TOUT EST DIT

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dimanche 22 novembre 2009

Besson: "La gauche nie les réalités"

En première ligne sur de nombreux sujets, et cible de nombreuses critiques, Eric Besson, ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, répond aux questions du JDD. Extraits de l'entretien à paraître samedi.
Maintenant, vous vous en prenez aux mariages mixtes, a priori suspects?
Je combats les "mariages gris", les escroqueries à la naturalisation, certainement pas les mariages mixtes! Ils sont une constante de notre pays, et ils contribuent au métissage de la société française...

Ce qui est une bonne chose?
Ce n’est pas une question de gouvernement. Mais je considère que le métissage a enrichi et continue d’enrichir la France.

Donc où est le problème?
Dans ce qu’on appelle un "mariage gris", l’un des deux conjoints est sincère, mais l’autre le trompe: il se marie pour entrer obtenir un titre de séjour, pour devenir Français. Son partenaire l’ignore, est utilisé puis abandonné. Les victimes de cette fraude sont d’abord des femmes étrangères, ou françaises d’origine étrangère, maghrébines ou africaines. Cela devrait émouvoir quelques consciences…Je défends les mariages mixtes. Mais l’idée qu’il faut éviter de traiter un problème réel parce qu’on risquerait d’être mal compris est illusoire. Si on contourne la réalité, on arrive au 21 avril 2002: quelqu’un de grande qualité comme Lionel Jospin battu à la présidentielle, parce que la gauche éludait certains problèmes. Je suis un grand blessé du 21 avril…

Comment organiser l’identité nationale, quand on est le gendarme de l’immigration?
C’est une fausse perception. Je suis aussi celui qui protège et qui aide les étrangers qui sont ici légalement. J’ai lancé des bourses pour les meilleurs élèves étrangers de nos lycées… Mais tout se tient. Pour consolider l’intégration, il faut lutter contre les filières de l’immigration clandestine et les mafias qui l’organisent…

Ces mafias profitent de la fermeture de l’Europe …
Il n’y a pas d’Europe forteresse. La France accueille 200 000 étrangers par an au titre du long séjour. Nous sommes le pays qui accueille le plus de réfugiés politiques en Europe. Et nous accordons la nationalité française à 110 000 personnes par an. La France est ouverte et généreuse.

Parce que nous y avons intérêt…
De quel point de vue? Intérêt au brassage et à l’ouverture, oui. Droit au regroupement familial, oui. Besoin démographique, non. La France n’a pas de raison quantitative d’encourager l’immigration. Mais par exemple en accueillant des étudiants, nous décidons de contribuer à l’éclosion d’élites mondiales, et à notre propre rayonnement. Je tiens à l’immigration légale. Ceux qui font profession de défendre les "sans papiers" devraient s’intéresser aussi aux étrangers en situation régulière, touchés à hauteur de 26% par le chômage, en butte parfois à des discriminations...

Vous allez accentuer la lutte contre les discriminations?
Oui il faut renforcer la lutte contre les discriminations. Et adopter des mesures positives. Nous défendons le "label diversité" dans les entreprises, l’expérimentation du cv anonyme…

Faut-il favoriser l’emploi des étrangers en situation régulière?
Pas de "discrimination positive". Mais il faut viser l’égalité réelle pour les étrangers en situation légale. Il n’y a pas de raison pour que ceux-ci soient moins employés que les français. C’est aussi un élément du débat sur l’identité. C’est l’idée qu’on se fait de soi-même. J’organise des diners citoyens avec des français d’origine étrangère ; ils sont les preuves de l’intégration... Mais l’honnêteté exige de reconnaitre qu’on a aussi des échecs patents.

Par la faute de la crise économique, des discriminations?
Oui, mais pas seulement. Vivre ensemble, suppose des efforts des deux côtés. Et le rôle de l’Etat est de garantir les règles. Le président du CRAN Patrick Lozes dit à juste titre que "rien ne ressemble plus à un étranger régulier qu’un étranger irrégulier"... La lutte contre l’immigration clandestine est peut-être politiquement incorrecte, mais elle est profondément républicaine, puisqu’elle met fin à cette confusion.

