La faim continue de progresser dans le monde. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) – qui organise, vendredi 16 octobre, la Journée mondiale de l'alimentation sur le thème de la "sécurité alimentaire en temps de crise" –, la barre du milliard de personnes souffrant de sous-nutrition a été franchie en 2009.
Et ce phénomène risque de s'aggraver encore, notamment à cause de l'augmentation démographique. Selon les projections des Nations unies, le monde devrait compter 9,1 milliards d'habitants en 2050, contre 6,8 milliards aujourd'hui. Soit 34 % de bouches à nourrir de plus.
Pour anticiper ce choc, la FAO a réuni à Rome, les 12 et 13 octobre, près de trois cents universitaires, chercheurs ou responsables d'organisations non gouvernementales, à l'occasion d'un forum d'experts de haut niveau intitulé Comment nourrir le monde en 2050. Une question qui suscite un certain nombre de débats.
Quels aliments dans les assiettes en 2050 ?
L'évolution des comportements alimentaires aura un impact sur les besoins futurs en matières premières agricoles. "Sous l'effet des hausses de revenus et de l'urbanisation croissante des populations, l'ensemble des experts réunis à Rome s'accordaient sur le fait que les régimes alimentaires allaient évoluer", précise Hafez Ghanem, le sous-directeur général de la FAO chargé du département économique et social.
Si les céréales (blé, riz, maïs…) restent la principale composante des régimes alimentaires, la consommation de viande a tendance à croître fortement. Notamment dès qu'un pays voit son niveau de vie progresser. Entre 1970 et aujourd'hui, la consommation de viande est ainsi passée de 25 kg par personne et par an à 38 kg, sous l'impulsion d'abord des pays développés, mais aussi de la Chine et de certains pays d'Amérique du Sud.
Ces conversions à des régimes carnés accroissent encore les besoins en matières premières agricoles : en tenant compte de l'alimentation des bêtes, il est généralement admis qu'il faut 4 calories végétales pour produire 1 calorie animale dans le cas du porc ou du cochon ; un ratio qui monte à 11 calories végétales pour le bœuf ou le mouton.
Une étude prospective réalisée conjointement par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad), présentée le 7 octobre, estime que la planète serait capable de nourrir tous ses habitants en 2050, sans mettre en péril l'équilibre environnemental de la planète, en associant une réduction des gaspillages et une rupture des habitudes de consommation.
Les "disponibilités alimentaires" par habitant seraient alors ramenées à 3 000 calories par jour, dont 500 d'origine animale, contre environ 4 000 actuellement dans les pays développés, dont plus de 1 000 issues de la viande ou du poisson.
Augmentation des rendements ou hausse des surfaces cultivées?
La FAO, dans un rapport publié fin septembre, estime qu'il faudra augmenter de 70 % la production agricole de la planète pour répondre, en 2050, aux besoins alimentaires de tous ses habitants. Cela sans tenir compte de l'essor des agrocarburants, qui entraînera des besoins encore plus importants.
Pour y parvenir, deux solutions : améliorer les rendements des productions ou accroître les surfaces cultivées.
Aujourd'hui, environ 1,5 milliard d'hectares, soit environ 10 % des terres émergées, sont cultivés. Quelque 2,7 milliards d'hectares pourraient l'être également. Problème, comme le note la FAO : ces surfaces se situent pour la plupart en Amérique latine et en Afrique subsaharienne et ont "d'importantes fonctions écologiques".
L'agence des Nations unies préfère donc miser sur une intensification des modes de production, qui devrait permettre de couvrir, selon elle, 90 % des nouveaux besoins. Et ce même si la croissance des rendements a considérablement ralenti, ces dernières années, dans de nombreux pays. Pour les céréales, ce taux de croissance est ainsi passé, selon la FAO, de 3,2 % dans les années 1960 à 1,5 % dans les années 2000.
"Il y a encore des marges de manœuvre, car les écarts de rendement sont très importants entre les régions du monde, estime Bernard Bachelier, directeur de la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (FARM). Cela passe beaucoup par une meilleure gestion de l'eau, mais aussi par les nouvelles technologies ou l'amélioration génétique continue." Et de souligner l'importance des investissements de proximité à réaliser dans les pays du Sud, pour aider les petits paysans.
Des investissements qui n'ont pas cessé de diminuer depuis presque trente ans: alors même que 18 % de l'aide publique au développement était destinée à l'agriculture en 1980, cette part ne s'élève plus aujourd'hui qu'à 5 % environ.
Quels modèles d'échanges commerciaux ?
Le sujet est largement débattu actuellement, notamment en perspective de la reprise prochaine des négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en vue d'une nouvelle phase de libéralisation des échanges. Certains plaident pour davantage d'ouverture; d'autres mettent en avant la notion de "souveraineté alimentaire" d'un pays ou d'une région, et poussent à développer des cultures vivrières plutôt qu'exportatrices.
"Il est très probable que l'on aura encore un fort besoin d'échanges, avec des régions très importatrices et d'autres très exportatrices, estime Patrick Caron, un des directeurs scientifiques du Cirad. Mais, dès lors que l'on introduit les questions de sécurité alimentaire et d'environnement, revient la question de la régulation du marché."
La question de la sécurité alimentaire se pose dès à présent. La FAO y consacrera un sommet mondial du 16 au 18 novembre.
Clément Lacombe
vendredi 16 octobre 2009
Nourrir la planète en 2050, un défi déjà d’actualité
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