TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 15 février 2014

« Si les Français ne se mobilisent pas davantage, la loi sur les salles de shoot passera après les élections. »


Fondateur et président de l’association Parents contre la drogue, auteur de Le dossier noir du cannabis. Témoignages accablants (Salvator, 2013) et de Cannabis : ce que les parents doivent savoir (Lethielleux, 2010), Serge Lebigot fait de la prévention depuis vingt ans. En pointe dans le combat contre la légalisation des stupéfiants et l’ouverture des salles de shoot, il a accepté de répondre à nos questions.

— Monsieur Lebigot, bonjour. Pouvez-vous nous présenter votre association, les missions qu’elle s’est fixées et ses modes d’action ?
— Notre association a été créée il y a un peu plus de quinze ans. J’en suis le président, mon vice-président est magistrat, mon trésorier est avocat. L’association comprend 300 adhérents répartis dans toute la France. Ce sont principalement des parents ayant été confrontés au problème du cannabis avec leurs enfants. Nous conseillons et recevons des parents qui nous contactent, aidons des jeunes à arrêter le cannabis et luttons contre tous ceux qui font l’apologie des drogues en France. En ce qui concerne nos modes d’action, nous mobilisons par internet, engageons des actions devant la justice et faisons aussi de la prévention dans les écoles privées. Nous ne pouvons pas aller dans les écoles publiques car il faut être agréé par la MILDT. Et comme nous ne tenons pas le discours ambiant…
— Vous êtes personnellement très engagé dans ce combat. Est-ce parce que vous-même, ou des membres de votre famille, avez été confrontés à ce fléau qu’est la drogue ?
— Non, j’ai vraiment l’avantage de ne pas avoir été touché par ce fléau. J’ai quatre enfants qui n’ont jamais consommé ni même essayé. C’est plus parce que ce problème me touche beaucoup. Je suis stupéfait de voir le nombre de jeunes qui peuvent consommer en France.
— Dans votre livre Le dossier noir du cannabis, vous déplorez le manque de statistiques officielles concernant la toxicomanie dans notre pays. S’agit-il, selon vous, d’une volonté délibérée des pouvoirs publics de cacher à nos compatriotes l’ampleur du désastre ?
— Oui. Contrairement aux autres pays européens ou étrangers, on ne peut jamais obtenir de chiffres fiables pour la France. Pour avoir des chiffres, les organismes officiels français interrogent les jeunes. Or c’est la plus grosse supercherie que l’on puisse présenter. Il y aurait pourtant une chose simple à faire : leur faire passer à tous, lors de la « Journée Défense et Citoyenneté », un test urinaire de contrôle de stupéfiants, et là nous aurions vraiment, tous les ans, des chiffres incontestables département par département. Aujourd’hui, tout est faussé parce que, comme on trafique les chiffres en France et que la France envoie ses propres chiffres à l’Europe, ils sont forcément faussés aussi au niveau européen. On ne peut donc pas avoir de vraies statistiques. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il y aurait en France environ 1,2 million de consommateurs réguliers, c’est à dire qui fument au moins dix joints par mois, et un peu plus de 500 000 consommateurs quotidiens, c’est à dire qui fument au minimum un joint par jour. Mais, quand on dit un joint par jour, très souvent c’est entre cinq et quinze joints par jour… Je reçois ainsi des gamins qui ont dix-sept ans et fument entre cinq et dix joints par jour. Ce qui est catastrophique pour des adolescents, parce que le cannabis agit énormément sur le cerveau à cet âge-là. En fait, la France est un pays hypocrite : elle prétend lutter contre les stupéfiants mais finance de nombreuses associations qui militent en faveur de la légalisation des drogues. J’écoutais encore ce matin une émission sur les problèmes de cannabis dans les collèges et les lycées : cela fait plus de dix ans que ça existe, mais on a l’impression que tous nos politiques découvrent aujourd’hui qu’il y a un problème. Et l’on oublie de dire, parce que l’on ne pose jamais la bonne question : est-ce que cet échec n’est pas dû aux associations qui sont entrées dans ces collèges et lycées pour y faire de la prévention et qui, en réalité, militent pour la dépénalisation des drogues ? Il serait peut-être temps, comme cela se fait dans de nombreux pays d’Europe et dans le monde, que toutes les associations de parents qui militent contre la drogue travaillent avec le gouvernement à la mise en place d’une vraie politique de prévention. Mais en France, on préfère écouter les gens favorables aux drogues.