On peut être politiquement incorrect en étant politiquement habile?
La politique de l’immigration devrait rassembler tous les républicains. Mais dans une partie de l’intelligentsia française, la négation des réalités semble être une constante...

Ce n’est pas une facilité, d’opposer le bon sens aux intellectuels?
Il y a un vrai problème chez certaines élites de gauche. Quand Bernard-Henri Lévy proclame, "pour faire l’Europe, il faut faire taire Eric Besson", je suis navré... Tant de culture pour arriver là? Et Vincent Peillon, ce philosophe, qui prône pour Ségolène Royal la "psychiatrie lourde"? Il y a dans l’intelligentsia éclairée des rémanences bolchéviques...

Ce que vous inspirez pollue le débat sur l’identité. Comment le détacher de vous?
Ce débat passionne ; 32 000 contributions d’internautes, des débats partout en France. Je n’ai pas de complexe. Je me demande sans cesse si ce que je fais est juste et républicain. L’identité nationale c’est un passé et des valeurs pour se projeter dans l’avenir ; c’est définir un imaginaire collectif.

Mais vous revenez sempiternellement au lien avec l’immigration!
Dans un pays métissé, l’histoire de la constitution en Nation est aussi celle de l’assimilation réussie des nouveaux arrivants. Mais l’identité nationale dépasse la question de l’immigration. Le service civique prôné par Nicolas Sarkozy fait aussi partie de la construction de l’identité nationale… Notre débat est vital parce qu’il s’inscrit contre une tendance lourde à l’émiettement de nos sociétés. Les grands intégrateurs, l’église, l’armée, l’école, disparaissent ou sont affaiblis… Les forces individualistes s’exacerbent.

Ce qui vous va bien: vous êtes l’exemple type d’un individu guidé par son intérêt –ou ses convictions…
Je crois à l’émancipation individuelle et au dépassement. Mais je crois aussi en l’Etat et en la Nation. Ma question est celle-ci: à l’âge de l’individu, qu’est ce qui reste pour faire lien, pour faire Nation, pour faire communauté nationale? Qu’est ce qui justifie l’impôt, la solidarité, le lien social, le fait qu’on soit citoyen? Avant, on se demandait pour quoi on serait prêt à mourir. Aujourd’hui, la question est: pourquoi vivons-nous ensemble? Sommes-nous encore capables de faire acte de solidarité? Je prétends que le cadre national est le plus naturel. Mais nous devons lui redonner du sens. Tout est lié. Quand Nicolas Sarkozy met le prix unique du livre –l’accès à la culture- au cœur de notre identité, on voit le sens politique. La mondialisation et la crise financière renforcent à la fois le rôle des Etats-nations et le besoin de gouvernance mondiale.

Pourquoi ne pas parler d’identité républicaine?
Je chéris "la République" mais je ne veux pas qu’on élude "la Nation". Je fais un lien entre pacte social, pacte national, pacte républicain. S’il n’y a pas d’identité commune, nous ne serons pas assez forts pour maintenir le lien social et nos valeurs.

Kofi Yamgnane, ancien ministre français, veut devenir président du Togo. C’est perturbant?
C’est une démarche personnelle. Je ne la partage pas mais je peux la comprendre un peu. Quand je suis accueilli au Maroc, où je suis né, moi, ministre Français, le roi ou ses ministres me rappellent que je suis un peu Marocain, pour eux… Je sais ce que pèsent les histoires personnelles. Mais j’aime un mot qui est passé de mode, celui d’assimilation. Entrant dans la communauté nationale, on abandonnait une partie de ce qu’on était…

Et quand des jeunes français font la fête pour l’équipe d’Algérie?
Je ne nie pas les tentations communautaristes, je les combats. Mais je ne veux pas créer d’épouvantail. La liesse est de droit, la joie est normale, les débordements et les casseurs sont inacceptables et il ne faut pas fermer les yeux là-dessus. Plus généralement, si des jeunes Français se sentent Algériens, cela confirme qu’il faut mettre au clair notre identité nationale. Nous devons amener ces jeunes à se revendiquer Français pleinement, dans un parfait équilibre de droits et de devoirs.

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