TOUT EST DIT

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mercredi 10 septembre 2014

Thévenoud, Trierweiler : assistons-nous à l'autodestruction de la politique ?

Alors que le président est critiqué au sein même de sa majorité, Maxime Tandonnet s'inquiète des conséquences de l'absence d'un personnel politique digne de ce nom, alors même que le pays est en crise.
Rongée par les divisions entre Wallons et Flamands, la Belgique a vécu pendant plusieurs mois, dans les années 2010 et 2011, sans gouvernement. Aujourd'hui en France se pose la question de savoir si un pays peut vivre longtemps en l'absence d'une classe politique digne de ce nom, non seulement de pouvoir légitime, de gouvernement effectif du pays, mais aussi d'opposition. La débâcle de la classe politique dans sa globalité continue en effet de s'amplifier. La majorité silencieuse, la France dite «d'en bas» ne cesse d'exprimer son rejet de l'élite politique, de se
s autorités dirigeants et de sa représentation. Un fameux sondage CEVIPOF de janvier 2014 soulignait que 11% des Français font confiance aux partis politiques. 36% éprouvent, envers la politique, de la méfiance et 31% du dégoût, 11% de l'ennui, soit 78% au total qui en ont une vision négative et 88% jugent que les politiques ne se préoccupent pas de ce que pensent les gens comme eux.
Les évènements de 2014 n'ont pu que renforcer ce rejet massif de la classe politique par les Français: le Vaudeville hallucinant à la tête de l'Etat, l'affaireThomas Thévenoud, après tant d'autres, illustrant ce qu'il peut y avoir de pire dans la tartufferie et l'hypocrisie des donneurs de leçon, mais aussi l'impressionnante glissade de l'opposition dans les chamailleries d'ego et de plans de carrière au détriment de l'intérêt général et du débat d'idées. Tout cela se produit sur fond de désespoir d'un pays frappé de plein fouet par un chômage massif qui atteint 3,4 à 6 millions de personnes, selon le mode de décompte, un climat international qui n'avait pas été aussi dégradé et inquiétant depuis des décennies.
Dans un tel contexte, il est presque miraculeux que le parti protestataire, anti-mondialisation, qui monopolise l'attention et la passion des médias, reste confiné, depuis des années, voire des décennies, à un niveau plafond de 20 à 24% des intentions de vote, même si du fait de l'effondrement des autres, il se présente en ce moment comme le «premier parti». C'est tout le paradoxe du Front National. Gardant une image profondément négative dans le pays - 68% des Français en ont une vision défavorable selon BVA le 11 mai 2014, ce que confirment toutes les enquêtes - il sert malgré lui d'ultime rempart au système politique. Sans ce parti, à la fois présent médiatiquement mais véhiculant une tradition inacceptable pour une vaste majorité des Français, il est vraisemblable que la condamnation du milieu politique se cristalliserait tout autrement et s'exprimerait de manière beaucoup plus massive sinon majoritaire, entraînant alors des chamboulements profonds dans le pays. Le réflexe de survie explique l'acharnement de la classe politique à mettre le FN en valeur, à l'image d'un Premier ministre qui le prétend, contre toute évidence, «aux portes du pouvoir» ou des leaders de l'opposition qui, à force d'en faire une cible privilégiée, confortent sa place centrale sur l'échiquier politique. Par un étrange paradoxe, la classe politique semble avoir besoin du FN, à la fois comme repoussoir, dérivatif à ses échecs et faire-valoir...
Combien de temps un pays peut-il vivre sans classe politique reconnue, légitime, condidérée comme représentative? La crise actuelle donne l'impression que la France suit désormais sa route sans la politique. L'Etat continue de fonctionner, tant bien que mal. «Une fois de plus, on voit que ce qui tient bon dans les coups durs, c'est le réseau des préfets et des sous-préfets. C'est l'Etat.» Ces propos du Général de Gaulle, dans le chaos de la fin de la guerre d'Algérie, rapportés par Alain Peyrefitte dans C'était de Gaulle, illustrent la situation actuelle. Le pays semble tenir vaille que vaille par son Etat, son administration, la compétence et la constance de ses préfets, magistrats, ambassadeurs, généraux, de ses professeurs, policiers, travailleurs sociaux, debout dans la tempête. La société civile continue de fonctionner. Les trains partent à l'heure, les étudiants sont accueillis dans les universités, l'approvisionnement du pays n'est pas remis en cause; dans un contexte économique dramatique, ses entreprises tournent et certaines, notamment les PME, dans la discrétion, investissent, recrutent, innovent. Tout pourrait ainsi continuer pendant des années.
Cependant, la débâcle de la politique n'est pas supportable à long terme. L'absence de pilotage politique et d'alternative crédible se traduit par un décrochage du pays en Europe et dans le monde. La vie politique se cantonne surtout à la communication, aux polémiques, aux coups médiatiques, aux postures, mais déserte le réel, le champ des réformes nécessaires et de l'action. L'Allemagne, gravement affectée par le crise de 2008 et 2009, a profondément transformé son système économique et social ces dernières années. Son économie est aujourd'hui fleurissante avec un taux de chômage de 5%, une puissance industrielle qui en fait le second exportateur de la planète, et la quasi-disparition de ses déficits publics. L'antigermanisme montant dans une partie de la classe politique française n'est qu'un signe supplémentaire de repli et d'aigrissement. Le Royaume-Uni se transforme et atteint le plein emploi, l'Italie et l'Espagne reprennent le chemin de la croissance au prix de profondes réformes de leur système économique et social. La France, elle, n'est toujours pas sortie du boulet de ses 35 heures, des rigidités de son marché du travail, de ses effroyables records de prélèvements obligatoires (47% du PIB), de ses déficits et endettement massif, ni de ses régimes de retraite à la fois injustes et insoutenables. En outre, le pays se divise, avec une montée de la violence et des communautarismes, l'aggravation des phénomènes de ghettoïsation, la crise de son éducation nationale, de l'autorité en général, sans véritable réponse politique, de long terme, à ce morcellement croissant. Non, une nation ne peut pas survivre longtemps sans pilote dans l'avion, sans une classe politique, une représentation digne de confiance et d'autorité.

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