— Vous citez d’ailleurs, au début de votre ouvrage, la phrase célèbre de Baudelaire, extraite de son essai Du vin et du haschisch  : « S’il existait un gouvernement qui eût intérêt à corrompre ses gouvernés, il n’aurait qu’à encourager l’usage du haschisch. » Pensez-vous que ce soit le cas aujourd’hui ?
— Bien sûr ! On pourrait même parler de l’usage de toutes les drogues. Quand vous entendez les propos de certains ministres, y compris du ministre de l’Education nationale, vous pouvez vous poser des questions. A peu près 30 % des jeunes de Seconde, Première et même de Troisième sont des consommateurs. Et l’on voit bien que ce sont des gamins endormis. Vous pouvez leur parler de tout ce que vous voulez, ils ne comprennent absolument rien. Je me demande parfois si cela n’arrange pas les gouvernements parce que, pendant ce temps-là, ils ne sont pas dans la rue. Et Baudelaire avait tout à fait raison sur ce point.
— Que pouvez-vous nous dire au sujet de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), organismes officiels censés lutter contre les addictions et régulièrement pointés du doigt par la Cour des Comptes et la Commission des Finances du Sénat ?
— Cela fait quinze ans que je milite pour la fermeture de la MILDT, qui est gangrenée par le lobby de la drogue qui la dirige en sous-main. Quant à l’OFDT, qui est financé par la MILDT, je l’appelle « la voix de son maître » : ses rapports et sondages vont toujours dans le sens de la MILDT. Cela coûte très cher et ne sert à rien. Il faut savoir que la MILDT, c’est quand même 38 millions d’euros ! Il y a quatre ans de cela, avec un groupe de députés, nous avions demandé une enquête parlementaire sur le financement de la MILDT et des associations favorables aux drogues. Evidemment, le Premier ministre de l’époque avait refusé cette enquête.
— En janvier 2013, scandalisé par la publication, par l’association ASUD, d’un numéro de son journal faisant ouvertement l’apologie de la consommation de stupéfiants, vous aviez adressé une lettre au ministre de l’Intérieur pour lui demander « l’arrêt des subventions à l’association ». Le ministre vous a-t-il répondu ?
— Le ministre ne nous répond jamais. Comme le ministre de la Santé d’ailleurs. Or, l’affaire relève d’un scandale monumental. ASUD milite ouvertement pour la légalisation de toutes les drogues et est financée à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros tous les ans. En janvier 2013, pour leur 50e numéro, ils sortent effectivement « On a testé pour vous 50 drogues ». Or, la moindre des questions à se poser quand on est ministre, c’est : ils ont testé 50 drogues, mais avec de l’argent public ! J’ai donc écrit au ministre, qui ne m’a jamais répondu. Un ou deux députés ont posé la question à Marisol Touraine à l’Assemblée, elle leur a expliqué qu’il ne s’agissait que de « prévention ». Or je peux vous dire que dans cette revue-là, on n’est pas du tout dans la prévention mais dans l’apologie totale. Et c’est un véritable mode d’emploi pour les jeunes, facilement disponible sur internet.
— J’ai vu le site d’ASUD. On a vraiment l’impression d’un site fait par et pour des toxicomanes…
— Ah mais ! ils se revendiquent ouvertement toxicomanes et fiers de l’être. Pour eux, c’est une aberration totale d’interdire les drogues. Cela fait partie des droits de l’homme ! Le problème, c’est qu’ils sont écoutés à la MILDT. Et quand on fait des rapports, on convoque ces gens-là. Ce que ne veulent pas les autorités, c’est que les Français sachent ce qui se passe en vérité. Si demain nos compatriotes apprenaient que l’on distribue plusieurs centaines de milliers d’euros chaque année à des associations qui font l’apologie des drogues, je crois qu’ils seraient assez surpris…
— A propos de l’association ASUD, que pouvez-vous nous dire au sujet de ce que vous appelez très justement le « lobby de la légalisation du cannabis » ? Combien d’associations en font partie ? A quelle hauteur sont-elles subventionnées ? Quels sont leurs principaux appuis politiques ?
