TOUT EST DIT

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mercredi 9 avril 2014

Valls, à gauche, mais vaguement...


Un discours de politique générale, cela est destiné à inviter les députés à voter pour vous. Ce n'est donc pas un exercice de style. L'usage veut qu'après une déclaration liminaire de circonstance, l'impétrant ouvre rapidement le catalogue des propositions concrètes qui, rassemblées, constituent son programme de gouvernement. Et il conclut en général cet inventaire par quelques accents de lyrisme plus ou moins bien sentis.
Manuel Valls n'a pas dérogé, mardi, à cette règle. Après une brève référence à Pierre Mendès France et une invocation de la vérité, il énuméra avec précipitation et concision une abondante série d'intentions. On en avait le tournis. Vint enfin la péroraison, qui fut un moment de grande sincérité, sur son attachement à la France
Quelles conclusions tirer de cette intervention marquée par la clarté, la densité et l'énergie ? Elle fait un programme, elle ne fait pas une politique. Ou, plutôt, elle fait une politique difficilement identifiable selon nos critères habituels de classification. Elle s'inscrit dans l'esprit des nouvelles orientations définies par Hollande en janvier dernier sous l'appellation de sociale démocratie. Mais elle va au-delà. Elle les corrige dans un sens plus libéral. À gauche, mais vaguement. Une gauche plus moderne, Valls oblige, plus ouverte et plus réaliste, qui respecte les entreprises et ceux qui les dirigent, une gauche plus rassembleuse et plus apaisante, plus tolérante, bref, moins sectaire. Tout aussi sociale, évidemment, et éprise de justice. Mais le Premier ministre ajoute : "La justice sans la force est impuissante..."

Hollande-Valls, le conservateur et le progressiste

La référence à Hollande est constante, notamment à propos de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité. De fait, ce qu'annonce Valls rejoint, pour l'essentiel, ce que l'on sait du contenu de ce pacte. Donc le principe de continuité est acquis. D'ailleurs, le Premier ministre l'avait dit l'autre lundi dans sa bien pauvre allocution télévisée : il n'y aura pas de rupture. Mais les mots ne sont que les mots. Valls n'allait pas, dès mardi, désavouer Hollande. La tonalité du discours y suffisait, et ce qui distingue la personnalité et la culture des deux hommes. 
En sous-texte, on entendait dans la bouche du nouveau Premier ministre ce qu'il écrivait en 2008 à propos de Blair, dans son livre Pour en finir avec le socialisme : "S'il s'agit d'un discours alliant responsabilité et solidarité, d'une attitude décomplexée au monde, je suis blairiste. Blairiste, moins le cynisme si l'on pense que les partis de gauche doivent épouser leur temps, et l'assumer, et le théoriser : l'épouser pour ne pas passer à côté du réel, et être capable d'agir." Y a-t-il pire condamnation de ce que Hollande représente ? Dans le vocabulaire ("agir", "réel", "décomplexée"), dans le comportement, dans l'idéologie ?
Voici deux hommes associés par les hasards de la politique et par obligation dans une entreprise commune à un moment difficile de l'histoire, et que tout sépare. Le conservateur et le progressiste. Un attelage contre nature. Lequel se soumettra à l'autre ? Quelles sont les limites de la patience du second ? Ce sont les faits qui en décideront, c'est-à-dire le sort que va connaître la mise en oeuvre de la nouvelle politique qu'ils ont en charge.

Quels moyens ?

Cela nous renvoie à la réalité du programme qui nous a été exposé mardi par le Premier ministre, dans un ordre encore très confus. Il est d'une grande ambition. Il va dans un premier temps calmer le jeu. Il contient de quoi modérer l'hostilité des entrepreneurs, des patrons, de la droite. Il peut réveiller une certaine énergie. Il est assorti d'un pacte de solidarité dont quelques dispositions, confirmées hier, ont de quoi tempérer le mécontentement populaire, apporter une espérance aux plus faibles.
Mais ce programme pose une question essentielle et redoutable : la France a-t-elle les moyens de le réaliser ? Non seulement Valls n'a, à aucun moment, évoqué le problème du financement des économies auxquelles il s'engage, mais il a ajouté de nouvelles dépenses à venir sans en préciser le montant total, qui se chiffre à plusieurs milliards. On est ici au coeur du réel. Tout le reste est discours et bonnes intentions.

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