TOUT EST DIT

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jeudi 22 octobre 2009

Le procès politique, principal axe de la défense de Dominique de Villepin

Il avait, dit-il, "trop à dire et trop peur de ne pas y parvenir" pour s'encombrer de l'un de ces exordes qui vous posent une plaidoirie. Premier des quatre avocats à se lever en défense de Dominique de Villepin, mercredi 21 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris, Me Luc Brossolet a choisi l'offensive. A lui, l'attaque de la forteresse Rondot, cet encombrant général dont les notes écrites pèsent si lourd dans l'accusation contre l'ancien premier ministre. De ce "témoin canonique", chef du renseignement scrupuleux, vertueux militaire dont tant la principale partie civile que le procureur de la République ont fait l'éloge, Me Brossolet s'est attaché à écorner l'auréole. "Je suis sûr que le général Philippe Rondot est un homme bien. Mais je suis sûr que, dans cette affaire, il a des raisons de ne pas dire toute la vérité."
Le général Rondot, a-t-il observé, est aussi un "général qui ment, pour couvrir et se couvrir". "Il ment, lorsqu'il commente ses propres notes. Avec lui, il n'y a qu'un acteur. C'est une pièce de théâtre coupée en deux", a affirmé Me Brossolet en brandissant les deux piliers de l'accusation, la note qui rend compte de la réunion du 9 janvier 2004 au Quai d'Orsay, dans le bureau de Dominique de Villepin où, pour la première fois, les patronymes de Nagy et Bocsa en relation avec un compte couplé auraient été évoqués, et celle consécutive à la réunion du 19 juillet 2004, Place Beauvau, contenant la fameuse phrase : "Si nous apparaissons, le PR et moi, nous sautons." De cette deuxième réunion, qui a duré une heure, "nous avons quinze lignes. Alors, c'est ça la justice ? C'est faire de cette note la preuve capitale de la vérité ?", s'est exclamé l'avocat.

Pour Me Brossolet, le général Rondot est un "témoin impliqué", qui cherche d'abord à "protéger la ministre de la défense, parce qu'elle a eu le valet de pique - les noms de Sarkozy et Bocsa - entre les mains et qu'elle n'a rien dit". Qui cherche aussi, et surtout, selon l'avocat, à se couvrir, lui, "le général ambitieux qui rêvait d'être celui qui arrêterait Ben Laden, l'enquêteur qui cherche à dissimuler la vanité de son enquête et à faire croire qu'il a été lucide".

La prétendue vérité détenue par le général Rondot n'est, pour l'avocat, qu'une "vérité reconstruite, orientée". Elle ne peut s'appréhender qu'au regard des liens qui unissent l'ancien chef du renseignement à Imad Lahoud, celui qui doit le mener jusqu'aux circuits de financement d'Oussama Ben Laden et qu'il continue de protéger en dépit des alertes de la DGSE. Ces liens, affirme-t-il, ont contribué à aveugler le général Rondot sur la fiabilité des fichiers transmis par Imad Lahoud. Certes, reconnaît Me Brossolet, il a émis des "doutes", mais la dénonciation calomnieuse, rappelle-t-il, "demande des certitudes" et ces certitudes, Dominique de Villepin ne les a pas parce qu'on ne les lui a pas données.

Restait le cas Jean-Louis Gergorin, cet autre obstacle encombrant sur le chemin de l'innocence de Dominique de Villepin. A l'égard de l'ancien numéro 3 d'EADS, Me Brossolet est autrement plus ambigu car il a besoin à la fois de dire qu'il ment lorsqu'il affirme avoir rencontré à plusieurs reprises le ministre de l'intérieur, mais qu'il est de bonne foi lorsqu'il croit à la véracité des fichiers. Si la bonne foi de Jean-Louis Gergorin est établie, celle de M. de Villepin l'est aussi. Me Brossolet se déclare donc "gergorinophile" : "Cet homme, ce fou, ce zinzin, ce professeur Tournesol, je sais qu'il est un manipulateur, mais il me touche !"

Le coupable de cette affaire de dénonciation calomnieuse est donc tout désigné : c'est Imad Lahoud. "Le courage judiciaire, aujourd'hui, cela consiste à dire que ces 42 tomes de dossier, que ces quatre années d'instruction, n'ont servi qu'à identifier un faussaire, un escroc." Mais cette vérité, affirme l'avocat, le parquet a refusé de l'entendre "car il y a un palais, à Paris, où une personne ne voulait pas d'un non-lieu. Alors, il a fallu faire preuve d'imagination juridique et inventer cette complicité passive", reprochée à M. de Villepin. "Ce dossier porte l'empreinte de son désir, d'un désir quasi hystérique d'enfant capricieux !", a conclu Me Brossolet.

De la partie civile emblématique ainsi désignée, Me Metzner fait son affaire. "Un procès comme les autres, nous dit-on ? Avec une partie civile qui nomme les magistrats qui jugent et les procureurs qui requièrent et alors que l'on scrute déjà le Journal officiel pour lire les nouvelles nominations dans la magistrature ? Un procès qui n'est pas politique, puisqu'il n'y a là qu'un président en exercice et un ancien premier ministre issus du même parti ? Un procès tellement ordinaire que l'un d'eux se cache derrière son immunité présidentielle ? Une partie civile tellement ordinaire qu'elle dispose des discours du secrétaire général de l'Elysée (Claude Guéant) et des lumières du conseiller justice de l'Elysée ? (Patrick Ouart)", raille Me Metzner.

Politique, cette affaire l'est tellement qu'elle n'est même que cela, martèle-t-il, en soulignant que jamais, dans une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, on ne s'était autant attaché au "mobile" de la dénonciation calomnieuse. "Ce dossier a été construit à rebours. On a une cible, on en déduit un tireur et on essaie ensuite de tracer une ligne entre les deux. Dans le nom de Nicolas Sarkozy, il y a forcément l'empreinte génétique de Dominique de Villepin." Tant les juges d'instruction que le parquet, observe l'avocat, ont fait leur cette "jurisprudence constante : toute agression contre Nicolas Sarkozy est forcément signée Dominique de Villepin" !

Ce qui vaut pour la principale partie civile vaut aussi pour celles qui, selon Me Metzner, sont venues "régler des comptes" avec Dominique de Villepin : Charles Pasqua, l'ancien ministre de l'intérieur, Dominique Ambiel, l'ex-conseiller du premier ministre Jean-Pierre Raffarin. "Il faut bien exister, et pour exister il faut charger Dominique de Villepin. C'est tellement plus chic de plaider contre lui !"

Du dossier, dont l'accusation et l'avocat de Nicolas Sarkozy avaient exploré chaque cote, Me Metzner prend soin de ne pas trop s'approcher. Tout juste affirme-t-il que pas un des éléments qui s'y trouvent n'apporte la preuve que Dominique de Villepin a eu les listings en main et a vu les lettres du "corbeau" Gergorin adressées au juge Van Ruymbeke : "Il est donc receleur par procuration, dénonciateur par esprit !" Ironisant encore sur la quête acharnée du parquet à trouver dans la doctrine ce que la jurisprudence lui refuse pour justifier son incrimination de "dénonciation calomnieuse par abstention", Me Metzner lance : "Jamais en France, on a condamné quelqu'un pour n'avoir rien fait ! Je vous demande la relaxe de Dominique de Villepin."
Pascale Robert-Diard

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