— Cela représente une vingtaine d’associations, soutenues par tous les mouvements de gauche, d’extrême gauche et bien sûr les Verts. Quant au point de vue financement, malheureusement, on sait peu de choses. Ils touchent tellement d’argent d’un peu tout le monde… Leurs principaux financiers sont la Direction générale de la santé, puis le ministère de la Santé, les régions, les mairies, certains groupes pharmaceutiques… Par exemple, l’ASUD est financée à hauteur de 50 000 euros par le laboratoire Schering-Plough, qui produit le Subutex. Là encore, je réclame la création d’un site internet où toute subvention serait inscrite pour savoir qui touche quoi. Et il est aussi grand temps que l’on diminue d’au moins 50 % toutes les subventions aux associations, parce qu’il y a vraiment un problème à ce niveau-là. On vous dit, par exemple, que la mairie de Paris verse chaque année 300 millions d’euros aux associations. Or ce chiffre est faux. Parce que ces 300 millions sont donnés à 10 % seulement des associations. Et vous retrouvez toujours les mêmes : quand vous regardez qui sont les directeurs et présidents de ces associations, vous vous apercevez que ce sont tous des copains. Chacun se salarie. On crée de nouvelles associations, et c’est l’occasion de toucher de nouvelles subventions.
— Votre association est en pointe dans le combat contre la drogue. Donc, d’utilité publique. Avez-vous déjà reçu un quelconque soutien de la part de l’Etat ?
— Absolument pas. Non seulement je n’ai pas de soutien, mais je n’ai même pas le droit d’aller dans les écoles publiques parce qu’il faut être agréé par la MILDT ! Evidemment, nous ne risquons pas d’y être puisque nous ne tenons pas le discours ambiant. Nous ne vivons que grâce aux dons de nos adhérents et de quelques organismes qui nous invitent dans les écoles privées.

— Vous vous êtes beaucoup investi dans le combat contre l’ouverture d’une salle de shoot dans le Xe arrondissement de Paris et avez même engagé trois actions en justice, dont un recours devant le Conseil d’Etat. Recours qui a été jugé recevable par ledit Conseil en juillet dernier. Depuis, le Conseil d’Etat a rendu en octobre un avis négatif à l’ouverture d’une telle salle, en soulignant que ce lieu ne serait pas conforme à la loi de 1970 sur les stupéfiants. Or, on le sait, les avis du Conseil d’Etat sont purement consultatifs. Et les partisans de l’ouverture de cette salle ne semblent pas vouloir abandonner leur projet. Pouvez-vous nous dire où en est cette affaire ?
— En fait, nous voulions surtout qu’il y ait un débat. Parce que cette affaire dure depuis quatre ans, mais il n’y a pas de débat. La mairie de Paris, sous l’égide de Jean-Marie Le Guen, député du XIIIe et très proche de ces gens favorables aux drogues, a organisé trois conférences sur des fonds publics, auxquelles n’étaient évidemment invités que des gens favorables aux salles de shoot. Après quoi, ils ont commandé un rapport à une association qui s’appelle « Elus, santé publique et territoires », dont on nous dit qu’elle compte des élus de droite comme de gauche. Sauf que, lorsque vous regardez cela d’un peu plus près, vous vous apercevez que huit des neuf membres du bureau de l’association sont de gauche ! Et aussi que l’ESPT milite depuis des années pour l’ouverture de salles de shoot. Ils se basent sur un rapport de l’INSERM, qui fait 592 pages et dont vingt à peine sont consacrées aux salles de shoot, et nous expliquent que ce rapport dit ouvertement qu’il faut ouvrir ces salles. Or, le rapport n’a jamais dit ça !
Nous avons donc déposé un recours devant le Conseil d’Etat, qui nous a donné raison une première, puis une deuxième fois, en rejoignant ce que nous disions. A savoir que, sans modification de la loi, ces salles ne peuvent pas ouvrir. Nous attendons maintenant de voir ce que le ministre de la Santé va proposer. Parce que modifier la loi, c’est l’obligation pour elle d’annoncer à nos compatriotes : « Je vais dépénaliser les drogues en France. » Autre question : va-t-elle le faire dans toute la France ou uniquement dans certains endroits ? Là aussi, un problème se posera. Parce que vous aurez, par exemple, le droit de consommer rue de la Chapelle, mais dans la rue à côté vous vous ferez arrêter pour consommation de stupéfiants.
— Oui, c’est absurde. Et ils ont mis pour l’instant le dossier de côté, mais entendent bien le ressortir après les municipales…
— Bien sûr ! Je ne me fais pas d’illusions. On a affaire à un lobby qui est très puissant. A des gens qui sont des idéologues totaux. Parce qu’on est dans la pure idéologie soixante-huitarde. Mais nous continuerons à agir devant la justice et à faire des recours. Et nous essayons aussi de faire bouger l’opposition, mais c’est très difficile…
— Et quid des deux autres plaintes : celle déposée auprès du procureur de la République du TGIde Paris, et celle déposée auprès de la Cour de justice de la République ?
— Concernant la plainte auprès du procureur, j’ai été auditionné au commissariat du XIIIe. L’audition terminée, le dossier a dû repartir auprès du procureur. Nous attendons donc sa décision. Mais, connaissant l’indépendance de la justice en France, je ne me fais guère d’illusions. En ce qui concerne maintenant la plainte déposée auprès de la Cour de justice de la République, la Cour a jugé sur le fond et non sur la forme. Comme, entre-temps, le Conseil d’Etat a retoqué le décret que voulait faire passer le ministre de la Santé, ils ont considéré qu’effectivement le ministre avait bien prévu de faire une modification de la loi. Ce qui est totalement faux : je dispose en effet d’un document qui prouve que ce décret n’a été présenté que le 14 août, c’est à dire bien après la plainte que nous avons déposée le 4 juillet ! Mais, là encore, nous ne nous attendions pas à autre chose qu’à un classement sans suites.
— Parallèlement, vous avez lancé sur votre site internet (www.parentscontreladrogue.com) une grande pétition contre l’ouverture des salles de shoot. Pouvez-vous nous dire combien vous avez, à ce jour, recueilli de signatures, et quelles personnalités politiques ou médiatiques vous ont apporté leur soutien ?
— Nous avons beaucoup d’associations internationales qui ont signé la pétition, dont certaines ont des salles de shoot dans leur pays. Mais dans les personnalités politiques, aucune. Ils ont peur de faire de l’« anti-jeunisme ». C’est amusant parce que, lorsque le Conseil d’Etat nous a donné raison pour la deuxième fois le 10 octobre dernier, un ou deux élus de droite se sont alors emparés de l’affaire. En particulier Philippe Goujon, député et maire du XVe, qui a osé déclarer à l’Assemblée : « Le Conseil d’Etat m’a donné raison » ! Là, je suis entré dans une colère monstrueuse. Parce que ce monsieur ne nous a pas soutenus du tout. Et si nous n’avions pas engagé notre action, je peux vous assurer qu’en septembre la salle de shoot était ouverte !
— Plusieurs pays ont déjà tenté cette expérience des salles d’injections. Pouvez-vous nous dire quelles en ont été les conséquences ?
— Ceux qui veulent des salles de shoot en France citent toujours des rapports étrangers qui ont été rédigés par les dirigeants de ces salles ou par ceux qui les ont mises en place, et occultent totalement les rapports indépendants. Par exemple, les rapports qui ont été faits en Australie et démontrent qu’il y a beaucoup plus d’overdoses à l’intérieur d’une salle de shoot qu’à l’extérieur. En Australie, c’est 36 fois plus ! Tout simplement parce que les toxicomanes, se croyant en sécurité dans ces salles, se font des cocktails qu’ils ne se feraient jamais dans la rue. On ne parle pas, non plus, du fameux périmètre de sécurité autour de ces salles : en général, une zone de 300 mètres dans laquelle la police n’a pas le droit d’intervenir, mais où les dealers vendent toutes les drogues possibles et imaginables. J’ai visité trois salles au total : une en Norvège, une autre à Amsterdam et la dernière à Barcelone. Et, partout, toutes les rues autour de ces salles sont envahies de dealers et de toxicomanes. Par ailleurs, on sait aussi qu’en termes de sida et d’hépatite, cela n’a absolument aucune incidence. Enfin, ce que ne disent pas les partisans de ces salles c’est qu’après leur ouverture, on organisera des distributions de drogue aux frais du contribuable. Parce que, comme il y aura beaucoup d’overdoses, on vous dira ce qu’on dit dans tous les pays qui ont fait cette expérience : « La drogue qu’ils apportent n’est pas pure, donc distribuons de la drogue. » Le problème, c’est que l’on ne copie pas les bons modèles. Tous les élus français vont voir le modèle suédois sur quantité de choses, sauf sur les drogues. Or, c’est le modèle à copier. En Suède, on fait ce qu’on appelle le « testing » : tous les mois, dans les lycées et collèges, on prend vingt gamins au hasard et on leur fait passer un test urinaire. Le but n’est pas de les punir, mais si l’enfant est positif on prévient immédiatement les parents. Cela se fait dans les écoles mais aussi dans les entreprises, et cela ne gêne absolument personne. Le résultat, on le voit : la Suède est le pays qui a le moins de toxicomanes, toutes drogues confondues, au monde. Cela fait quinze ans que je réclame l’utilisation de tels tests en France !
— Les toxicomanes étant autorisés à transporter leur drogue pour se rendre dans ces salles, cela va également poser d’énormes problèmes aux policiers…
— Evidemment. N’importe quel dealer pourra dire que la dose en sa possession est pour sa consommation personnelle et qu’il va consommer dans la salle autorisée par le gouvernement. Et je ne vois pas trop comment la police pourra faire son travail puisque, dans certains endroits de France, vous aurez le droit de transporter, de consommer et de trafiquer de la drogue !

— Dans votre ouvrage, vous écrivez que « la propagande sur le cannabis médical est faite par ceux qui prônent la légalisation du cannabis pour essayer d’influencer l’opinion publique » et citez la réponse faite en 2000 à un journaliste du New York Times par Ethan Nadelmann, directeur de la fondation Drug Policy Alliance : la question du cannabis médical est « un cheval de Troie qui aiderait à la légalisation du cannabis ». Le 9 janvier dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a autorisé la mise sur le marché du Sativex, médicament dérivé du cannabis, contre lequel l’Académie de Médecine vient justement de publier une mise en garde. Pouvez-vous nous donner votre avis sur cette affaire ?
— Il faut savoir que Georges Soros, qui a créé de nombreuses fondations dans le monde, dont la Drug Policy Agence est la principale, finance toutes les associations faisant la promotion de la légalisation du cannabis. Avec Nadelmann, ils sont partis du principe que le meilleur moyen d’arriver à la légalisation, c’était de parler du cannabis soi-disant médical. Et l’on voit bien qu’aux Etats-Unis cela a fonctionné puisqu’un Etat l’a autorisé et un deuxième est en passe de le faire. Or, derrière tout cela, se cache le lobby de la drogue qui voudrait la légalisation du cannabis partout. Concernant maintenant le Sativex, on ne parle pas de cannabis, puisqu’il s’agit d’un dérivé du cannabis. Le problème du Sativex, c’est qu’il n’est efficace que pour 30 % des personnes. Là encore, il s’agit donc d’une vaste supercherie. Et lorsque le ministre de la Santé avait parlé d’autoriser ce médicament, j’avais souligné que ses propos n’étaient pas très clairs. Parce qu’elle ne parlait pas seulement du Sativex, mais de tous les médicaments dérivés du cannabis. Ainsi, va-t-elle autoriser dans les mois à venir la mise sur le marché d’autres produits encore plus dangereux ? Ou va-t-elle carrément autoriser les gens porteurs de certaines maladies à fumer du cannabis ? Si vous prenez l’exemple de la Floride, une enquête menée par le FBI a démontré que ceux qui fumaient « pour raisons médicales » étaient en fait des jeunes de 20-25 ans qui n’étaient pas malades, mais disposaient de certificats médicaux rédigés par des médecins complaisants. On en a un très bon exemple en France avec le Subutex, qui est soi-disant « encadré et surveillé ». Résultat : la France est le premier pays au monde dans le trafic de Subutex ! Et ce sera la même chose avec le Sativex.
— Dans votre Dossier noir du cannabis, vous évoquez longuement les effets catastrophiques de cette drogue sur ceux qui la consomment. Pouvez-vous rappeler brièvement à nos lecteurs quels sont ces effets ?
— Le premier des effets à court terme est sur la mémoire, parce que le cannabis touche principalement la partie du cerveau qui gère la mémoire. Mais il faut parler également du syndrome amotivationnel : le fumeur de cannabis n’a plus d’énergie ; des activités quotidiennes telles que se lever, apprendre, travailler lui deviennent trop pénibles et lui semblent dépourvues de sens. Il faut aussi parler des difficultés de concentration, des difficultés scolaires, de la modification de l’humeur, des sensations et du comportement. Il y a des problèmes de violences, que l’on retrouve de plus en plus chez les consommateurs de cannabis. En 2007, aux Etats-Unis, 49,7 % des étudiants âgés de 12-17 ans qui consommaient du cannabis reconnaissaient avoir eu un comportement violent au cours de l’année écoulée. Il y a également tous les problèmes de dépression. On est quand même le premier pays européen en terme de suicide chez les jeunes. Peut-être faudrait-il s’interroger sur les liens entre consommation de cannabis et suicide chez les jeunes. Après, on sait par exemple que la consommation de cannabis est associée, surtout chez les adolescents, à un risque vraiment accru de développer une dépression ou un état anxieux. On parle aussi de la schizophrénie…
— A ce propos, vous citez le témoignage d’Agnès, dont le fils, grand consommateur de cannabis, a été diagnostiqué schizophrène. Pouvez-vous nous dire où en est la recherche scientifique sur ce point ?
