TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 15 février 2014

Lutte contre le chômage, mode d'emploi : ces pays qui ont inversé la tendance en un temps record


Parmi les pays développés à avoir été lourdement affectés par la crise, les États-Unis et le Royaume-Uni ont su donner un nouveau souffle à leur marché de l'emploi, grâce à une politique de relance monétaire qui montre que les banques centrales ont un rôle déterminant à jouer en la matière.

Janet Yellen, nouvelle Présidente du Conseil des gouverneurs de la réserve Fédérale des Etats Unis vient de tenir son premier discours à ce poste. Faut-il s’attendre à une modification de la politique monétaire américaine ?

Nicolas Goetzmann : Janet Yellen a tout de suite indiqué qu’elle agirait dans la continuité de son prédécesseur Ben Bernanke. Elle souhaite ainsi continuer la politique de relance dite QE3, c’est-à-dire le troisième plan d’assouplissement quantitatif qui consiste à apporter un soutien monétaire à l’économie. Son approche est similaire en apparence mais on peut percevoir une différence dans son attachement à l’emploi, et ce dans toutes ses composantes. Yellen a ainsi pu faire part de son intérêt particulier pour le taux d’emploi à temps partiel, les personnes découragées et sorties des statistiques et le chômage de longue durée. Elle apporte ainsi une vision très « concernante » de la situation réelle du marché de l’emploi, et ne se cache pas de vouloir atteindre le plein emploi réel. De cette façon elle indique implicitement au marché qu’elle se focalise sur les statistiques U6 publiés par le Bureau of Labor Statistics, qui prennent en compte l’ensemble des personnes en situation de sous-emploi. Ce taux est actuellement de 12.7 %. Et son objectif avoué est de parvenir à réduire ce taux de chômage au maximum tout en préservant une limite de 2.5 % d’inflation sur le moyen terme. Elle dispose dès lors d’une marge de manœuvre suffisante pour continuer le programme car le taux d’inflation ne dépasse pas 1.5 % pour le moment.

Les Etats-Unis ont atteint un taux de chômage de 6.6 %, ces chiffres ne sont-ils qu’un trompe l’œil ? Ou est-ce que le pays est réellement sur le chemin du plein emploi ?

Cet argument est fréquemment employé par les adversaires de la relance monétaire. A partir d’une vision erronée qui consiste à imaginer que ces plans ne sont que de la poudre aux yeux, la conclusion serait que les emplois qui y sont associés ne pourraient être qu’imaginaires. Mais la réalité est publiée par le BLS (Bureau of Labour Statistics). Le taux de chômage est de 6.6 % et en forte baisse depuis septembre 2012 date du lancement du programme de QE3. Les chiffres U6 sont également en forte baisse à 12.7 %. Mais le plus important est que l’économie américaine a créé plus de 2 millions d’emplois en 2013. Une infime proportion de ces emplois supplémentaires crées sont à temps partiel, soit 0.4 %. La très grande majorité sont donc des emplois à temps plein. De plus, le redressement de la vitalité de l’emploi est clair ; le nombre de personnes qui démissionnent pour prendre un nouvel emploi, mieux rémunéré, ou plus en adéquation avec leur niveau de formation et de compétence est en constante augmentation. Ce sont plus de 2.3 millions de personnes par mois qui sont concernées par une telle situation. Un autre chiffre significatif est celui du nombre de personnes à la recherche d’un emploi par poste disponible, qui  est tombé de 7 en 2009 à 2.6 en ce début 2014. La situation de l’emploi aux États-Unis est encore loin du plein emploi, mais l’amélioration est considérable. La critique ne tient pas longtemps face à ces faits.

Quelles sont les méthodes employées pour obtenir ces résultats ?

C’est bien la relance monétaire qui est à l’œuvre ici, cela ne fait pas vraiment de doute.Depuis mi 2012, la vision monétaire de la crise s’est imposée dans les cercles académiques américains, ce qui a fortement influencé et renforcé la position de la FED dans son approche. Cette doctrine estime que la crise n’est rien d’autre que la conséquence d’une gigantesque erreur monétaire au cours des années 2007 et 2008, dont l’effet aura été de permettre un écroulement de la croissance. La nouvelle approche revient en fait à la base, c’est-à-dire qu’elle estime que le rôle d’une banque centrale ne consiste pas seulement à regarder passer les trains en ne se focalisant que sur l’inflation, mais il consiste à stabiliser la croissance nominale, qui est la somme de la croissance et de l’inflation. Si cette optique avait été respectée pendant la crise, cette dernière n’aurait simplement pas eu lieu, ou au moins elle aurait été très fortement contrebalancée. Ce que la FED fait aujourd’hui n’est rien d’autre qu’une compensation de ce qu’elle aurait dû faire avant. Ce soutien monétaire permet de soutenir la demande intérieure, ce qui agit directement sur la croissance et donc l’emploi. Le fait que l’inflation ne décolle pas du tout en de telles circonstances est le signe que le marché était bien asséché de monnaie, et qu’il avait besoin de ce que la FED lui donne aujourd’hui.

Le Royaume Uni semble prendre la même voie, y a-t-il une convergence d’approche entre les deux pays ?

En effet. Mark Carney, le nouveau Gouverneur de la Bank of England est plus ou moins sur la même voie et obtient des résultats très satisfaisants depuis son arrivée en juillet 2013. Le taux de chômage atteint aujourd’hui 7.1 % au Royaume-Uni. Il est à ce propos très intéressant de noter ses derniers propos tenus ce 12 février. Au lieu de se préoccuper d’une éventuelle inflation à la hausse, Carney indique que le risque est de voir l’inflation évoluer sous son objectif de 2.00 %. Il renverse totalement l’approche habituelle, c’est-à-dire celle qui est par exemple défendue par la BCE et qui consiste à ne voir l’inflation que comme une menace à la hausse. Carney raisonne donc de façon symétrique et s’en explique en indiquant qu’une inflation sous le seuil de 2 % n’est rien d’autre que le symptôme d’une économie qui fonctionne en deçà de son potentiel. Ce que Carney veut, c’est soutenir l’activité aussi loin que possible pour que le Royaume-Uni tourne à plein régime, c’est-à-dire à son plein potentiel. Ce qui se traduit de manière assez simple sur le niveau de l’emploi, car c’est bien le plein emploi qui est visé par Carney. Il base sa politique sur ces objectifs qu’il fixe, il indique au marché quelles sont ses intentions tout en annonçant qu’il soutiendra l’économie jusqu’à obtention des résultats attendus. Ce qui permet aux acteurs économiques de pouvoir se positionner en toute connaissance de cause. Et les résultats sont là.
En cela, il y a une certaine concordance entre l’approche de Yellen et celle de Carney, mais il faut bien admettre que ce dernier fait preuve de beaucoup d’innovation dans son approche. De son côté, la BCE ne dispose malheureusement pas d’un mandat assez large pour lui permettre une telle innovation, elle ne se focalise que sur la seule stabilité des prix. Car le traité de Maastricht a totalement verrouillé cette possibilité. C’est une erreur colossale, et une réforme de ce mandat devrait être la priorité des priorités pour tous les gouvernements européens.

Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez le nouveau livre de Nicolas Goetzmann : Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

0 commentaires: