doit faire l'objet d'une vraie réflexion. En ce qui concerne l'hôpital, la loi qui a été récemment adoptée ouvre de vraies perspectives de meilleure gestion. Il y a ensuite une vaste réorganisation administrative à mener au sein de la Sécurité Sociale, il faudrait par exemple créer un guichet unique en rapprochant les CAF et les CPAM.

Quid des médecins libéraux ?

Je pense que l'on devrait avoir un discours beaucoup plus positif. C'est d'abord un problème de considération vis-à-vis d'une profession beaucoup plus fragilisée qu'on ne le croit. Le problème n'est pas uniquement comptable.

Les collectivités dépensent-elles trop ?

Un chiffre : 60% de la hausse de leurs dépenses est liée à leurs décisions propres et non à des transferts de compétence. Il y a le feu à la maison ! Il y a des augmentations d'effectifs irresponsables et disproportionnées. Je suis partisan d'une fusion des conseils régionaux et des conseils généraux. Il faut fusionner les compétences et les administrations, pas seulement les conseillers territoriaux. Si on réalisait 10% d'économies sur les dépenses de fonctionnement des départements et des régions, cela représenterait un gain de plus de 6 milliards d'euros.
C'est la fin des départements...

Non, ce sera la fin des doublons administratifs pour une meilleure efficacité de l'action locale.

Sur les recettes, que proposez-vous ?

Je suis contre les augmentations d'impôt. Dans le contexte de crise, cela aurait pour effet de casser la croissance. Et d'une certaine manière, ce serait une facilité car ce serait s'exonérer de l'effort de réduction des dépenses. En revanche, on doit réfléchir à une plus grande cohérence de notre système fiscal. Je propose de fusionner impôt sur le revenu et CSG-CRDS. Tout simplement parce qu'on déplore depuis des années le fait que l'impôt sur le revenu n'est payé que par la moitié des contribuables alors que la CSG et la CRDS sont acquittées par tous. Et parce que l'impôt sur le revenu est " familialisé ", avec le quotient familial, alors que la CSG ne l'est pas. L'assiette fiscale serait plus large. Et ce dispositif profiterait aux classes moyennes. Je propose aussi de fusionner, à cette occasion, les Urssaf et l'administration fiscale. Ce qui donnerait tout son sens à cette fameuse retenue à la source que j'appelle de mes voeux depuis longtemps.

Est-ce que ce serait un moyen d'augmenter les recettes fiscales ?

Cette réforme n'est pas conçue pour augmenter les recettes.

Que suggérez-vous sur la fiscalité du patrimoine ?

L'ISF est un énorme tabou mais disons les choses : est-il logique de taxer la détention du patrimoine plutôt que les revenus du patrimoine ?

Au sujet des niches fiscales, faut-il donner un coup de rabot comme certains le proposent dans la majorité ou s'y attaquer niche par niche ?

Vérifions d'abord que le jeu en vaut vraiment la chandelle. La plupart des niches ne coûte que quand elles marchent, à l'instar du crédit impôt pour l'emploi à domicile.
Les entreprises viennent de bénéficier de la suppression de la taxe professionnelle et de l'abandon de la taxe carbone. Doivent-elles contribuer à la réduction des déficits ?

A l'heure actuelle, l'idée c'est plutôt de stimuler la compétitivité de notre économie. C'est vrai pour les ménages, dont il ne faut pas casser le pouvoir d'achat. C'est vrai aussi pour les entreprises. Je préconise d'ailleurs que nous adossions davantage notre économie à l'économie allemande, que nous nous inspirions de leur exemple.

Vous ne partagez pas les critiques émises récemment sur le modèle allemand, pas assez coopératif en Europe ?

Pas du tout. On ne va pas demander aux Allemands d'arrêter d'exporter ! Nous ferions mieux de nous inspirer de leur tissu entrepreneurial très performant notamment pour faire grandir nos PME.

Vos propositions sont pour la législature à venir. Que faut-il faire d'ici à 2012 ?

Il y a beaucoup de choses qu'on peut mettre en oeuvre dès maintenant. Mais d'ici à 2012, l'effort de réduction des déficits doit se faire en fonction de la reprise. Nous sommes encore en pleine crise économique.
Après vous être fait le chantre de l'hyper-parlement, vous vous dites aujourd'hui " à fond " derrière Sarkozy. Pourquoi tant de zèle ?

D'abord, il n'y aucune incompatibilité entre le fait de soutenir l'hyperprésident et de militer à fond pour l'hyperparlement. C'est même à mon sens totalement cohérent. Ensuite, je considère que nous sommes dans un moment extrêmement difficile de notre majorité. La gauche, qui a remporté les élections régionales, est en situation d'emporter la prochaine échéance nationale. Dans ce contexte, il nous faut être rassemblé derrière celui qui est notre président et dont je souhaite qu'il soit notre candidat. Mais que les choses soient claires : le fait d'en appeler au rassemblement n'exclut pas une totale liberté de débat et d'expression. La co-production législative s'impose plus que jamais. C'est totalement l'esprit du nouveau pacte majoritaire que j'ai proposé.

Le test principal de la coproduction ne va-t-il pas être sur les retraites ?

On a d'abord un test sur la burqa. Mais sur les retraites, il est clair que le gouvernement devra nous écouter. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons lancé notre propre groupe de travail.

Si Nicolas Sarkozy vous proposait Matignon dans les prochains mois, accepteriez-vous ?

La question ne se pose absolument pas. Mes amis députés m'ont élu à leur tête pour cinq ans, je ne bougerai pas et chacun le sait.
Propos recueillis par Stéphane Dupont, Pierre-Alain Furbury et Etienne Lefebvre, Les Echos

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