— Pendant de nombreuses années, les scientifiques ne savaient pas si le schizophrène prenait du cannabis pour apaiser sa schizophrénie ou si le cannabis était responsable de sa schizophrénie. Or, ils se sont aperçus qu’un grand nombre de personnes consommant du cannabis développaient une schizophrénie. Surtout chez les jeunes. Même chose pour les psychoses : de très nombreuses études à travers le monde montrent que le cannabis provoque des psychoses chez des sujets qui ne présentent pas de terrain propice, et aggrave celles des sujets déjà psychotiques. On pourrait parler aussi des effets sur les poumons, parce que nous savons très bien que nous allons nous retrouver dans les années à venir avec des cancers beaucoup plus violents que ceux provoqués par le tabac. Nous n’avons pas encore assez de recul. Mais de nombreux scientifiques le disent : d’ici à vingt ans, nous allons avoir des épidémies de maladies qui seront dues uniquement au cannabis.
— Les effets sont d’autant plus catastrophiques que, comme vous le rappelez dans votre livre, le taux de THC contenu dans le cannabis actuel est beaucoup plus important qu’il ne l’était à l’époque de 68…
— Oui, à l’époque, c’était entre 0,5 et 3 % de THC. Maintenant la moyenne française est de 13 %. Et je dis bien la moyenne. Parce que vous avez des variétés hollandaises croisées qui peuvent atteindre les 35-45 %. Et si vous allez aux Pays-Bas, vous vous apercevrez que les jeunes Français qui vont dans les coffee-shopscherchent des variétés très fortement dosées. Il y a un autre phénomène très inquiétant : à une époque, le cannabis, c’était au lycée. Maintenant, on en est au collège. L’âge diminue de plus en plus. L’âge moyen, aujourd’hui, c’est treize ans. Et dans certains lycées, on en est à la cocaïne…
— Vous citez également le témoignage de Florence, qui explique que la consommation de cannabis l’a amenée très rapidement à tester des drogues de plus en plus dures. Que sait-on, aujourd’hui, du point de vue scientifique, de la dépendance induite par la consommation de cannabis, et du cannabis première étape vers des drogues plus dures ?
— C’est ce qu’on appelle la « théorie de l’escalade », que certains (sauf les scientifiques) nient beaucoup en France, mais qui est reconnue un peu partout ailleurs. De nombreuses études ont en effet démontré que beaucoup de jeunes qui commencent à consommer très tôt de l’alcool et du tabac basculent rapidement dans le cannabis, puis tombent très vite dans la cocaïne et autres drogues. Et c’est très facile à démontrer, d’ailleurs. On sait très bien que, quand vous lui donnez un plaisir, et en particulier la drogue, le cerveau va en demander toujours plus.
— Vous citez le témoignage d’Adèle, qui rapporte avoir eu les plus grandes difficultés à faire entendre raison à son fils face au discours pro-légalisation tenu par certains médias et vedettes du show-biz. L’article L. 3421-4 du Code de la santé publique de 1970 réprimant toute incitation directe ou indirecte à la consommation de stupéfiants, ces gens ne devraient-ils pas être systématiquement poursuivis par la Justice ?
— Bien sûr ! Cela fait très longtemps que je demande à ce que tout élu qui fait la promotion des drogues soit automatiquement sanctionné. Même chose pour les artistes. Je vais vous citer un exemple. Il y a quelques années, Canal+ diffusait un feuilleton qui s’appelle « Weed » (cannabis, en anglais) et qui est une véritable apologie du cannabis. J’ai alors écrit au CSA, en leur disant que j’étais surpris que cette série soit diffusée à une heure de grande écoute. Le CSA m’a répondu : « Effectivement, nous avons écrit à Canal+ pour leur demander d’afficher le logo interdit au moins de 12 ans. » Or, ce n’était pas du tout ce que je leur demandais. Ces logos-là ne servent absolument à rien. Maintenant, vous pouvez prendre n’importe quel film, n’importe quelle série, vous avez toujours dedans la personne qui consomme du cannabis ou de la cocaïne, et l’on vous présente ça sous un jour favorable. C’est un vrai danger. Parce que, malheureusement, les jeunes ne regardent que ça.
— Cela entre dans une démarche générale. De la même manière, beaucoup de feuilletons comptent aujourd’hui le couple gay sympathique, l’étranger victime du racisme, etc.
— C’est la nouvelle mode ! On veut nous imposer un mode de société qui n’est pas, en tout cas, celui auquel je pense. Si vous regardez la tendance de la télévision, à chaque fois qu’il y a un changement, on vous impose ce changement. Et l’on ne cherche pas à dire qu’il y a des gens qui sont contre ou qui ne sont pas du tout d’accord avec ça. Tout le monde sait très bien que François Hollande est quelqu’un qui ne supporte pas du tout le système tel qu’il est fait en France. Et en particulier la famille. C’est quelqu’un qui est totalement anti-famille. Et l’on voit bien que ce qu’il veut, c’est casser entièrement le système familial. Nous avons au pouvoir une génération de politiques qui sont malheureusement issus de Mai 1968. Et il faudra arriver à sauter cette génération pour que tout rentre dans l’ordre.
— Quand vous parlez de sauter une génération, il y a peut-être un espoir avec ces jeunes qui se mobilisent pour la défense de la famille et cette levée de boucliers à laquelle nous avons assisté au moment de l’adoption du « mariage pour tous » ?
— Oui, pour les drogues, c’est pareil. Je mets beaucoup d’espoir dans les jeunes. Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, tous les jeunes ne consomment pas. Et je pense que c’est d’eux que viendra le changement. Il faut vraiment qu’ils se mobilisent comme ils l’ont fait, mais contre la drogue aussi.
— Vous publiez aussi le témoignage très intéressant de Frédéric, juge des enfants à Pontoise et partisan de la « tolérance zéro » en matière de toxicomanie, qui avoue irriter certains de ses collègues. Ne pensez-vous pas que la Justice française fait preuve d’un grand laxisme en matière de lutte contre la drogue ?
— Frédéric est le vice-président de notre association. Et il le dit régulièrement : quand il condamne un jeune, il a très souvent tous les juges qui viennent le voir en lui disant qu’il a été beaucoup trop sévère. On voit bien qu’il y a un très grand laxisme de la justice sur les stupéfiants, et c’est d’ailleurs l’une des raisons de nos problèmes. Je suis toujours « amusé » de voir dans la presse que tel dealer a pris douze mois de prison dont onze avec sursis… Ça tourne à la plaisanterie ! Et quand j’entends ce qui se passe dans les cités, je crois qu’il y a un moment où il faut prendre des sanctions très sévères. Et puis, peut-être faudrait-il aussi passer des accords avec certains pays comme le Maroc, qui est le premier pays fournisseur de cannabis au monde, en leur disant : « On vous donne chaque année des subventions, il faut mettre des conditions en échange ! » Car il faudrait être aveugle pour ne pas voir que c’est par les frontières entre l’Espagne et le Maroc que passent les plus gros chargements de cannabis.
— C’est là qu’on voit l’efficacité de l’Union européenne en matière de protection des frontières…
— Bien sûr. Nous avons des frontières tellement poreuses que tout peut les franchir. Ça va des êtres humains à la drogue, en passant par les armes et tout ce que l’on peut imaginer. Il n’y a plus de contrôles. Je vais très souvent en Espagne et, au col du Perthus par exemple, vous avez des supermarchés du cannabis. Et tous les ans, au moment des vacances, des milliers de jeunes Français viennent acheter du cannabis pour le faire passer en France. C’est le problème de l’harmonisation des politiques sur les drogues. Un problème qui n’est pas près d’être réglé, parce que l’écart entre la politique suédoise et la politique hollandaise est tel que je pense qu’il n’y aura jamais d’harmonisation européenne. D’ailleurs, on ne parle jamais au Parlement européen du problème de la drogue. Parce que l’on sait très bien qu’il n’y aura jamais d’entente sur ce sujet-là.
— Ces pays sont-ils signataires des Conventions de l’ONU de 1961, 1971 et 1988 ?
— Ils sont effectivement signataires de ces Conventions, mais ne les respectent pas. L’ONU fait tous les ans un rapport signalant que tel ou tel pays est en infraction, mais ça s’arrête là.
— Nous avons dans notre lectorat de très nombreux parents. Quels conseils pouvez-vous leur donner ?
— En matière de prévention, il est démontré que les enfants attendent de leurs parents qu’ils leur expliquent le danger des drogues. Or, beaucoup de parents en France ne le font pas. Parce qu’eux-mêmes ne sont pas informés. Si les parents continuent à faire l’autruche comme ils le font en France, nous n’y arriverons jamais. La deuxième chose c’est que, quand ils savent que leur enfant consomme, il faut réagir le plus tôt possible, en contactant notre association. Et s’ils sont loin, en allant voir des organismes comme le nôtre. En tout cas, il ne faut pas laisser les parents seuls.
— Vous avez plusieurs personnes d’ailleurs, dans les témoignages que vous publiez, qui disent s’être heurtées à la passivité d’un certain nombre d’organismes publics, voire se sont fait « gronder » parce qu’elles imposaient des tests urinaires à leurs enfants…
— C’est un problème que je vois tous les jours. Soit les parents appellent le téléphone officiel « Drogue Info Service », où ils se font très souvent envoyer balader et où on leur explique que ce n’est pas dangereux. Soit ils contactent des organismes officiels qui leur tiennent le même discours. On voit bien qu’il y a vraiment quelque chose qui ne va pas dans ce pays ! Parce que ces gens sont censés les aider. Or, ils font tout le contraire. Quant aux tests urinaires, j’en propose à tous les parents qui viennent me voir. Et je leur explique pourquoi : quand votre enfant arrête le cannabis, il peut vous raconter n’importe quoi. Or, face à un test, il ne pourra pas vous mentir : s’il est positif, il est positif. Cela permet d’aider beaucoup de jeunes à décrocher. Pourtant, quand j’avais demandé la généralisation de ces tests, un psychiatre bien pensant d’une association m’avait quasiment traité de « facho » et accusé de vouloir faire interner les gamins. Alors que ces tests se font dans le monde entier sans que cela pose le moindre problème. Mais, en France, si vous parlez de tests de drogues, vous déclenchez immédiatement un scandale…
— C’est une façon de tuer le débat. De la même manière que, si vous dénoncez le laxisme en matière d’immigration, vous êtes « raciste », si vous êtes contre le « mariage » gay, vous êtes « homophobe »…
— Exactement. Ça leur permet de ne pas débattre. Quand nous avons déposé plainte contre les salles de shoot, nous sommes devenus les « fachos de service ». Et les associations comme ASUD refusent systématiquement de débattre. C’est là qu’on voit aussi le danger pour la démocratie. Parce que les Français n’entendent que leur discours. Et tous les journalistes qui vont contre ce dernier sont interdits d’antenne. Et là, je n’ai pas peur de le dire, nous sommes entrés dans une dictature. On le voit bien en ce moment : je n’aime pas spécialement Dieudonné, mais c’est exactement ce qui se passe avec lui. Quand vous écoutez Bedos et son fils, ils racontent parfois des choses qui sont pires, mais ils font partie de ces bien-pensants auxquels il ne faut surtout pas toucher.
— Effectivement, on ne peut pas rire de tout. Et c’est le « deux poids, deux mesures »…
— Si l’on prend le problème des Femen par exemple, j’ai du mal à comprendre comment elles ont pu obtenir leurs papiers aussitôt, et comment on peut financer une association qui est quand même classée comme étant terroriste dans les pays de l’Est ! Et, en France, on leur donne des locaux. Parce qu’elles s’entraînent dans un local de la Goutte d’Or qui est financé par la mairie de Paris. Et quand on voit ce qu’elles font, c’est tout aussi condamnable, et même largement plus, que les propos de Dieudonné. Pourtant, on les laisse faire. On les subventionne. J’ai vu qu’un député femme avait récemment posé la question de leur financement à l’Assemblée. Mais nous attendons toujours la réponse… Et puis il y a aussi une ambiguïté de la part de la droite. Parce qu’il faut quand même rappeler que, lorsque ASUD avait ouvert une salle de shoot il y a quelques années, nous étions sous un gouvernement de droite !
— Oui, et il y a eu un certain nombre de déclarations, notamment de Roselyne Bachelot, en faveur de la légalisation du cannabis.
— Elle était ministre de la Santé et militait ouvertement pour les salles de shoot. Quand Chirac était président, j’avais fait un scandale auprès d’un grand nombre de députés parce que le président du moment de la MILDTvoulait ouvrir des salles de distribution d’héroïne en France sur le modèle suisse. Une chose que les Français n’ont jamais sue ! J’ai le rapport de la MILDT de l’époque, qui n’est pas sorti, heureusement. Un intermédiaire me l’avait donné avant même qu’il ne soit rendu public, et j’avais écrit au ministre de la Santé pour protester contre ce projet. Heureusement, cela ne s’est pas fait.
— Souhaitez-vous profiter de cet entretien pour faire passer un message particulier ?
— J’ai en fait deux messages à faire passer. Le premier est qu’il faut vraiment que les Français se mobilisent contre les salles de shoot et signent la pétition que nous avons lancée à l’adresse http://www.parentscontreladrogue.com/soutien.htm. Je pense qu’ils ne se rendent pas compte du danger que représente l’ouverture de ces salles en France. Et le deuxième, c’est de dire aux parents : adhérez à des associations qui sont vraiment engagées dans la lutte contre la drogue. Parce que plus nous serons nombreux, et plus nous pourrons changer les choses. Si les Français ne se mobilisent pas davantage, je suis sûr que la loi sur les salles de shoot passera après les élections.

0 commentaires: